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Gaza : la « pause » israélienne n’a pas eu trop d’impact sur l’aide humanitaire, selon l’OMS

Des enfants font la queue pour obtenir de la nourriture à Gaza.
© UNRWA
Des enfants font la queue pour obtenir de la nourriture à Gaza.

Gaza : la « pause » israélienne n’a pas eu trop d’impact sur l’aide humanitaire, selon l’OMS

Paix et sécurité

Alors que les rapports des médias font état de l’intensification des raids israéliens à Rafah et d’autres zones de la bande de Gaza, la « pause » quotidienne annoncée par l’armée israélienne pour les opérations dans le sud de l’enclave palestinienne n’a eu « aucun impact » sur l’arrivée de l’aide humanitaire, a affirmé vendredi un haut responsable de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les Territoires palestiniens occupés.

L’agence sanitaire mondiale de l’ONU a ainsi contesté les affirmations des Forces de défense israéliennes (FDI) selon lesquelles les pauses récemment annoncées dans les combats ont conduit à une amélioration de la situation humanitaire. Malgré une pause « tous les jours et jusqu’à nouvel ordre » de l’armée israélienne, la situation humanitaire et sanitaire reste toujours catastrophique.

« Dans l’ensemble, nous, les Nations Unies, pouvons dire que nous n’avons constaté aucun impact sur l’arrivée de l’aide humanitaire », a déclaré depuis Jérusalem, le docteur Richard Peeperkorn, lors d’un point de presse régulier de l’ONU à Genève. « Cette pause humanitaire a été annoncée, mais en réalité, nous n’avons rien vu sur le terrain qui aurait pu faire la différence ». 

Les défis au point d’accès de Kerem Shalom

Une façon pour l’OMS d’insister sur les difficultés actuelles des activités humanitaires dans un contexte de poursuite des opérations militaires à Rafah. En effet, la fermeture du point de passage de Rafah a coupé l’accès à la plate-forme logistique de l’ONU (installation de réception, de déchargement et de chargement des camions près du point de passage). 

« Cela a entravé l’acheminement des fournitures. Les fournitures entrent maintenant par Karem Shalom, où la plate-forme logistique est beaucoup plus petite et l’accès routier beaucoup plus difficile, notamment en raison de l’instabilité de la situation en matière de sécurité ».

Selon les agences, la raison en est que cette pause humanitaire ne s’est pas reflétée sur le terrain. « Il n’y a pas eu un seul jour où nous avons pu dire qu’aujourd’hui nous allions profiter de cette pause humanitaire pour aller de l’avant et apporter les fournitures qui nous attendaient.  Tant de choses sont dites publiquement, mais en réalité, sur le terrain, rien ne se concrétise », a déclaré le Dr Thanos Gargavanis, chirurgien traumatologue et responsable des urgences à l’OMS. 

« À l’heure actuelle, à travers Kerem Shalom, nous devons nous diriger nous-mêmes, nous devons conduire les véhicules blindés nous-mêmes pour nous assurer que la communauté internationale continue d’entrer et de sortir de la bande de Gaza. Ce n’est qu’un des problèmes majeurs auxquels nous sommes confrontés ».

Une jeune déplacée cuisine dans l'un des abris de l'UNRWA à Gaza.
Fadi/UNRWA
Une jeune déplacée cuisine dans l'un des abris de l'UNRWA à Gaza.

L’entrée de l’aide humanitaire « a été minime »

L’armée israélienne avait annoncé ce week-end une « pause humanitaire quotidienne » dans les combats sur une route importante de l’est de Rafah. Plus de huit mois de guerre, déclenchée par l’attaque terroriste sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre, ont conduit à des conditions humanitaires désastreuses dans le territoire palestinien et à des mises en garde répétées de l’ONU contre la famine.

Sur le terrain, les humanitaires travaillent dans des conditions de travail « désastreuses ». Des dizaines de camions attendent encore à Al-Arish de pouvoir entrer dans le sud du territoire palestinien.

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) dit que les restrictions imposées à l’accès compromettent toujours gravement l’acheminement de l’aide humanitaire et des services à Gaza. Entre le 1er et le 18 juin, 28 seulement des missions humanitaires coordonnées sur 61 vers le nord de Gaza, soit 46%, ont été facilitées par les autorités israéliennes, huit, soit 13%, ont été refusées, 16, soit 26%, ont été empêchées et neuf, soit 15%, ont été annulées pour des raisons sécuritaires, opérationnelles ou logistiques. 

Le manque d’ordre public empêche encore de récupérer l’assistance lorsqu’elle arrive, a précisé un porte-parole d’OCHA, ajoutant que l’entrée de l’aide humanitaire « a été minime ».

Les obstacles liés à l’acheminement de l’aide

« À la suite de l’annonce faite ce week-end, les forces de défense israéliennes ont confirmé que les opérations militaires à Rafah se poursuivaient. Toutefois, nous saluons toute initiative visant à faciliter l’acheminement de l’aide. La communauté humanitaire est parvenue à un accord avec le Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires – connu sous son acronyme, le COGAT - pour des fenêtres de mouvements coordonnés visant à faciliter les mouvements sûrs de l’aide humanitaire », a déclaré Jens Laerke, le porte-parole d’OCHA à Genève.

Sur place, la situation humanitaire et sanitaire est catastrophique. Les travailleurs humanitaires « ne peuvent pas se rendre à Kerem Shalom et récupérer (l’aide humanitaire) en toute sécurité en raison du manque d’ordre public et de sécurité ».

« En réalité, comme nous l’entendons sur le terrain, cela n’a pas donné grand-chose. Les combats dans la zone ont peut-être diminué grâce à ces mouvements coordonnés, mais ce n’est pas le seul obstacle qui empêche nos collègues d’aller chercher de l’aide dans la zone située entre Kerem Shalom et la route de Salah Al Din », a ajouté M. Laerke, rappelant qu’il incombe aux autorités israéliennes de créer un environnement propice à l’action des Nations unies et de leurs partenaires ».

Plus largement, l’environnement humanitaire est confronté à un défi permanent. Et face à ces problèmes d’accès, le carburant reste le grand sujet, l’absence de flux régulier et sans carburant, il n’y a pas d’opérations humanitaires. Or ce carburant est indispensable pour produire de l’électricité, nécessaire pour les hôpitaux mais aussi les boulangeries.

Une famille quittant Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
© UNRWA
Une famille quittant Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

La chaleur intense pourrait aggraver la crise sanitaire

Sur un autre plan, l’OMS avertit que la forte chaleur pourrait exacerber les problèmes de santé des déplacés palestiniens.

« Nous avons assisté à des déplacements massifs au cours des dernières semaines et des derniers mois, et nous savons que la combinaison de la chaleur peut entraîner une augmentation des maladies », a déclaré le Dr. Richard Peeperkorn. « Nous avons une contamination de l’eau à cause de l’eau chaude, et nous aurons beaucoup plus de détérioration des aliments à cause de la température élevée. Nous aurons des insectes moustiques et des mouches, de la déshydratation, des coups de chaleur ».

Peeperkorn a déclaré qu’à Gaza, en raison des mauvaises conditions d’approvisionnement en eau et d’assainissement, le nombre de cas de diarrhée était 25 fois plus élevé que d’habitude.

Appel à l’évacuation sanitaire

En outre, environ 4.800 patients ont été évacués de Gaza par nécessité médicale, la plupart vers l’Égypte et d’autres pays de la région. Mais « au moins 10.000 autres patients » ont désormais besoin d’un traitement spécialisé en dehors de l’enclave, a déclaré le Dr Peeperkorn. 

« La moitié d’entre eux étant liés à la guerre et l’autre moitié à ce que nous appelons les maladies chroniques, à savoir le cancer, les maladies cardiovasculaires et d’autres maladies non transmissibles, y compris des cas graves de troubles mentaux »

Avant la guerre, entre 50 et 100 évacuations médicales avaient lieu régulièrement de Gaza vers les hôpitaux de Cisjordanie, a expliqué le responsable de l’OMS, qui a lancé un appel à la réouverture du poste frontière de Rafah, dans le sud de l’enclave, ou à l’utilisation du poste frontalier de Kerem Shalom, situé à proximité.

Les familles déplacées par le conflit à Gaza continuent de chercher un endroit sûr pour s'abriter.
© UNRWA
Les familles déplacées par le conflit à Gaza continuent de chercher un endroit sûr pour s'abriter.

Gaza, c’est plus de deux millions d’histoires de pertes – ONU Femmes

En écho à ces descriptions, le Bureau d’ONU Femmes, qui vient de terminer une mission d’une semaine à l’intérieur de Gaza, décrit une situation « indescriptible ». « Dès que vous entrez au point de passage de Kerem Shalom et que la clôture se referme derrière vous, vous avez l’impression d’être enfermé dans un monde de dévastation », a affirmé Maryse Guimond, Représentante spéciale du Bureau d’ONU Femmes en Palestine. 

Elle a décrit des destructions généralisées et des histoires de mères enceintes forcées de demander des césariennes prématurées par désespoir et par peur.

« La population a été presque entièrement dépossédée des moyens et des capacités nécessaires pour assurer la sécurité alimentaire, le logement, la santé et les moyens de subsistance", a déclaré Maryse Guimond, représentante spéciale d’ONU Femmes pour le territoire palestinien occupé. Les femmes me demandaient : [Quand pourrons-nous rentrer chez nous ?. Chaque déplacement a entraîné davantage de pertes et de peurs. »

Dignité et intimité disparues

S’adressant aux journalistes à Genève par vidéo, Mme Guimond a décrit les personnes « entassées » dans des abris de fortune et dépourvues des produits de base les plus élémentaires. Dans une école transformée en abri et gérée par l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), il n’y a que 25 toilettes pour les 14.000 personnes qui cherchent la sécurité à l’intérieur de l’enceinte et les 59.000 autres qui campent à l’extérieur, a-t-elle fait remarquer.

Or les femmes ne veulent pas mourir, elles ne veulent pas enterrer leurs proches, elles ne veulent pas souffrir seules. « Mon expérience à Gaza a clarifié la gravité de ce message », a fait valoir  Mme Guimond.

« Les habitants de Gaza demandent que la guerre s’arrête. Chaque jour qui passe dans ce conflit apporte son lot de destructions et de tueries. Il faut y mettre un terme. [Les garçons et les filles me demandaient quand cette guerre allait cesser et je n’avais pas de réponse à leur donner] », a regretté la responsable onusienne.