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Une jeune fille se repose dans un camp de personnes déplacées à Gaza.

Témoignage : traumatisme, stress et tristesse s'enracinent à Gaza

© UNICEF/Abed Zaqout
Une jeune fille se repose dans un camp de personnes déplacées à Gaza.

Témoignage : traumatisme, stress et tristesse s'enracinent à Gaza

Paix et sécurité

L'expression des visages à Gaza révèle « le traumatisme, le stress, comme si le chagrin et la tristesse avaient pris racine ici à Gaza », selon James Elder, le porte-parole du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) qui a participé à l'effort d'aide dans l'enclave assiégée.

M. Elder a rencontré des enfants et leurs familles à Gaza, pendant la pause humanitaire, qui a été décidée après des semaines de bombardements israéliens intenses qui ont tué et blessé des milliers de personnes et déplacé 1,7 million de Palestiniens.

Les violences ont éclaté le 7 octobre, lorsque le Hamas a attaqué Israël, tuant environ 1.200 personnes et capturant plus de 240 otages.

« La situation sur le terrain semble désespérée, qu'il s'agisse des infrastructures physiques - il suffit de voir les immeubles d'habitation les uns après les autres, des décombres, détruits sur le sol, le béton, les voitures explosées, les gens qui fuient leur maison - ou l'expression sur le visage des gens, le traumatisme, le stress, comme si le chagrin et la tristesse s'étaient enracinés ici à Gaza.

C'est une période extrêmement difficile en ce moment et, bien sûr, il s'agit en fait d'une pause humanitaire. Les gens se remettent de tout ce qui s'est passé au cours des sept dernières semaines et ont tellement peur que les choses recommencent.

Mais 1,5 million de personnes ont perdu leur maison, les gens sont dans divers abris, les hôpitaux sont remplis d'enfants souffrant des blessures de la guerre.

Une rue de Gaza le 8 octobre 2023. (archives)
UNRWA/Mohammed Hinnawi
Une rue de Gaza le 8 octobre 2023. (archives)

Une réalité horrible

La situation est épouvantable. Je peux affirmer avec certitude que chaque enfant ici présent aura besoin d'un soutien psychologique. Le petit garçon à qui je parlais il y a à peine une demi-heure dans ce qui devrait être un collège technique pour les jeunes, mais qui est maintenant un camp pour 30.000 ou 40.000 personnes, a perdu sa mère et ses sœurs dans un bombardement. Il ne sait même pas encore que sa mère est morte.

Telle est la réalité.

J'ai parlé à tant de familles, et elles n'ont pas encore dit à un enfant qui se remet encore des blessures de la guerre que quelqu'un d'autre qu'il aime est également mort, que sa vie est en fait encore plus sombre qu'il ne le pensait.

Sondos, 26 ans, a subi une césarienne d'urgence et a appelé son nouveau-né Habiba en mémoire de son autre fille, tuée le même jour à Gaza.
© UNFPA/Bisan Ouda
Sondos, 26 ans, a subi une césarienne d'urgence et a appelé son nouveau-né Habiba en mémoire de son autre fille, tuée le même jour à Gaza.

Zone de guerre

Les hôpitaux sont pleins. Les services d'urgence débordent de garçons et de filles blessés par des éclats d'obus ou d'horribles brûlures. Ils ne sont pas seulement sur des lits d'hôpitaux. Ces incroyables personnels de santé, ces incroyables médecins, ces incroyables infirmières travaillent 24 heures sur 24 et n'ont plus de place.

C'est une zone de guerre. Il y a des enfants dans les parkings et les jardins, sur des lits, partout. Et puis, bien sûr, il y a des centaines de milliers d'enfants qui ne vont pas à l'école, qui sont dans des camps surpeuplés, qui ont froid, qui n'ont pas assez de nourriture, qui n'ont pas assez d'eau, qui risquent maintenant de contracter des maladies. La situation est épouvantable.

Malheureusement, chaque fois que je me retourne, quelqu'un me raconte une nouvelle histoire qui m'a encore brisé le cœur au cours de l'heure écoulée. Toutes ces histoires me restent en tête, en particulier celles des personnes qui ont tant souffert des combats.

La chair en décomposition

J'étais dans un bus avec des enfants. Il a fallu quatre jours pour qu’ils viennent des hôpitaux du nord. Ce petit garçon était resté dans le bus pendant des jours, avec la partie inférieure de son pied arrachée. Quatre jours pour que la chair commence à se décomposer, avec des brûlures dues à des éclats d'obus.

Il est impossible de comprendre comment cela a pu se produire à une telle échelle, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous continuons à dire que cela ne peut plus durer.

Un petit garçon, Omar, avait sept ans lorsque la maison familiale a été touchée. Sa mère a été tuée, son père a été tué et son frère jumeau a été tué. Alors que je lui parlais, il était capable de partager ce qu'il faisait. Il aime sa tante. Elle est formidable et le soutient.

Mais il n'arrêtait pas de fermer les yeux, et j'essayais de comprendre pourquoi. J'ai demandé à sa tante pourquoi et elle m'a répondu qu'il était tellement terrifié à l'idée d'oublier à quoi ressemblaient sa mère et son père. C'est ce qu'il craint maintenant. Il ferme les yeux parce qu'il ne peut pas supporter l'idée qu'il les a perdus dans ce monde, mais qu'il pourrait aussi les perdre dans son imagination.

Une pause dans les combats apporte un soulagement

Ces derniers jours, toutes les agences des Nations Unies ont été remarquables.

L'UNICEF a apporté des fournitures médicales, des kits d'urgence pour les sages-femmes parce qu'il y avait tant de femmes enceintes qui accouchaient dans une zone de guerre, des sels de réhydratation orale, des solutions intraveineuses et des multivitamines pour les enfants parce que nous nous inquiétons désespérément de leur état nutritionnel.

L'UNWRA, l'agence la plus importante pour la population de la bande de Gaza, fournit de la nourriture, du carburant et de l'eau. Le Programme alimentaire mondial (PAM) fournit de la nourriture, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) des médicaments.

Cette pause humanitaire doit, en toute bonne conscience, se transformer en un cessez-le-feu humanitaire, puis en une paix durable.

Plus de 6.000 garçons et filles ont été tués. Cela doit cesser. Tant d'enfants ont perdu leurs parents, tant de parents ont perdu leurs enfants.

Je ne suis ici que depuis la semaine dernière. Il est très rare de parler à quelqu'un qui n'a pas perdu un être cher. 

Nous ne pouvons pas passer de l'acheminement de cette aide en 24 ou 72 heures à un nouveau bombardement. Les gens ont besoin de temps pour se rétablir et nous avons besoin de temps pour acheminer l'aide. C'est pourquoi une paix durable est la seule chose qui puisse protéger les gens ici.

Deux jeunes garçons transportent des bouteilles d'eau dans un camp de réfugiés de l'UNWRA à Khan Younis, dans le sud de Gaza.
UNICEF/Abed Zaqout
Deux jeunes garçons transportent des bouteilles d'eau dans un camp de réfugiés de l'UNWRA à Khan Younis, dans le sud de Gaza.

L'eau, la différence entre la vie et la mort

L'eau va faire la différence entre la vie et la mort. L'UNICEF et tous nos incroyables partenaires sur le terrain, ici dans la bande de Gaza, ont un plan très clair.

Nous avons besoin de la paix. Les bombardements doivent cesser parce qu'ils détruisent les usines de désalinisation qui sont essentielles ici.

Nous devons acheminer le carburant et effectuer les réparations. Nous avons besoin de machines pour réparer les usines et rouvrir les canalisations. 

Bien sûr, nous pouvons distribuer des centaines de milliers de bouteilles d'eau, mais ce n'est pas un moyen efficace d'acheminer l'aide, et elle ne parviendra pas aux gens assez rapidement ».