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Guerre en Ukraine : la situation humanitaire continue de s’aggraver

 Un tank détruit est abandonné sur la route de Boutcha, en Ukraine.
©PAM/Marco Frattini
Un tank détruit est abandonné sur la route de Boutcha, en Ukraine.

Guerre en Ukraine : la situation humanitaire continue de s’aggraver

Aide humanitaire

Plus de sept semaines après le début de l’invasion russe, près de la moitié de la population ukrainienne s’inquiète de ne pas trouver suffisamment à manger, ont mis en garde mardi les Nations Unies, qui sont préoccupées aussi par la poursuite des attaques contre des travailleurs de santé et les dégâts causés à des établissements scolaires.

Selon le Programme alimentaire mondial de l’ONU (PAM), le problème n’est pas tant la disponibilité de nourriture mais plutôt l’accès à la nourriture, que ce soit physiquement ou économiquement.

« La nourriture est l’une des trois principales préoccupations des gens, après la sécurité et le carburant pour le transport », a déclaré lors d’un point de presse depuis Lviv, Jakob Kern, Coordinateur des urgences du PAM en Ukraine.

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Rien que dans la ville de Marioupol, il y a plus de 100.000 personnes qui n’ont pas pu partir depuis des semaines et qui ont un besoin urgent de nourriture, d’eau et d’autres fournitures essentielles. 

Quelque 6 millions de personnes ont et auront besoin d’une aide alimentaire et financière dans ce pays.

« La semaine dernière, j’étais à Kiev et à Bucha. J’ai vu une communauté qui tente de se relever contre vents et marées. Certaines personnes ont tout perdu, des moyens de subsistance aux membres de leur famille », a ajouté M. Kern.

L’ONU réitère l’urgence d’établir des couloirs humanitaires en Ukraine

Face à cette urgence humanitaire, l’agence onusienne intensifie sa réponse. Le PAM a ainsi mobilisé plus de 60.000 tonnes de nourriture pour son intervention en Ukraine, soit suffisamment pour nourrir 2 millions de personnes pendant deux mois. 

Malgré une situation sécuritaire volatile, le PAM a livré 113 tonnes de nourriture aux familles vulnérables dans les villes encerclées de Kharkiv, Soumy et Severodonetsk par le biais de quatre convois humanitaires inter-agences des Nations Unies. Cela suffit à nourrir 20.000 personnes pendant dix jours.

La plupart des personnes atteintes - 1,4 million sur un total de 1,7 million - sont des familles piégées dans les zones encerclées ou partiellement encerclées du pays. « Mais de nombreuses personnes parmi les plus vulnérables restent hors de notre portée derrière les lignes de conflit », a regretté M. Kern. 

L’Ukraine est le cinquième exportateur mondial de blé, et dans le trio de tête pour le maïs, l’orge et les graines de tournesol. « Avant le conflit, l’Ukraine nourrissait le monde, aujourd’hui elle a besoin d’aide pour se nourrir », a fait valoir le Coordinateur des urgences du PAM en Ukraine.

Un tiers des terres agricoles pourrait ne pas être cultivées en 2022

L’agriculture est au cœur de l’économie ukrainienne, jouant un rôle clé dans la protection de la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance dans tout le pays, ainsi que dans la région. La vaste destruction des cultures et des infrastructures due à la guerre met en péril la production et la sécurité alimentaires. 

La FAO estime qu’un tiers des cultures et des terres agricoles pourraient ne pas être récoltées ou cultivées en 2022. 20% des surfaces plantées risquent de ne pas récoltées en juillet, et la  superficie des semis de printemps devrait être inférieure d’environ un tiers à la normale.

Le déplacement forcé des populations civiles fuyant la guerre et la conscription des hommes dans les forces de défense territoriales entraînent des pénuries de main-d’œuvre et une charge accrue pour les femmes. Cette situation est exacerbée par une diminution de l’accès et de la disponibilité des intrants agricoles cruciaux.

Des fournitures alimentaires fournies par le PAM sont livrées à Bucha, en Ukraine
©PAM/Marco Frattini
Des fournitures alimentaires fournies par le PAM sont livrées à Bucha, en Ukraine

L’appel des autorités ukrainiennes : « Aidez-nous à aider le monde »

Selon le PAM, la principale préoccupation des autorités ukrainiennes est le manque de capacité de stockage pour faire entrer la récolte de céréales de 2022. 

L’agence onusienne estime que 15 millions de tonnes de céréales n’auront pas de place dans les silos du pays. « Si l’Ukraine ne peut pas exporter ses stocks actuels, les agriculteurs pourraient ne pas être en mesure de récolter au prix coûtant, et encore moins de planter la récolte de l’année suivante », a souligné M. Kern, relevant que le manque de céréales ukrainiennes sur le marché mondial influence les prix des denrées alimentaires dans le monde entier.

En attendant, le PAM dépense 70 millions de dollars de plus par mois pour acheter la même quantité de nourriture que l’année dernière. « 70 millions qui nous permettraient autrement de nourrir 4 millions de femmes, d’enfants et d’hommes pendant un mois. Comme nous l’a dit l’un des représentants du gouvernement la semaine dernière à Kiev : aidez-nous à aider le monde », a conclu M. Kern.

Des fournitures médicales sont livrées à un hôpital de Zapporijjia, en Ukraine.
© UNICEF/Kate Klochko
Des fournitures médicales sont livrées à un hôpital de Zapporijjia, en Ukraine.

Attaques contre des services de santé

De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a condamné l’augmentation des attaques contre les travailleurs de la santé et ceux qui livrent des provisions. À ce jour, l’OMS a vérifié 147 attaques, dont 73 personnes tuées et 53 blessées. 

« La guerre ne sera pas une solution. Une fois de plus, j’appelle la Russie à mettre fin à la guerre », a déclaré dans un tweet, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le Directeur général de l’OMS.

La semaine dernière déjà, le Chef de l’OMS avait exhorté une fois de plus Moscou à revenir à la table des négociations et à œuvrer pour la paix, « pour le bien de l’humanité ».

« Dans l’intervalle, des couloirs humanitaires doivent être mis en place afin que les fournitures médicales, la nourriture et l’eau puissent être acheminées et que les civils puissent se mettre en sécurité », avait plaidé le Dr Tedros.

Selon l’OMS, le système de santé ukrainien a été gravement perturbé, avec environ 300 établissements de santé situés dans les zones touchées par les hostilités et 1.000 établissements de santé dans les zones de contrôle modifiées.

Une femme se tient dans une école abandonnée, endommagée après un tir d'obus, à Krasnohorivka, Oblast de Donetsk, en Ukraine. (archives)
© UNICEF/Ashley Gilbertson
Une femme se tient dans une école abandonnée, endommagée après un tir d'obus, à Krasnohorivka, Oblast de Donetsk, en Ukraine. (archives)

Près de  976 établissements scolaires endommagés et 95 écoles détruites

Sur le terrain, bien que les hostilités restent concentrées dans l’est et le sud de l’Ukraine, plusieurs oblasts du pays ont été touchés par des frappes de missiles, qui auraient fait de nombreuses victimes civiles et endommagé des infrastructures civiles.

Avec l’intensification des violences, ce sont près de  976 établissements scolaires, qui ont été endommagés et 95 écoles détruites dans le pays, selon un décompte établi le 18 avril 2022 par le ministère ukrainien de l’Éducation. « Le Cluster éducation des agences humanitaires signale que des écoles sont utilisées à des fins autres que l’éducation », a indiqué le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU dans son dernier rapport de situation. 

Selon l’OCHA, cela entraînera des retards dans la réouverture des écoles pour toute activité d’apprentissage mixte ou en face à face. Il a également été signalé qu’au moins trois établissements scolaires ont été utilisés par l’armée, « ce qui fait des écoles des cibles militaires, mettant en danger la vie des enfants et du personnel éducatif ».

Cela met en danger les infrastructures éducatives vitales et le matériel pédagogique, qui risquent d’être endommagés et détruits. 

De graves violations des droits de l’homme commises, y compris des cas de torture

Par ailleurs, à l’ouverture des travaux de sa soixante-treizième session ce mardi à Genève, le Comité contre la torture a relevé que la session commençait dans des circonstances marquées par la guerre en cours en Ukraine – une guerre qui remet en question « le multilatéralisme et l’essence même des principes et des buts de la Charte des Nations Unies ». 

« Malheureusement, le Conseil de sécurité a été impuissant à maintenir la paix et la sécurité internationales, tandis que l’Assemblée générale a suspendu un État membre du Conseil des droits de l’homme, pour la deuxième fois dans l’histoire du Conseil », a déploré Claude Heller, le Président du Comité. 

Selon cet organe indépendant onusien basé à Genève, des enquêtes ont été menées sur de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire qui ont été commises, y compris des cas de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants. « Ces enquêtes établiront les responsabilités en vue de demander des comptes aux coupables, a dit M. Heller.