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Face à l'enfer en Ukraine, le combat du personnel soignant

Un patient pédiatrique est transporté hors de l'hôpital de Lviv lors d'une évacuation, Ukraine.
© UNICEF/Viktor Moskaliuk
Un patient pédiatrique est transporté hors de l'hôpital de Lviv lors d'une évacuation, Ukraine.

Face à l'enfer en Ukraine, le combat du personnel soignant

Santé

« Nous n’avons pas perdu espoir, nous n’abandonnons pas, nous nous soutenons mutuellement », tel est le message d’espoir et d’engagement de trois travailleurs de la santé, mais sûrement l’état d’esprit de tout le personnel soignant ukrainien piégé par les combats.

Se battre pour protéger leurs patients, tel est le crédo de ces trois agents de santé de trois hôpitaux ukrainiens, qui ont dû adapter leur métier en temps de guerre. En effet, le conflit a obligé le personnel soignant à adopter de nouveaux rôles et de nouvelles méthodes de travail sur le théâtre des opérations.

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Pour protéger et traiter leurs patients, les travailleurs de la santé ont fait appel à une nouvelle forme d’ingéniosité dosée de dévouement.

Parmi ce personnel soignant dévoué, Olha, une spécialiste des maladies infectieuses.

Elle est revenue d’un traitement de patients dans les points chauds de la Covid-19 dans un établissement de soins de santé du centre de l’Ukraine. C’est la détresse d’un jeune homme piégé par les ondes de choc d’une explosion qui l’a convaincue d’abandonner son cabinet privé et de se consacrer à ceux qui ont le plus besoin d’elle.

Olha reçoit 150 messages quotidiens pour des conseils de diagnostic et de traitement

« Il est resté dans les bois pendant environ trois jours. Après avoir été amené, il n’a pas parlé pendant 3 autres jours, se cachant dans son lit d’hôpital avec une couverture sur la tête. Nous avons effectué un électrocardiogramme, qui a montré que le jeune homme avait eu une crise cardiaque. Les cardiologues n’en revenaient pas, répétant : « Comment est-ce possible ? Il n’a que 22 ans ».

Lorsqu’Olha a annoncé ses services en tant que spécialiste des maladies infectieuses sur les médias sociaux, elle a commencé à recevoir jusqu’à 150 messages quotidiens pour des conseils de diagnostic et de traitement pour toute une série de maladies. Certaines des personnes qui la contactent ont déjà fui leur domicile et se sont installées dans le centre de l’Ukraine.

Mais d’autres se trouvent encore dans des endroits gravement touchés par les hostilités et coupés des services de soins de santé. Olha les aide, en personne et à distance, en les interrogeant au téléphone et en les orientant vers d’autres spécialistes lorsque cela est possible. 

« Nous avons beaucoup de déplacés internes qui viennent à l’hôpital, qui ont fui des endroits comme Marioupol, Kharkiv et Tchernihiv. Je fais tout ce que je peux pour les aider, quelle que soit leur condition. Les cas les plus fréquents que je vois sont les jeunes enfants », a-t-elle détaillé.

Dans les abris anti-bombes, les gens respirent des spores fongiques et s’ils ont des maladies chroniques, celles-ci s’aggravent souvent. Parfois, ils arrivent avec des maladies prolongées, comme des pneumonies, des infections rénales et des réactions allergiques graves. « J’accepte tout le monde », a-t-elle dit aux équipes de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Patients dans un service médical de l'hôpital de Kyïv, en Ukraine.
©OMS/Anastasia Vlasova
Patients dans un service médical de l'hôpital de Kyïv, en Ukraine.

Urgence mode d’emploi

De son côté, Lidiya est la Directrice des opérations d’un hôpital de Kyïv. En temps de paix, l’hôpital gérait 18 cliniques externes, mais depuis le début des hostilités, toutes les ressources ont été concentrées dans l’hôpital. Bien que de nombreux membres du personnel basés dans les zones fortement bombardées autour de Kyïv ont dû être évacués, un noyau de personnel est resté pour être au service des populations affectées.

« La plupart du temps, nous traitons les personnes souffrant de maladies courantes, d’accidents vasculaires cérébraux et de crises cardiaques, ainsi que celles qui ont besoin d’une intervention chirurgicale aiguë », a fait remarquer Lidiya. Stabilisés dans un premier temps, les patients sont ensuite évacués ailleurs pour des soins intensifs.

Des adultes et des enfants ont également été emmenés à l’étranger par des organisations bénévoles pour être réhabilités en Italie.

D’une manière générale, le passage au travail d’urgence signifie que certains hôpitaux n’offrent plus de services de routine, et ceux qui le font ont vu une baisse de la demande.

« Les gens essaient maintenant autant que possible de se mettre à l’abri immédiatement lorsque la sirène du raid aérien retentit, donc assister à des consultations de routine est extrêmement rare, bien que nous ayons eu des cas au cours des deux dernières semaines de personnes venant nous voir avec des enfants pour des vaccinations planifiées ».

Une infirmière à l'Institut d'épidémiologie et des maladies infectieuses de Kyïv, Ukraine
© OMS/Anastasia Vlasova
Une infirmière à l'Institut d'épidémiologie et des maladies infectieuses de Kyïv, Ukraine

L’apport de l’OMS pour organiser des équipes médicales d’urgence

Un autre hôpital de Kyïv traite des adultes et des enfants atteints de maladies cardiovasculaires et, malgré l’offensive militaire russe, toute l’équipe est restée pour continuer à fournir des soins 24 heures sur 24. Ils sont passés de la conduite d’opérations planifiées à la réalisation d’une ou deux opérations d’urgence par jour.

« Nous sommes tous, en tant qu’équipe, passés en mode d’urgence pour pouvoir apporter notre aide en cas de besoin », explique Andriy, anesthésiste-réanimateur. « Comme il est difficile de se déplacer dans la ville, nous avons décidé d’être là en cas de besoin - nous vivons presque ici maintenant », a-t-il ajouté.

À l’heure actuelle, la structure fonctionne avec environ 80% du nombre d’employés d’avant la guerre. « Nous nous en sortons grâce à l’aide de tant d’organisations et de bénévoles », a souligné l’anesthésiste-réanimateur.

L'OMS travaille en étroite collaboration avec le ministère ukrainien de la Santé pour recenser les besoins du système de santé du pays et y répondre rapidement. L’OMS a ouvert un centre d’opérations en Pologne permettant d’acheminer de l’aide médicale pour traumatismes dans de nombreuses villes ukrainiennes.

L’agence onusienne a déjà envoyé plus de 100 tonnes de matériel médical de l’autre côté de la frontière, dans les établissements de santé du pays. Pour soutenir les agents de santé assiégés en Ukraine, l’OMS collabore également avec ses partenaires pour organiser des équipes médicales d’urgence.