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Des enfants jouent dans un camion endommagé à Douma, en Syrie (photo d'archives).

Syrie : une crise d’une complexité et d’une ampleur inimaginables, selon l’envoyé de l’ONU

© UNICEF/Omar Sanadiki
Des enfants jouent dans un camion endommagé à Douma, en Syrie (photo d'archives).

Syrie : une crise d’une complexité et d’une ampleur inimaginables, selon l’envoyé de l’ONU

Paix et sécurité

Devant le Conseil de sécurité, mercredi 25 janvier, Geir O. Pedersen, Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, a déploré une double crise humanitaire et économique aux proportions épiques dans ce pays, sur fond de persistance des affrontements armés, mais il a fait part d’une intensification du travail diplomatique et du dialogue entre les parties en Syrie.

« Le peuple syrien reste pris au piège d’une profonde crise humanitaire, politique, militaire, sécuritaire, économique et des droits de l’homme d’une grande complexité et d’une ampleur presque inimaginable », a déclaré Geir O. Pedersen devant les quinze membres du Conseil.

L’Envoyé spécial a ajouté que les Syriens restent profondément divisés sur leur avenir, faute d’une vision politique commune indispensable au progrès d’un véritable processus politique.

Plus encore, de nombreuses questions touchant le conflit ne sont plus depuis plusieurs années du seul ressort des Syriens, a rappelé Geir O. Pedersen. Le pays reste de facto divisé en plusieurs tronçons, où cinq armées étrangères, plusieurs groupes armés syriens et des terroristes inscrits sur la liste du Conseil de sécurité, sont tous actifs sur le terrain.

Une famille vivant dans un campement informel dans la ville de Raqqa, au nord-est de la Syrie.
© UNICEF/Delil Souleiman
Une famille vivant dans un campement informel dans la ville de Raqqa, au nord-est de la Syrie.

La plus grande crise de déplacement de populations au monde

Aux graves abus et violations du droit international humanitaire et des droits humains dans toute la Syrie s’ajoute une double crise humanitaire et économique aux proportions épiques due, selon l’Envoyé spécial, à plus d’une décennie de destruction, de corruption et de mauvaise gestion, aux sanctions, à l’effondrement financier libanais, à la pandémie de COVID-19 et à la guerre en Ukraine.

Notant qu’environ la moitié de sa population d’avant-guerre reste déplacée, Geir O. Pedersen a prévenu que la plus grande crise de déplacement au monde et l’une des plus importantes depuis la Seconde Guerre mondiale, est aussi un moteur d’instabilité dans toute la région, qui contribue aussi au trafic illicite de drogues.

Geir O. Pedersen, Envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, fait un exposé devant le Conseil de sécurité.
Photo ONU/Loey Felipe
Geir O. Pedersen, Envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, fait un exposé devant le Conseil de sécurité.

Une indispensable solution politique globale

« Ce conflit a besoin d’une solution politique globale – rien d’autre ne peut fonctionner », a-t-il réitéré devant le Conseil de sécurité. Mais cette solution n’est malheureusement pas imminente ».

L’Envoyé spécial a décliné devant le Conseil de sécurité la liste impressionnante de ses rencontres avec les responsables des parties syriennes et les dirigeants politiques régionaux, européens, russes et américains impliqués dans la résolution du conflit et a mentionné les contacts sécuritaires et militaires entre la Syrie, la Türkyie et la Russie ces derniers mois, avant de faire un bilan provisoire des multiples priorités du processus politique souhaité par l’ONU.

Geir O. Pedersen, évoquant l’objectif d’un retour au calme et de la diminution des risques d’escalade militaire, n’a pu présenter qu’un tableau mitigé. Si l’escalade dans le Nord-Est s’est atténuée, les bombardements, les tirs de roquettes et les affrontements intermittents se sont poursuivis le long de toutes les lignes de contact, impliquant un large éventail d’acteurs, dont le gouvernement, l’opposition armée, la coalition des Forces démocratiques syriennes (FDS) et le groupe terroriste HTS (Hay’at Tahrir al-Sham), inscrit sur la liste du Conseil de sécurité, qui ont lancé plusieurs attaques transfrontalières le mois dernier.

Par ailleurs, il a noté que des frappes de drones turcs ont été signalées dans le nord-est et des frappes israéliennes ont eu lieu dans la campagne de Damas et à l’aéroport de Damas. Le groupe Daech, quant à lui, reste actif, « avec des cellules dormantes qui tuent des militaires et des civils ».

Autant de raison, aux yeux de l’Envoyé spécial, de « tenter de préserver et d’approfondir le calme, de protéger les civils et de consolider la mosaïque d’accords et d’arrangements existants en un cessez-le-feu à l’échelle nationale », tout en cherchant une approche coopérative pour lutter contre les groupes terroristes, conforme au droit international sur la protection des populations civiles.

Des camions transportant de l'aide alimentaire traversent la frontière turque vers la Syrie. (photo d'archive)
OCHA/David Swanson
Des camions transportant de l'aide alimentaire traversent la frontière turque vers la Syrie. (photo d'archive)

Des progrès dans l’acheminement de l’aide humanitaire

Geir O. Pedersen s’est aussi félicité de l’adoption à l’unanimité de la résolution 2672 du Conseil de sécurité début janvier, qui a  permis de proroger, certes pour six mois seulement, le passage par la frontière turque d’une aide humanitaire vitale pour des millions de personnes en Syrie, au moment où l’ampleur des besoins à l’intérieur de la Syrie est au pire niveau depuis le début du conflit, sur fond de crise économique, de dégradation des services de base et d’urgence absolue dans les camps de déplacés.

Sur le front du processus politique, l’Envoyé spécial n’a pu que rappeler son espoir de voir le Comité constitutionnel réaliser des progrès plus substantiels à Genève.

Abordant le dossier des détenus et des personnes disparues, il a dit attendre avec impatience les progrès dans la mise en place d’une institution pour les personnes disparues telle qu’elle a été demandée par le Secrétaire général de l’ONU. Il a par ailleurs rappelé que ces questions de protection des civils font partie des facteurs principaux cités par les réfugiés pour expliquer leur décision de ne pas retourner en Syrie.

Restaurer la confiance et engager le dialogue avec la société civile

L’Envoyé spécial a jugé prioritaire, aussi, de mettre en place des mesures initiales de renforcement de la confiance, assez « précises, concrètes, réciproques et vérifiables pour avoir un impact positif sur la vie des Syriens » et aider les parties à progresser dans un environnement « sûr, calme et neutre sur la voie de la mise en œuvre de la résolution 2254 » de l’ONU sur le règlement politique en Syrie.

A ce titre, il a rappelé son dialogue permanent avec les Syriens de tous niveaux et les acteurs de la société civile, les femmes en premier lieu, pour réaliser des progrès en matière de protection des civils, de gouvernance locale dans le cadre d’un future processus politique. « Les femmes et les hommes syriens avec qui nous sommes en contact continuent d’espérer que ce conflit prendra fin d’une manière qui permette aux individus de vivre dans la dignité », a conclu Geir O. Pedersen.