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Russie : une experte de l'ONU réclame la libération de poètes en prison pour avoir lu des poèmes contre la guerre

Vue aérienne du Kremlin à Moscou.
UN Photo/Milton Grant
Vue aérienne du Kremlin à Moscou.

Russie : une experte de l'ONU réclame la libération de poètes en prison pour avoir lu des poèmes contre la guerre

Droits de l'homme

Une experte de l'ONU a dénoncé mardi la répression de la liberté d'expression artistique en Russie, après qu'un tribunal de Moscou a emprisonné deux poètes pour avoir récité leurs poèmes contre la guerre en Ukraine lors d'une lecture publique.

Jeudi 28 décembre 2023, un tribunal de Moscou a condamné Artyom Kamardin à sept ans et Egor Shtovba à cinq ans et demi de prison. Cette décision faisait suite à leur participation à une lecture publique de poésie à Moscou, connue en Russie sous le nom de « Lectures Maïakovski ». Le 25 septembre 2022, les deux hommes, agissant indépendamment, ont participé à un événement au cours duquel des militants et des poètes ont récité des poèmes contre la mobilisation et contre la guerre.

« Cette décision contrevient gravement aux normes internationales de protection de la liberté d'expression », a déclaré Mariana Katzarova, Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en Fédération de Russie. « La sentence prononcée par le tribunal du district de Tverskoï de Moscou révèle des problèmes systémiques concernant l’intégrité des systèmes policier et judiciaire en Russie et leur utilisation pour réprimer la dissidence et les critiques, en particulier en ce qui concerne la guerre de la Russie contre l’Ukraine ».

Mariana Katzarova, Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l'homme en Fédération de Russie, s'adresse au Conseil des droits de l'homme à Genève.
UN News/Dominika Tomaszewska-Mortimer
Mariana Katzarova, Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l'homme en Fédération de Russie, s'adresse au Conseil des droits de l'homme à Genève.

Allégations de torture

La participation des poètes à l'événement contre la guerre a donné lieu à une enquête criminelle et à des accusations criminelles contre eux en vertu de la législation russe sur la sécurité nationale, pour « incitation à la haine ou à l'inimitié ou humiliation de la dignité d'une personne ou d'un groupe de personnes, commis par un groupe organisé » et « appelant à des actions visant à porter atteinte à la sûreté de l’État ».

Lorsqu'il a été arrêté le 26 septembre 2022, Artyom Kamardin s'est plaint d'avoir été gravement torturé et maltraité par un groupe de forces de l'ordre. Cependant, la commission d'enquête du district Preobrazhensky de Moscou a refusé d'ouvrir une enquête pénale sur les allégations de torture. Le refus a été confirmé par une décision du tribunal du district Preobrazhensky.

« La nature des accusations, la sévérité des peines et le déroulement du procès lui-même, fondé sur le témoignage d'un ‘témoin secret’, envoient un message clair à l'ensemble de la société russe : les voix dissidentes, que ce soit par la poésie, l'art ou d'autres formes d’expression, connaîtront de graves répercussions », a prévenu l’experte de l’ONU. « Les procès simulés sont devenus un outil d’intimidation incontournable visant à semer la peur et à décourager les autres de s’engager dans des expressions anti-guerre ».

La Rapporteure spéciale a demandé la libération immédiate d’Artyom Kamardin et d’Egor Shtovba. Elle a exhorté les autorités russes à accorder aux deux poètes des recours efficaces contre les violations de leurs droits humains.

« J'appelle les autorités russes à enquêter immédiatement sur les allégations de torture et de mauvais traitements contre M. Kamardin lors de son arrestation et à traduire en justice les responsables de ces crimes », a dit Mme Katzarova.

NOTE

Les Rapporteurs spéciaux et les groupes de travail font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les titulaires de mandat des procédures spéciales sont des experts indépendants en matière de droits de l'homme nommés par le Conseil des droits de l'homme pour traiter soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Ils ne font pas partie du personnel de l'ONU et sont indépendants de tout gouvernement ou organisation. Ils servent à titre individuel et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail.