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De nombreuses zones de Gaza ont été détruites par des tirs de missiles.

Gaza est « au bord de l’effondrement », selon l’ONU

© UNRWA/Mohammed Hinnawi
De nombreuses zones de Gaza ont été détruites par des tirs de missiles.

Gaza est « au bord de l’effondrement », selon l’ONU

Paix et sécurité

Alors que les autorités israéliennes ont demandé à toute la population du nord de Gaza à se déplacer dans la partie méridionale de l’enclave palestinienne, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a averti vendredi que Gaza était en train de devenir un « enfer » et se trouvait « au bord de l’effondrement ».

Selon l’agence onusienne, dans « l’abîme de Gaza », des civils meurent sous les yeux du monde entier. 

« L’ampleur et la rapidité de la crise humanitaire en cours font froid dans le dos. Gaza est en train de devenir un véritable enfer et est au bord de l’effondrement », a déclaré dans un communiqué, Philippe Lazzarini, Commissaire général de l’UNRWA, réitérant l’appel de l’ONU à la protection des civils dans la bande de Gaza et en Israël.

« Il est temps que l’humanité l’emporte »

Les humanitaires de l’ONU ont exprimé leur profonde inquiétude pour tous ceux qui se trouvent dans la bande de Gaza à la suite de l’ordre donné par Israël à l’ensemble de la population de quitter le nord de l’enclave, pendant que les frappes aériennes se poursuivent et que la crise humanitaire s’aggrave.

« Alors que Gaza reste sous le feu des bombardements et qu’Israël resserre son emprise sur cette bande surpeuplée, c’est à l’ONU et aux humanitaires qu’il incombe de protéger les civils », a ajouté le chef de l’UNRWA. Il demande instamment à toutes les parties et à ceux qui ont une influence sur elles de mettre fin à cette tragédie.

Cela permettrait de fournir un accès humanitaire et une protection, immédiats et inconditionnels, aux civils parmi lesquels figurent beaucoup trop de femmes et d’enfants. 

« Il est temps que l’humanité l’emporte », a insisté M. Lazzarini.

Des habitants de Gaza cherchent des lieux sûrs où s'abriter.
© UNRWA/Mohammed Hinnawi
Des habitants de Gaza cherchent des lieux sûrs où s'abriter.

L’UNRWA déplace son centre d’opérations

S’agissant de l’appel de l’appel des forces israéliennes à déplacer plus d’un million de civils vivant dans le nord de la bande de Gaza dans les 24 heures, l’agence onusienne juge une telle issue « épouvantable » qui ne fera « qu’entraîner des niveaux de misère sans précédent et pousser encore plus la population de Gaza dans l’abîme ».

A noter que l’UNRWA a transféré son centre d’opérations et son personnel international dans le sud de la bande de Gaza afin de poursuivre ses opérations humanitaires et son soutien au personnel et aux réfugiés palestiniens dans la bande de Gaza.

« Ce sont des installations de l’ONU. Elles doivent être protégées à tout moment et ne doivent jamais être attaquées, conformément au droit humanitaire international ».

Deux hommes s'approchent d'un bâtiment du centre de Gaza qui aurait été touché par des missiles.
UN News/Ziad Taleb
Deux hommes s'approchent d'un bâtiment du centre de Gaza qui aurait été touché par des missiles.

Situation désespérée des civils

De son côté, le Bureau des droits de l’homme de l’ONU a appelé, vendredi, en faveur de l’annulation de cette mesure, « afin d’éviter une situation catastrophique ». 

Selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), cet ordre affecte plus d’un million de Palestiniens, y compris des enfants, des personnes âgées et des malades, les obligeant à se déplacer avec peu ou pas de moyens de transport et avec peu de garanties pour leur sécurité, au milieu des hostilités qui se poursuivent. 

« Le droit international humanitaire accorde une protection spéciale aux personnes et aux biens spécifiquement protégés, y compris le personnel médical, les unités médicales, le transport médical, le personnel et les biens de secours humanitaire », a affirmé Ravina Shamdasani, porte-parole du HCDH, relevant que « les parties au conflit doivent les respecter et les protéger en toutes circonstances ».

Les services du Haut-Commissaire Volker Türk indiquent suivre, « avec une horreur grandissante, la situation désespérée des civils à Gaza et en Israël ». Une façon de rappeler que « les civils ne doivent jamais être utilisés comme monnaie d’échange ». 

Pourtant, le HCDH continue à recevoir des messages déchirants d’impuissance de la part des habitants de Gaza, qui se déplacent d’une maison à l’autre, terrifiés, à la recherche d’une sécurité insaisissable. Et des civils continuent d’être pris en otage par des groupes armés palestiniens, en violation flagrante du droit humanitaire international. 

« Nous demandons, une fois de plus, qu’ils soient traités avec humanité et qu’ils soient libérés immédiatement et sans condition », a exhorté le HCDH.

Tout en demandant instamment aux groupes armés palestiniens de cesser d’utiliser des projectiles intrinsèquement aveugles et de diriger des attaques contre des civils israéliens, le HCDH invite Israël de veiller au plein respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme dans toutes ses opérations militaires. Les frappes aériennes et les tirs d’artillerie ont déjà entraîné la destruction d’une grande partie des quartiers densément peuplés de Gaza.

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Plus de 423.000 personnes déplacées à Gaza

« La rhétorique des hauts fonctionnaires fait craindre qu’un message soit envoyé aux membres des forces de défense israéliennes selon lequel le droit international humanitaire est devenu facultatif plutôt qu’obligatoire », a souligné la porte-parole, ajoutant que « les opérations militaires doivent être menées dans le plein respect du droit international ».

Le nombre de personnes contraintes de fuir leurs domiciles dans la bande de Gaza – 2,3 millions d’habitants – a augmenté de 25 % (84.000) au cours des dernières 24 heures, pour atteindre plus de 423.000, a fait savoir le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA).

L’UNRWA, qui opère notamment des écoles dans la bande de Gaza, accueille près des deux tiers de ces déplacés dans 102 de ses établissements.

En outre, près de 27.000 personnes déplacées ont trouvé refuge dans 29 écoles de l’Autorité palestinienne. L’ONU estime que plus de 153.000 personnes déplacées se trouvent chez des parents et des voisins, ainsi que dans d’autres installations publiques. 

« Selon le ministère des Travaux publics de Gaza, 752 bâtiments résidentiels et non résidentiels, comprenant 2.835 unités d’habitation, ont été détruits. En outre, 1.791 unités d’habitation ont été endommagées au point d’être irréparables et rendues inhabitables », a détaillé l’agence onusienne.

50.000 femmes enceintes sans accès aux soins

La poursuite de ces mouvements de population intervient alors que l’unique centrale électrique de la bande de Gaza se trouve à court de carburant.

« La centrale de Gaza a cessé de fonctionner, coupant la seule source d’électricité de la bande de Gaza » et « la plupart des habitants de la bande de Gaza n’ont plus accès à l’eau potable », a ajouté OCHA, notant également que les installations sanitaires ont été endommagées, détruites ou rendues inopérantes.

De plus, OCHA a signalé qu’un réservoir d’eau et une usine de désalinisation ont touchés par des frappes aériennes. 

« L’UNICEF a indiqué que certains ont commencé à boire de l’eau de mer, très salée, et contaminée par 120.000 m3 d’eaux usées non traitées chaque jour », ajoute le rapport de situation humanitaire. 

Par ailleurs, l’ONU s’inquiète notamment pour 50.000 femmes enceintes dans la bande de Gaza sans accès aux soins, dont environ 5.500 devant accoucher dans le mois qui vient. 

« Bien que l’attention se concentre sur Gaza, la situation en Cisjordanie reste tendue », note OCHA, évoquant là aussi des déplacements de populations.

Hôpitaux à Gaza au bord de la rupture

Le système de santé dans la bande de Gaza est à bout de souffle.

Selon l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU, les hôpitaux ne disposent que de quelques heures d’électricité par jour, car ils sont contraints de rationner les réserves de carburant qui s’épuisent et de s’appuyer sur des générateurs pour assurer les fonctions les plus critiques. Même ces fonctions devront cesser dans quelques jours, lorsque les stocks de carburant seront épuisés. 

« L’impact serait dévastateur pour les patients les plus vulnérables, notamment les blessés qui ont besoin d’une intervention chirurgicale vitale, les patients des unités de soins intensifs et les nouveau-nés qui dépendent des soins dispensés dans les couveuses », a indiqué l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), relevant que « les établissements de santé sont débordés, les stocks médicaux sont réduits et l’accès aux hôpitaux et aux soins médicaux est entravé par les hostilités et les routes endommagées ». 

L’OMS prévient que le système de santé dans la bande de Gaza est à bout de souffle. 

« Le temps presse pour éviter une catastrophe humanitaire si le carburant, l’eau, la nourriture et les fournitures sanitaires et humanitaires vitales ne peuvent être acheminés d’urgence dans la bande de Gaza en raison du blocus total », a déclaré lors d’un point de presse à Genève, Tarik Jasarevic, porte-parole de l’OMS, ajoutant que l’accès des équipes médicales d’urgence sur le terrain est gravement entravé par les dommages subis par les infrastructures. 

Lourds dommages au centre d’opérations d’urgence de Gaza

Six des sept principaux hôpitaux de Gaza ne fonctionnent que partiellement. L’hôpital de Beit Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza, ne fonctionne pas en raison des frappes aériennes répétées à proximité, qui ont endommagé l’hôpital et les routes avoisinantes.

Vingt-trois cliniques de soins de santé primaires du ministère de la santé, qui ont la capacité de pratiquer des opérations mineures, des points de suture, des pansements et des soins de santé pour les urgences médicales, aident également à traiter les blessés.

Selon un décompte effectué le jeudi 12 octobre, 76 attaques sanitaires ont été confirmées dans le territoire palestinien occupé. L’OMS a recensé 34 attaques contre les soins de santé à Gaza depuis samedi dernier, qui ont entraîné la mort de 11 agents de santé en service, fait 16 blessés et endommagé 19 établissements de santé et 20 ambulances. 

« Le centre d’opérations d’urgence de Gaza, soutenu par l’OMS, a subi de lourds dommages », a ajouté M. Jasarevic.

Face à cette situation humanitaire et sanitaire préoccupante, l’OMS demande également l’ouverture immédiate d’un corridor humanitaire afin de garantir un accès sans entrave aux fournitures sanitaires et humanitaires, ainsi qu’au personnel, et d’assurer l’évacuation des patients et des blessés. Pour l’agence onusienne, il est essentiel que l’OMS et les autres agences humanitaires puissent accéder d’urgence au point de passage afin de pouvoir agir rapidement pour sauver des vies.

Appel d’urgence de 294 millions de dollars

A noter que les Nations Unies ont lancé un appel d’urgence à hauteur de 294 millions de dollars pour venir en aide à plus de 1,2 million d’habitants à Gaza et en Cisjordanie. 

Selon le Bureau de la Coordination humanitaire de l’ONU (OCHA), l’appel éclair rassemble le travail et les besoins de financement de 13 agences des Nations Unies, 29 organisations internationales non gouvernementales (OING), 35 ONG nationales et la Société palestinienne du Croissant-Rouge (PRCS).

Le plan humanitaire de l’ONU pour 2023 était chiffré à 502 millions de dollars pour aider 2,1 millions d’habitants, mais il est financé actuellement à moins de 50 %. Alors que près de 60 % des foyers de Gaza étaient considérés comme en situation d’insécurité alimentaire avant même le début de ces nouvelles hostilités. Selon l’ONU, une aide alimentaire d’urgence est nécessaire pour couvrir environ 1,2 million de personnes, d’autant que les destructions ont gravement perturbé les chaînes d’approvisionnement alimentaire à Gaza. 

« Les familles sont confrontées à de graves pénuries alimentaires », a conclu OCHA, relevant que « l’indisponibilité de nourriture n’est plus seulement une crise, c’est une catastrophe ».

Enfants de Gaza paient le plus lourd tribut

De son côté, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a souligné que des centaines d’enfants ont été tués et blessés. Le Fonds a confirmé que 447 des victimes étaient des enfants, mais considère que ce chiffre ne reflète pas la réalité.

« Chaque heure, le nombre d’enfants tués augmente à Gaza. Le massacre des enfants doit cesser », a déclaré lors d’un point de presse régulier de l’ONU à Genève, James Elder, porte-parole de l’UNICEF, rappelant que « les enfants israéliens retenus en otage à Gaza doivent être réunis immédiatement et en toute sécurité avec leurs familles et leurs proches ».

L’UNICEF demande un cessez-le-feu immédiat alors que 1,1 million de personnes - dont près de la moitié sont des enfants - ont été invitées à s’éloigner avant ce qui devrait être un assaut terrestre sur l’un des endroits les plus densément peuplés de la planète, mais où les civils ne peuvent aller nulle part en toute sécurité.

Sur le terrain, les enfants et les familles de Gaza sont pratiquement à court de nourriture, d’eau, d’électricité, de médicaments et d’un accès sûr aux hôpitaux, après des jours de frappes aériennes et de coupures de toutes les voies d’approvisionnement. 

« Dans toutes les guerres, ce sont les enfants qui souffrent le plus. C’est tragiquement vrai aujourd’hui », a fait valoir le porte-parole de l’UNICEF.