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Yémen : des enquêteurs de l'ONU dénoncent la poursuite des « crimes de guerre »

Des enfants devant une maison endommagée par une frappe aérienne dans la vieille ville de Sana'a, au Yémen (photo d'archives).
© UNICEF/Alessio Romenzi
Des enfants devant une maison endommagée par une frappe aérienne dans la vieille ville de Sana'a, au Yémen (photo d'archives).

Yémen : des enquêteurs de l'ONU dénoncent la poursuite des « crimes de guerre »

Droits de l'homme

Alors que le conflit au Yémen entre dans sa septième année, les belligérants poursuivent leurs graves abus, dont certains pourraient constituer des « crimes de guerre », causant des souffrances « intolérables » aux civils, a dénoncé, mercredi, le Groupe d’éminents experts internationaux et régionaux des Nations Unies sur ce pays.

« Cette année encore, le Groupe d’éminents experts continue d’avoir des motifs raisonnables de croire que toutes les parties au conflit ont commis de graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international, dont certaines peuvent constituer des crimes de guerre », a déclaré lors d’un point de presse à Genève, Kamel Jendoubi, le Président du Groupe d’experts éminents.

Toutes les parties au conflit au Yémen continuent d’infliger des souffrances aux civils, relève ce quatrième rapport, intitulé « Une nation abandonnée : Un appel à l’humanité pour mettre fin aux souffrances du Yémen ». « Le conflit qui fait rage au Yémen depuis plus de six ans ne s’est pas atténué en 2020-2021 », a ajouté M. Jendoubi.

Les combats sur le front de Ma’rib

Au contraire, les combats sur le front de Ma’rib, par exemple, ont gravement affecté la vie des civils et provoqué de nouveaux déplacements. Depuis le début de l’année, les hostilités auraient tué ou blessé plus de 1.200 civils, selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

Dans ce lot, il y a les frappes aériennes de la coalition menée par l’Arabie saoudite qui continuent de faire payer un lourd tribut à la population civile. Selon le Groupe d’éminents experts, la coalition internationale, qui soutient le gouvernement yéménite, ne respecte pas lors de leurs raids, les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution.

« La coalition ne semble pas prendre au sérieux les conclusions et recommandations du Groupe sur la conduite de ses opérations militaires », ont regretté les experts. Ils ont également dénoncé « les bombardements aveugles menés depuis le début du conflit par les parties, en particulier par les Houthis mais aussi par le gouvernement du Yémen et la coalition ».

Un éventail « macabre » des violations

Ces bombardements, qui ont causé et causent des dommages à des civils et à des biens de caractère civil, semblent constituer des attaques sans discrimination. Selon ces experts, cela témoigne d’un manquement aux principes de distinction et de proportionnalité et à l’obligation de prendre toutes les précautions possibles lors des attaques.

Pour le Groupe d’éminents experts, la responsabilité des violations incombe à toutes les parties au conflit, notamment le gouvernement du Yémen, les autorités de facto dans le nord du pays (les rebelles houthis), le Conseil de transition du Sud (séparatistes dans le sud du pays), ainsi que les membres de la coalition. Comme le Groupe l’a déjà signalé par le passé, il n’y a pas de mains propres dans ce conflit. Bon nombre des violations que le Groupe a identifiées peuvent être assimilées à des crimes internationaux.

« L’éventail des violations que nous continuons de voir se produire au Yémen est macabre, aggravé par l’impunité quasi générale de leurs auteurs », a regretté le Président du Groupe d’experts. Malgré les rapports publics depuis plusieurs années, la poursuite des violations montre que « les parties pensent qu’elles peuvent agir de cette manière, sans aucune conséquence significative ».

Un climat de peur, d’anarchie et d’impunité

« Le climat de peur, d’anarchie et d’impunité pour tous ceux qui vivent au Yémen s’est encore aggravé malgré les accords politiques et les discussions de haut niveau entre les principaux acteurs, notamment sous les auspices de l’ancien Envoyé spécial du Secrétaire général, Martin Griffiths », a fait valoir le Président du Groupe d’experts éminents.

Par ailleurs, ces experts mandatés par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU sont préoccupés par le fait que « des États tiers n’ont pas mis fin aux transferts d’armes ou à la fourniture d’autres formes de soutien militaire aux parties au conflit ». « Compte tenu de l’horrible bilan de la guerre qui continue de frapper le peuple yéménite, il n’est pas logique que des États tiers continuent de fournir aux parties au conflit les outils de guerre », a fustigé M. Jendoubi, relevant que « le flux d’armes doit cesser maintenant ».

Plus globalement, le rapport note que les schémas de violations établis tant au cours de la période considérée sont pratiquement les mêmes qu’au cours des quatre dernières années. Il s’agit notamment des frappes aériennes et les bombardements.

Déferrer la situation du Yémen à la Cour pénale internationale

Le document pointe du doigt aussi la détention arbitraire, les disparitions forcées, les violences sexistes ou la torture. Il y a aussi les persécutions et les violations à l’encontre des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme, des migrants et les violations des droits de l’enfant.

Outre un appel à la cessation totale des hostilités, le Groupe insiste sur la reddition des comptes pour les auteurs des violations commises au Yémen. « Pour nous, il est désormais clair qu’aucune paix, et encore moins une paix durable et inclusive, ne peut être obtenue en l’absence de volonté politique et d’un engagement fort en faveur de la reddition des comptes », a fait valoir M. Jendoubi.

Plus largement, le rapport demande instamment au Conseil des droits de l’homme et au Conseil de sécurité de veiller à ce qu’il n’y ait pas d’impunité pour les crimes les plus graves, notamment en déférant la situation au Yémen devant la Cour pénale internationale (CPI) et en élargissant la liste des personnes soumises aux sanctions du Conseil de sécurité.

A noter que le rapport sera présenté, le mardi 14 septembre prochain à Genève, lors de sa 48e session du Conseil des droits de l’homme.