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Des centaines de milliers d'enfants sont en danger à Gaza, selon l'UNICEF

Un patient souffrant de malnutrition aiguë sévère et de déshydratation dans un hôpital de campagne du sud de Gaza, fin avril 2024
© WHO
Un patient souffrant de malnutrition aiguë sévère et de déshydratation dans un hôpital de campagne du sud de Gaza, fin avril 2024

Des centaines de milliers d'enfants sont en danger à Gaza, selon l'UNICEF

Paix et sécurité

Alors que les rapports des médias font état de la poursuite des attaques dans la bande de Gaza, poussant les civils à continuer à fuir, l’offensive militaire israélienne à Rafah met en danger la vie de centaines de milliers d'enfants déplacés, dont beaucoup sont maintenant mal nourris et traumatisés, a alerté mercredi le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). 

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« Rafah est une ville d’enfants. Des centaines de milliers d’entre eux sont en danger. Ils sont malades, handicapés, mal nourris et traumatisés », a écrit dans un message sur X, Carla Haddad Mardini, Directrice de la collecte de fonds et des partenariats privés de l’UNICEF.

Elle rappelle que beaucoup d’enfants ont perdu leur famille et leur maison. Beaucoup ont été déplacés plusieurs fois, entassés dans une petite zone. « Où sont-ils censés aller ? Il n’y a pas d’endroit sûr à Gaza », a ajouté Mme Mardini, relevant que « les enfants de Gaza ont besoin d’un cessez-le-feu maintenant pour éviter de nouvelles souffrances ».

Aucun endroit n’est sûr à Gaza

Avant cette dernière offensive israélienne à Rafah, 600.000 enfants s’étaient réfugiés dans cette partie de l’enclave, « vivant dans des tentes ou des logements de fortune n’offrant aucune stabilité ». Selon l’UNICEF, un grand nombre d’entre eux ont été déplacés à plusieurs reprises et ont perdu leur foyer, leurs parents et des êtres qui leur sont chers. 

Selon les rapports des médias, les attaques contre Rafah s’intensifient malgré les condamnations internationales. Des chiffres du ministère palestinien de la santé et non confirmés par l’ONU indiquent que plus 36.000 Palestiniens sont morts dans les attaques israéliennes sur Gaza depuis le 7 octobre. Le ministère ajoute que 75 personnes ont été tuées et 284 blessées au cours des dernières 24 heures.

Ces hostilités continuent d’occasionner d’importants mouvements de populations. Selon l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), plus d’un million de personnes ont fui Rafah au cours des trois dernières semaines seulement (depuis le 6 mai). 

« Les habitants de Rafah ont déjà été déplacés à plusieurs reprises. Et les gens continuent de se déplacer, à la recherche d’une sécurité qu’ils ne trouvent jamais. Car aucun endroit n’est sûr à Gaza et personne n’est à l’abri ou épargné », a dit mardi depuis la Jordanie, une porte-parole de l’UNRWA, Juliette Touma, lors d’un point de presse régulier de l’ONU à New York. 

Un sentiment de désespoir à Gaza

« Le chef de l’UNRWA (Philippe Lazzarini) vient de publier une déclaration sur son compte officiel X dans laquelle il décrit la situation à Gaza comme 'un spectacle d’horreur sans fin, sauf qu’il est réel'. Il a ajouté : 'Deux millions de personnes vivent dans un enfer. C’est Gaza sous le regard du monde' », a souligné MmeTouma. 

« Il y a vraiment un sentiment de désespoir à Gaza. Les gens disent, aujourd’hui je n’ai pas été tuée, mais ce sera probablement le cas demain », a ajouté pour sa part une autre porte-parole de l’UNRWA, Louise Wateridge.

Sur le terrain, les conséquences de l’attaque de dimanche sur un site de déplacés près de Rafah sont « énormes ». Selon l’UNRWA, l’attaque a renforcé la peur de la mort, dans un contexte où les populations de l’enclave palestinienne « voient tellement de morts autour d’eux ».

« Un collègue qui est récemment rentré de Gaza m’a dit : 'Les gens meurent à l’intérieur. Partout où ils regardent, il y a la mort et c’est comme si les gens avaient accepté que la mort soit leur destin' », a décrit Mme Touma, relevant qu’un autre collègue se demandait finalement de l’intérêt de déménager à Al-Mawasi. « Quel est l’intérêt de déménager encore une fois si je vais être tué de toute façon ? ».

Le 26 mai, des frappes aériennes israéliennes ont touché un camp de personnes déplacées à Rafah, au sud de Gaza.
© UNRWA
Le 26 mai, des frappes aériennes israéliennes ont touché un camp de personnes déplacées à Rafah, au sud de Gaza.

L’OMS livre du carburant et du matériel dans le nord

Sur le plan humanitaire, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a réussi à atteindre mardi 28 mai le nord de la bande de Gaza pour livrer du carburant et du matériel à l’hôpital Al-Ahli. La mission, qui a réussi à atteindre l’hôpital al-Ahli « au milieu des hostilités intenses en cours », était la première de l’OMS dans le nord de l’enclave depuis le 13 mai.

« L’hôpital Al-Ahli prend en charge deux fois plus de personnes que ce pour quoi il est conçu, il manque de matériels de chirurgie et le personnel n’est pas payé », a écrit sur X le chef de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Pour l’heure, aucune opération de chirurgie lourde « ne peut être réalisée le soir, faute de personnel spécialisé », a-t-il expliqué, ajoutant que l’OMS essaye de déployer une équipe sur place.

Dans des conditions difficiles, la mission de l’OMS a pu tout de même livrer 15.000 litres de carburant − indispensable pour les générateurs de l’hôpital et la production d’électricité −, mais aussi 14 lits médicalisés, des médicaments et du matériel de traumatologie pour couvrir les besoins de 1.500 personnes. La mission a aussi permis d’escorter cinq ambulances du Croissant-Rouge palestinien pour contribuer à rétablir des services sanitaires dans le nord de l’enclave.

Des gens font la queue à Gaza pour obtenir un repas chaud, le seul de la journée.
© WFP/Ali Jadallah
Des gens font la queue à Gaza pour obtenir un repas chaud, le seul de la journée.

Les défis de l’acheminement de l’aide

Les missions vers le nord de la bande de Gaza sont rendues très difficiles par la pénurie d’essence, mais aussi les routes détruites, les décombres et le manque d’accès sûr, a souligné également M. Tedros. Les points de contrôle de l’armée israélienne sont aussi source de retards, ce qui a empêché la mission d’accéder à un autre l’hôpital à proximité.

Cette mission est arrivée dans un contexte où les établissements de santé connaissent toujours des pénuries de carburant et de produits médicaux, tout en gérant un flux accru de blessés et de brûlés.

Plus largement, les agences humanitaires notent que si le point de passage de Kerem Shalom reste ouvert en principe, il est toutefois extrêmement difficile d’y parvenir en provenance de Gaza, compte tenu des hostilités, des problèmes logistiques et des procédures complexes de coordination.

Toutefois, à la date du lundi 27 mai, 43 camions étaient entrés par le site de Kerem Shalom.  Mais les problèmes d’accès empêchent toujours la fourniture d’une aide vitale dans Gaza. 

Entre le 1er et le 26 mai, 137 missions humanitaires qui nécessitaient une coordination à Gaza ont été facilitées par les autorités israéliennes, 86 ont été empêchées après avoir eu le feu vert ou tout simplement rejetées, et 43 ont été annulées par les organisations humanitaires elles-mêmes.

Une équipe d'OCHA lors d'une mission à Gaza.
© OCHA
Une équipe d'OCHA lors d'une mission à Gaza.

Les fournitures médicales essentielles s’épuisent

Par ailleurs, l'OMS a indiqué avoir distribué une énorme quantité de fournitures médicales essentielles dans les derniers hôpitaux encore fonctionnels de la bande de Gaza mais que ce n’est pas suffisant.

« Il s’agit d’une catastrophe tellement écrasante que ce n’est pas suffisant », a déclaré le Dr Rik Peeperkorn, Représentant de l’OMS dans les Territoires occupés de Palestine.

S’exprimant à Genève en marge de l’Assemblée mondiale de la santé, ce haut responsable de l’OMS s’est fait l’écho de la condamnation internationale de l’attaque aérienne israélienne contre un camp de personnes déplacées à Tal as-Sultan, au nord-ouest de Rafah, qui a fait plusieurs dizaines de morts dimanche dernier.

« L’OMS déplore cette attaque, cette attaque contre les personnes déplacées. Cela prouve qu’il n’y a pas d’endroit sûr à Gaza », a-t-il déclaré à ONU Info, alors qu’une vidéo de l’hôpital de campagne traitant les victimes, distribuée par le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), montrait un père blessé pleurant en décrivant le moment où ses enfants sont morts.

« Lorsque la frappe a eu lieu, j’ai pensé à mes enfants », a déclaré Mohammad Al Ghouf. « Je leur ai promis d’aller au supermarché, de faire quelques courses et de les serrer dans mes bras. Mais malheureusement, je suis ici et ils sont dans un autre endroit ».

Sur les mêmes images prises par l’OCHA lundi, le Directeur de l’hôpital de campagne de l’International Medical Corps (IMC) a décrit la tâche sinistre consistant à préparer les victimes sans vie pour l’enterrement. « J’ai vu le cadavre d’un père qui tenait son enfant, peut-être âgé d’environ trois ans. Ils étaient brûlés et carbonisés. Nous ne pouvions pas les séparer. Nous avons donc dû les mettre tous les deux dans un sac mortuaire. C’était très, très difficile ».

Manque de soins pour les brûlés

Quelque 75 patients ont été traités à cet hôpital de campagne. « Sur ces 75 patients, 25 étaient dans un état très critique », a ajouté ce responsable, alimentant ainsi les vives inquiétudes quant au fait que les soins spécialisés en brûlures et en traumatologie ainsi que les médicaments dont ils ont besoin sont hors de portée à Gaza, depuis que l’armée israélienne s’est emparée du principal point de passage de l’aide à Rafah au début de ce mois.

« Il y a des limites à ce que l’on peut faire à Gaza. Et lorsqu’il s’agit de brûlures très étendues, etc., il n’y a actuellement aucun endroit à Gaza où l’on peut les traiter », a fait valoir le Dr Peeperkorn. L’OMS n’a reçu que trois camions à Rafah, depuis la fermeture du point de passage de Rafah. Ces camions sont passés par Kerem Shalom et c’est le seul approvisionnement.

« Heureusement, nous avons encore quelques provisions, mais elles s’épuisent rapidement ». Le responsable de l’OMS a insisté sur le fait qu’il serait possible d’inverser la situation si les camions transportant de l’aide humanitaire étaient autorisés à revenir dans l’enclave en grand nombre.