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Le manque de coopération des Etats reste l'entrave principale au fonctionnement du TPIY

Le manque de coopération des Etats reste l'entrave principale au fonctionnement du TPIY

Alors que le 10e anniversaire du génocide de Srebrenica va être commémoré dans quelques semaines, le fait que Radovan Karadzic et Ratko Mladic n'ont toujours pas été arrêtés et transférés est une honte tant pour la communauté internationale que pour la Bosnie-Herzégovine et la Serbie-et-Monténégro, estime le président du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie. Le manque de coopération des Etats reste, selon lui, la principale entrave à son fonctionnement.

« L'obstacle principal que rencontre la stratégie d'achèvement des travaux reste le manque de coopération des États pour l'arrestation et le transfert des personnes mises en accusation par le Tribunal », indique le dernier rapport établi par Carla del Ponte, Procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ( TPIY ) et Theodor Meron, Président du Tribunal, et transmis par ce dernier au Président du Conseil de sécurité.

Ce rapport est soumis conformément à la résolution 1534 (2004), adoptée le 26 mars 2004 par le Conseil de sécurité, qui demandaient au Tribunal de préciser en détail les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la stratégie d'achèvement des travaux.

« Durant la période considérée, des progrès ont permis la reddition de 20 accusés, dont 10 étaient en fuite depuis plus d'un an, voire plusieurs années. La Croatie, la Serbie-et-Monténégro et la Bosnie-Herzégovine ont mené des politiques visant à obtenir la reddition volontaire des accusés. Celles-ci semblent avoir atteint leurs limites », estime le Tribunal.

« Alors que le 10e anniversaire du génocide de Srebrenica va être commémoré dans quelques semaines, le fait que Radovan Karadzic et Ratko Mladic n'ont toujours pas été arrêtés et transférés reste une honte tant pour la communauté internationale que pour la Bosnie-Herzégovine et la Serbie-et-Monténégro », indique Theodor Meron.

Si le nombre des accusés en fuite a diminué de moitié, passant de 20 à 10, et 10 autres personnes récemment mises en accusation se sont également rendues, Radovan Karadzic, Ratko Mladic et Ante Gotovina restent parmi les 10 fugitifs restants, bien que le Conseil de sécurité ait exigé leur arrestation dans plusieurs résolutions adoptées dans le cadre du Chapitre VII de la Charte.

Outre Karadzic, Mladic et Gotovina, la liste des accusés en fuite comprend Vlastimir Djordjevic, accusé de crimes commis au Kosovo, Goran Hadzic, ex-président de la soi-disant Republika Srpska Krajina, Milan et Sredoje Lukic, accusés de crimes commis en Bosnie-Herzégovine, Zdravko Tolimir, accusé dans le cadre du génocide de Srebrenica, Dragan Zelenovic et Stojan Zupljanin, tous deux accusés de crimes commis en Bosnie-Herzégovine. On pense que la plupart de ces fugitifs sont restés dans la région, principalement en Serbie, mais que deux d'entre eux, Djordjevic et Zelenovic, sont en Russie, indique le rapport.

Cependant, la politique d'encouragement des redditions volontaires menée par Belgrade et Banja Luka avec un certain succès durant la première moitié de cette année semble avoir atteint ses limites. Plus aucun accusé ne s'est rendu depuis le 25 avril, alors que Karadzic, Mladic, Hadzic, Milan et Serdoje Lukic, Tolimir et Zupljanin restent à la portée des autorités serbes et bosniaques. Cependant, ces autorités rechignent à employer des méthodes coercitives pour arrêter et transférer ces fugitifs.

« Des progrès ont été accomplis dans la coopération apportée par la Serbie-et-Monténégro pour donner accès aux témoins ». « Cependant, il est regrettable que des restrictions empêchent toujours le Bureau du Procureur d'avoir pleinement et rapidement accès aux témoins ayant un passé militaire et aux documents détenus par les autorités militaires ».

« En Bosnie-Herzégovine, l'un des problèmes qui subsiste, outre celui des accusés en fuite, est celui des archives de guerre disparues de la Republika Srpska. D'après plusieurs sources, ces archives ont été transportées en Serbie ou dissimulées par des personnes concernées ».

« En Croatie, le bureau du procureur continue d'avoir accès sans restriction aux documents et aux témoins. Malheureusement, au cours de la période considérée, les efforts des autorités croates pour localiser, arrêter et transférer Ante Gotovina n'ont été ni ciblés ni convaincants, et peu de progrès ont été réalisés dans cette voie. On peut mettre en doute leur volonté réelle d'arrêter l'accusé ».

« Le gouvernement croate a maintenant fait de nouvelles promesses et un plan d'action a été élaboré. S'il est mené avec suffisamment de détermination, ce plan pourrait porter un coup décisif aux réseaux de soutien à Gotovina et fournir des renseignements permettant de le localiser. Cela pourrait être le début d'une opération sérieuse ».

« Cependant, indique le rapport du TPIY, une évaluation précise est impossible à ce stade. Il faudra trois ou quatre mois pour déterminer si, cette fois, la Croatie fait enfin tout ce qui est en son pouvoir pour localiser et arrêter Gotovina. Si les autorités croates font preuve de la détermination voulue, soit Gotovina devrait être livré à La Haye, soit elles devraient fournir des informations précises permettant son arrestation. Cependant, à l'heure actuelle, on ne peut pas parler de pleine coopération ».

S'agissant par ailleurs du calendrier fixé par le Conseil de sécurité, le bureau du procureur indique faire le maximum pour le suivre autant que possible.

« La première échéance a été respectée à la fin de l'année dernière, quand toutes les enquêtes restantes ont été terminées », précise Carla del Ponte dans le rapport, qui précise que le Bureau du Procureur continue aussi de travailler en étroite collaboration avec les autres organes du Tribunal afin de réaliser les objectifs fixés dans les résolutions 1503 (2003) et 1534 (2004) ».

Enfin, le Bureau du Procureur a commencé à renvoyer des accusés de rang intermédiaire ou subalterne devant les juridictions internes (voir, sur le renvoi à la haute juridiction de Bosnie-Herzégovine pour juger les criminels de guerre, notre dépêche du 18 mai 2005).

« Il envisage sérieusement de joindre certaines instances et réexamine les accusations dans toutes les affaires afin d'accroître les chances de respecter la prochaine échéance de la stratégie d'achèvement ».