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Une école de l'UNRWA abritant des familles déplacées à Gaza a été directement touchée.

ENTRETIEN - Les héros méconnus de l'UNRWA continuent de se mobiliser à Gaza

© UNRWA/Mohammed Hinnawi
Une école de l'UNRWA abritant des familles déplacées à Gaza a été directement touchée.

ENTRETIEN - Les héros méconnus de l'UNRWA continuent de se mobiliser à Gaza

Paix et sécurité

Alors que la bande de Gaza subit des frappes aériennes et un siège complet de l'armée israélienne, le personnel de l'agence des Nations Unies qui assiste les réfugiés palestiniens, l'UNRWA, continue son travail, même s'il est durement affecté personnellement.

L'UNRWA a été créé il y a plus de 70 ans et ses services comprennent l'éducation, les soins de santé, l'infrastructure des camps et l'aide au filet de sécurité sociale pour les réfugiés palestiniens dans tout le Proche-Orient.

Cela inclut environ deux millions de personnes à Gaza, où les écoles de l'UNRWA hébergent actuellement plus de 220.000 résidents qui ont fui leurs maisons à la suite de l'escalade de la crise déclenchée par les attaques du Hamas contre Israël samedi dernier.

L'agence des Nations Unies est également victime du conflit. Au 11 octobre, onze membres du personnel ont été tués et quelque 14 installations ont été endommagées. De nombreux membres du personnel se sont réfugiés dans les écoles.

ONU Info s'est entretenu avec Juliette Touma, la Directrice de la communication de l'UNRWA, basée à Amman, en Jordanie.

Elle a décrit ses 13.000 collègues - qui comprennent des médecins, des infirmières, des enseignants et des travailleurs sanitaires - comme des « héros méconnus » qui « sont sur le terrain pour fournir des services aux personnes dans le besoin ». 

Mme Touma a commencé par décrire l'impact du conflit sur l'UNRWA à ce jour.

L'entretien a été édité pour plus de clarté et des raisons de longueur. 

Un membre du Programme alimentaire mondial (PAM) distribue du pain à une famille hébergée dans une école des Nations Unies à Gaza.
© WFP/Ali Jadallah
Un membre du Programme alimentaire mondial (PAM) distribue du pain à une famille hébergée dans une école des Nations Unies à Gaza.

Juliette Touma : Nous avons au moins 14 installations de l'ONU qui ont été endommagées par les frappes aériennes qui ont eu lieu depuis le matin du 7 octobre. Notre siège a subi des dommages collatéraux ce matin en raison des frappes aériennes intenses dans les quartiers avoisinants. Cela s'est produit alors que certains membres de notre personnel se mettaient à l'abri dans le même complexe, dans un autre bâtiment voisin, et heureusement, nous n'avons enregistré aucune victime. Une autre installation des Nations Unies, une école accueillant des personnes déplacées, a été directement touchée il y a quelques jours.

Au total, nous accueillons quelque 220.000 personnes dans plus de 92 écoles et autres installations dans la bande de Gaza. Il s'agit de familles qui ont fui les tirs d'artillerie et les bombardements et qui ont trouvé refuge dans les installations et les locaux de l'ONU.

ONU Info : Vous avez mentionné que l'une des écoles où les gens s'abritent a été directement touchée. Y a-t-il eu des victimes ? 

Juliette Touma : Heureusement, il n'y a pas eu de victimes lorsque cette école a été touchée, même si elle abritait 250 personnes.

Malheureusement, depuis le 7 octobre, nous avons perdu plusieurs employés de l'UNWRA qui travaillent avec nous dans différentes parties de la bande de Gaza. 

Je suis en contact avec nos collègues sur le terrain tous les jours, parfois plus d'une fois par jour. Ils nous disent à quel point ils sont terrifiés et qu'ils ont été contraints - beaucoup, beaucoup - de quitter leurs maisons pour se mettre à l'abri. Certains ont cherché refuge dans des bâtiments et des écoles des Nations Unies. Beaucoup ont perdu des êtres chers, des parents, des voisins. Certains collègues ont perdu leur maison.

Nous avons un très grand nombre d'employés qui travaillent avec l'UNWRA dans la bande de Gaza. Nous sommes la plus grande agence des Nations Unies, avec 13.000 personnes. Il s'agit de médecins, d'infirmières, d'enseignants, d'ingénieurs, d'agents sanitaires, de chauffeurs, de logisticiens. Ils sont vraiment le cœur de notre opération, la plus importante que les Nations Unies mènent sur le terrain dans la bande de Gaza et la plus ancienne. Ce sont nos héros méconnus.

Malgré tout, beaucoup, beaucoup d'entre eux continuent de se rendre sur le terrain pour fournir des services aux personnes dans le besoin, car nous avons 1,8 million de réfugiés palestiniens dans la bande de Gaza. Beaucoup d'entre eux dépendent de l'assistance de l'UNWRA. 

ONU Info : Le personnel est-il en mesure d'atteindre les endroits où il doit se rendre pour fournir ces services ? Comment peuvent-ils se déplacer dans la bande de Gaza ?

Juliette Touma : Depuis le 7 octobre, l'UNWRA a été contrainte de réduire ses opérations sur le terrain dans la bande de Gaza. Par exemple, nous avons dû fermer nos centres de distribution de nourriture. Nous avons 14 centres de distribution et nous avons dû les fermer à cause de tout ce qui s'est passé. Nos écoles ont été fermées et cela a un impact sur l'éducation d'au moins 300.000 enfants réfugiés palestiniens dans la bande de Gaza.

Beaucoup (de membres du personnel) ont pu travailler. Certains collègues du secteur de la santé travaillent. Nous avons des personnes qui répondent aux besoins des personnes dans les abris. Ils leur donnent des matelas, un endroit pour dormir, de l'eau potable, de la nourriture, en coopération avec le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM). Les gens travaillent. Certains recueillent des faits et des chiffres, d'autres recueillent des histoires, d'autres encore nous donnent des informations sur l'ampleur des destructions. Notre personnel continue à travailler autant que possible. Cependant, nous avons dû réduire nos opérations.

Des familles se rassemblent à l’école de garçons New Gaza de l’UNRWA, cherchant un abri contre les frappes aériennes.
© UNRWA/Mohammed Hinnawi
Des familles se rassemblent à l’école de garçons New Gaza de l’UNRWA, cherchant un abri contre les frappes aériennes.

ONU Info : Avez-vous été en contact avec les autorités israéliennes pour garantir que les incidents qui se sont produits dans les installations de l'UNRWA ne se répètent pas ? Avez-vous des garanties de leur part pour la sécurité de votre personnel et de vos installations ?

Juliette Touma : Les installations des Nations Unies et tous les locaux des Nations Unies doivent être protégés par la loi à tout moment, y compris en période de conflit. C'est un point sur lequel nous avons été très clairs dans ce conflit, et dans d'autres conflits, et dans les conflits de la région. Les parties au conflit doivent toujours protéger les locaux des Nations Unies, ainsi que les écoles. Et dans ce cas particulier, il s'agissait d'une école appartenant aux Nations Unies. Il y a donc une double protection, si vous voulez.

ONU Info : Comment le siège complet de la bande de Gaza décrété par les autorités israéliennes affecte-t-il vos opérations ?

Juliette Touma : L'ensemble de la bande de Gaza est sous blocus depuis 16 ans maintenant, ce qui signifie que la situation était déjà assez désastreuse. Les deux tiers de la population sont pauvres, 1,2 million de personnes dépendent de l'aide de l'UNWRA, de l'aide alimentaire de l'UNWRA. L'électricité était très insuffisante et il en allait de même pour l'eau. Et les gens ne pouvaient pas entrer et sortir librement de la bande de Gaza. Les restrictions de circulation existaient avant le 7 octobre, et ce depuis 16 ans.

En ce qui nous concerne, nous n'avons pas été en mesure d'acheminer des fournitures humanitaires depuis le 7 octobre - pas seulement nous à l'UNRWA, mais toute la famille des Nations Unies travaillant dans la bande de Gaza. Nous ne pouvons pas faire entrer le personnel de l'ONU et nous ne pouvons pas faire sortir les personnes qui travaillent avec nous. La bande de Gaza est donc totalement fermée à l'aide humanitaire et au personnel.  

ONU Info : Comment les gens se nourrissent-ils ? Vos centres de distribution sont fermés, les frontières sont fermées, les points de passage sont fermés. Comment les gens parviennent-ils à survivre dans cette situation ?

Juliette Touma : Pour l'instant, certains magasins restent ouverts et il y a des approvisionnements dans la bande de Gaza. Nous suivons de très près la situation des stocks et ce n'est qu'une question de quelques semaines quand les stocks de base, les fournitures de base et aussi le carburant, vont s'épuiser dans la bande de Gaza. 

ONU Info : Avez-vous des informations sur le point de passage de Rafah avec l'Egypte ? Avez-vous remarqué des mouvements de personnes et de marchandises entre l'Egypte et Gaza ? 

Juliette Touma : Normalement, le poste frontière de Rafah, qui se trouve à l'extrême sud de la bande de Gaza, à la frontière avec l'Égypte, est utilisé par les habitants de Gaza pour quitter la bande de Gaza. Cela implique de payer beaucoup d'argent et de faire beaucoup de coordination, donc tout le monde n'a pas pu se permettre de passer par l'Égypte pour aller dans le monde. Je sais par certains collègues qu'ils n'ont pas pu l'utiliser il y a quelques jours, mais jusqu'à présent, je n'ai pas toutes les informations sur ce point de passage.

ONU Info : Avez-vous un message à adresser aux parties, quelque chose à ajouter ?

Juliette Touma : Les Nations Unies appellent toutes les parties à mettre fin aux combats partout et à éviter de nouvelles pertes inutiles de civils.

Je pense que les gens ont trop souffert pendant trop longtemps. Pour de nombreux habitants de la bande de Gaza, c'est la septième fois qu'ils traversent un conflit. 

De nombreux membres de notre personnel, qui ont vécu des moments difficiles à Gaza, affirment qu'il s'agit de loin du pire. Ils sont inquiets et craignent pour eux-mêmes, pour leurs enfants, pour leurs proches, pour ce que leur réserve l'heure suivante, sans parler du jour suivant. 

L'incertitude, la peur, la tristesse, le chagrin. Il est temps que tout cela prenne fin pour le bien de tous.