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Vue du Kremlin, à Moscou.

Russie : des experts de l'ONU inquiets de décisions judiciaires réprimant la liberté d'expression

ONU Info/Anton Uspensky
Vue du Kremlin, à Moscou.

Russie : des experts de l'ONU inquiets de décisions judiciaires réprimant la liberté d'expression

Droits de l'homme

Des experts de l'ONU* ont exprimé lundi leur vive inquiétude quant aux récentes décisions de la Cour constitutionnelle russe de rejeter les contestations de la constitutionnalité des dispositions législatives du pays qui criminalisent toutes les « actions publiques visant à discréditer » les forces armées russes.

Ces experts avaient déjà contacté la Russie pour exprimer leurs inquiétudes quant à l'adoption et à la mise en œuvre des lois sur le discrédit des forces armées. 

« La décision de refuser la protection constitutionnelle du droit à la liberté d'expression constitue un nouveau plus bas dans la répression de la Russie contre la liberté d'expression et la libre circulation de l'information », ont déclaré les experts dans un communiqué conjoint.

« L'interprétation de la Cour constitutionnelle et le rejet des plaintes contestant ces dispositions législatives réduiront au silence tous ceux qui expriment des opinions critiques concernant la soi-disant 'opération militaire spéciale' de la Russie en Ukraine », ont-ils ajouté. 

Réduire au silence toute expression critique

La loi a été adoptée peu après l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Les experts ont fait part de leurs graves préoccupations concernant cette loi dans plusieurs communications adressées au gouvernement russe et dans des déclarations publiques. 

Depuis le début de la guerre, la Russie a arrêté près de 20.000 personnes pour avoir protesté contre la guerre en Ukraine, tandis que 7.000 personnes ont été arrêtées pour des actions qui auraient « discrédité » les forces armées russes. 

Les décisions de la Cour constitutionnelle vont exacerber une répression déjà sévère contre la société civile, les médias indépendants et les voix critiques 

« Cette loi n'a d'autre objectif que de réduire au silence toute expression critique concernant la guerre en Ukraine. Elle s'inscrit dans une longue série de mesures visant à restreindre la liberté d'expression et la liberté des médias, et à réduire encore l'espace civique dans la Fédération de Russie », ont dit les experts.

La Cour constitutionnelle russe a rendu des décisions dans 24 affaires, rejetant les plaintes contestant la constitutionnalité de la loi sur le discrédit des forces armées, fondant ses décisions sur le fait que l'utilisation des forces armées et l'exercice des pouvoirs par les organes de l'État sont des prérogatives de l'État. 

La Cour a également fait référence au « devoir du citoyen de défendre la patrie » et aux principes vagues de « confiance entre la société et l'État », de « protection de la dignité des citoyens », de « respect des défenseurs de la patrie », d'« équilibre des droits et des responsabilités des citoyens » et de « solidarité politique et sociale ». 

« Les décisions de la Cour constitutionnelle vont exacerber une répression déjà sévère contre la société civile, les médias indépendants et les voix critiques », ont averti les experts. 

« Nous sommes sérieusement préoccupés par les implications de la décision pour de nombreuses affaires judiciaires intentées contre des individus pour s'être exprimés de manière critique ou pour avoir participé à des manifestations contre la guerre en Ukraine », ont déclaré les experts. Ils ont averti que de nombreux militants, journalistes et défenseurs des droits de l'homme risquaient des peines sévères allant de cinq à quinze ans d'emprisonnement. 

« Nous demandons respectueusement à la Cour constitutionnelle de changer de cap et de garantir la liberté d'expression en Russie, et nous demandons instamment aux autorités russes d'abroger la législation », ont déclaré les experts. 

*Les experts : Irene Khan, Rapporteure spéciale sur la liberté d'opinion et d'expression ; Mariana Katzarova, Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l'homme dans la Fédération de Russie ; Clément Nyaletsossi Voulé, Rapporteur spécial sur la liberté de réunion pacifique et d'association ; Mary Lawlor, Rapporteure spéciale sur les défenseurs des droits de l'homme.

NOTE

Les Rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les parties du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.