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Coronavirus : les Etats doivent agir contre la xénophobie et la discrimination raciale (experte de l’ONU)

Les personnes d’origine chinoise ou asiatique sont la cible d’attaques racistes et xénophobes liées à la pandémie de Covid-19.
Photo : ONU/Loey Felipe
Les personnes d’origine chinoise ou asiatique sont la cible d’attaques racistes et xénophobes liées à la pandémie de Covid-19.

Coronavirus : les Etats doivent agir contre la xénophobie et la discrimination raciale (experte de l’ONU)

Droits de l'homme

Les gouvernements doivent veiller à ce que leur réponse sanitaire à la pandémie de Covid-19 ne contribue pas à la xénophobie et à la discrimination raciale, a déclaré une experte indépendante des droits humains de l’ONU.

La Rapporteure spéciale des Nations Unies sur le racisme, E. Tendayi Achiume, a appelé, cette semaine, tous les gouvernements à éradiquer la xénophobie dans toutes les politiques et tous les messages émanant des autorités étatiques.

« Des crises comme la pandémie de coronavirus nous rappellent que nous sommes tous connectés et que notre bien-être est interdépendant », a déclaré Mme Achiume, qui est également professeure de droit à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), aux Etats-Unis, dans un communiqué publié lundi à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale (21 mars).

A plusieurs reprises, des personnalités politiques s’exprimant en public, devant la presse ou dans les médias sociaux ont parlé de « virus chinois » ou de « virus de Wuhan » en référence au Covid-19.

« Il est consternant de voir des représentants d’États - y compris le Président des États-Unis - adopter des noms alternatifs pour le coronavirus/Covid-19. Au lieu d'utiliser le nom internationalement reconnu du virus, ces responsables ont adopté des noms avec des références géographiques, faisant généralement référence à son émergence en Chine », a déploré Mme Achiume.

Le nom de Covid-19 a été choisi pour éviter toute stigmatisation

Les responsables de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ont intentionnellement donné au coronavirus un nom générique - Covid-19 - pour éviter de stigmatiser un pays ou un groupe particulier.

Le nom donné par l’OMS au virus ne fait aucune référence à un lieu géographique, à des animaux, à un individu ou à un groupe de personnes. Le nom de Covid-19 a été composé à partir  de « Co » pour corona, « vi » pour viru, « d » pour disease qui signifie maladie en anglais et « 19 » fait référence à l’année au cours de laquelle le virus a été détecté pour la première fois.

« Le fait d'avoir un nom est important pour empêcher l'utilisation d'autres noms qui peuvent être inexacts ou stigmatisants », avait déclaré le Directeur général de l'OMS, le Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus, lors de l’annonce du nouveau nom de Covid-19 le 11 février.

Pour la Rapporteure spéciale, ce type d'utilisation « calculée » d'un nom géographique pour désigner ce virus est enraciné et favorise le racisme et la xénophobie. « Dans ce cas, il sert à isoler et à stigmatiser les personnes qui sont ou sont perçues comme étant d'origine chinoise ou asiatique », a-t-elle précisé.

Mme Achiume souligne que « cette rhétorique d'État irresponsable et discriminatoire n'est pas un problème mineur ». « Comme l'a noté l’OMS en 2015: ‘les noms de maladies importent vraiment pour les personnes directement touchées ... certains noms de maladies provoquent un contrecoup contre des membres de communautés religieuses ou ethniques particulières ... Cela peut avoir de graves conséquences pour les peuples, leurs vies et leurs moyens de subsistance’ », a-t-elle rappelé.

Les personnes d’origine chinoise ou asiatique cibles d’attaques racistes et xénophobes

Pour l’experte onusienne, les conséquences d’une telle rhétorique discriminatoire se sont déjà traduits par des faits.

« Au cours des deux derniers mois, les personnes qui sont perçues ou connues pour être d'origine chinoise ou ayant une autre origine est-asiatique ont fait l'objet d'attaques racistes et xénophobes liées au virus. Ces attaques allaient des insultes haineuses au déni de services en passant par des actes de violence brutaux », a-t-elle détaillé.

Sur Internet et les médias sociaux, les expressions de racisme et de xénophobie liées au Covid-19 incluent le harcèlement, le discours de haine, la prolifération de stéréotypes discriminatoires et les théories du complot.

« Sans surprise, les responsables politiques qui tentent d'attribuer le Covid-19 à certains groupes nationaux ou ethniques sont les mêmes dirigeants populistes nationalistes qui ont placé la rhétorique raciste et xénophobe au cœur de leurs plateformes politiques », a rappelé Mme Achiume.

« Les réponses politiques à l'épidémie de Covid-19 qui stigmatisent, excluent et rendent certaines populations plus vulnérables à la violence sont inexcusables, inadmissibles et incompatibles avec les obligations des États en matière de droit international des droits de l'homme », a déclaré la Rapporteure spéciale.

Mme Achiume estime par ailleurs que la rhétorique politique et les politiques qui attisent la peur et diminuent l'égalité de tous sont contre-productives. « Pour traiter et combattre efficacement la propagation du Covid-19, les individus doivent avoir accès à des conseils de santé précis et à des soins de santé suffisants sans crainte de discrimination », a-t-elle précisé.

Mercredi dernier, le Directeur des programmes d’urgence de l’OMS, Mike Ryan, avait été clair : « Les virus ne connaissent pas de frontières et ils ne se soucient pas de votre origine ethnique, de la couleur de votre peau ou de la quantité d'argent que vous avez sur votre compte bancaire ».

« Il est donc très important que nous soyons prudents dans le langage que nous utilisons, de peur que cela ne mène au profilage des individus associés au virus », avait prévenu le Dr Ryan.

NOTE :  

Les experts indépendants, groupes de travail et rapporteurs spéciaux font partie de ce que l’on nomme les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand corps d’experts indépendants du système des droits de l’homme de l’ONU, est le terme généralement attribué aux mécanismes indépendants d’enquête et de surveillance qui s’occupent de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et siègent à titre personnel.