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Azéra Konfé, enseignante au Burkina Faso.

Il faut revaloriser le statut des enseignants face à la pénurie de vocations, estime l'UNESCO

© UNESCO/Kilaye Bationo
Azéra Konfé, enseignante au Burkina Faso.

Il faut revaloriser le statut des enseignants face à la pénurie de vocations, estime l'UNESCO

Culture et éducation

 À l’occasion de la Journée mondiale des enseignants, de nouvelles données de l'UNESCO montrent qu’il manque encore 44 millions d'enseignants dans le monde pour atteindre l'objectif d'un enseignement primaire et secondaire pour tous d'ici 2030. 

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, il ne s’agit pas que d’un problème de financement. C’est aussi lié au manque d’attractivité de la profession. 

« Les enseignants jouent un rôle crucial dans nos sociétés, pourtant cette profession est confrontée à une crise majeure des vocations », a regretté la Directrice générale de l’UNESCO.

« Certaines régions du monde manquent de candidats, d'autres font face à un taux d'abandon très élevé au cours des premières années de carrière. Dans les deux cas, la réponse est la même : il faut mieux valoriser, mieux former et mieux soutenir les enseignants », a souligné Audrey Azoulay.

Des progrès insuffisants

En 2016, l'UNESCO a estimé la pénurie mondiale d'enseignants à 69 millions. Dans une nouvelle analyse, publiée à l'occasion de la Journée mondiale des enseignants 2023, l'Organisation constate que cette pénurie a diminué de près d'un tiers ; la nouvelle estimation est de 44 millions. Si la situation s'est améliorée, cela reste insuffisant pour répondre aux besoins mondiaux en matière d’éducation.

L’Asie du Sud est la région qui a fait le plus de progrès, avec une pénurie réduire de moitié depuis 2016 – il manque encore aujourd’hui 7,8 millions d'enseignants. A l’inverse, l’Afrique subsaharienne n’a que peu progressé sur cette période et représente à elle seule un tiers de la pénurie mondiale actuelle. L’Europe et l’Amérique du Nord, malgré de faibles taux de natalité, sont la troisième région du monde où la pénurie est la plus forte – il manque 4,8 millions d’enseignants. En Amérique latine et dans les Caraïbes, la pénurie s’élève à 3,2 millions d’enseignants. 

Yerin Jeon, enseignante en République de Corée.
© UNESCO/Taek Oh
Yerin Jeon, enseignante en République de Corée.

Rendre la profession attirante

L'UNESCO a cherché à mieux comprendre les raisons de cette pénurie d'enseignants. 

Une analyse des données relatives aux déperditions d’enseignants – recueillies dans 79 pays de différentes régions du monde et de différents niveaux de développement – révèle que la profession d'enseignant manque trop souvent d’attractivité. Il en résulte une incapacité à recruter des jeunes et une nette augmentation du taux d'abandon en cours de carrière.

La proportion d'enseignants qui décident de quitter définitivement la profession a presque doublé en 7 ans

Dans les 79 pays étudiés, le taux de déperdition – qui mesure la proportion d'enseignants qui décident de quitter définitivement la profession – a presque doublé parmi les enseignants du primaire, passant de 4,62% en 2015 à 9,06% en 2022. 

Les situations varient considérablement d'un pays à l'autre, mais on peut néanmoins constater trois facteurs principaux : les mauvaises conditions de travail, le haut niveau de stress et la faible rémunération.

De nombreux problèmes peuvent dégrader les conditions de travail, notamment le manque de moyens matériels qui pèse sur la charge de travail des enseignants, le poids des responsabilités administratives ou encore le manque d’encadrement hiérarchique dans les établissements qui peut miner le moral des enseignants. Le niveau de stress pose également problème : les enseignants qui subissent « beaucoup » de stress au travail sont deux fois plus susceptibles de vouloir quitter la profession, en particulier au cours des cinq premières années.

Le faible niveau de rémunération nuit également à l’attractivité de la profession. Au niveau mondial, seul 1 pays sur 2 rémunère les enseignants du primaire autant ou plus que les autres professions exigeant des qualifications similaires. Ce phénomène est accentué en Europe et en Amérique du Nord, où il ne s’agit que de 3 pays sur 10. Dans l’enseignement secondaire de deuxième cycle, de nombreux pays à revenu élevé rémunèrent les enseignants à hauteur de 75% ou moins du salaire versé aux professions comparables.

Adokwei Ayikwei-Awulley, enseignant au Ghana.
© UNESCO
Adokwei Ayikwei-Awulley, enseignant au Ghana.

Un taux d’abandon plus élevé chez les enseignants jeunes et masculins

Les enseignants masculins quittent généralement la profession à un rythme plus élevé que leurs homologues féminines. 

En 2021, le taux d’abandon des enseignants du primaire à l’échelle mondiale s’élevait à 9,2% pour les hommes, contre 4,2% pour les femmes. Cette différence s'explique notamment par le fait que, bien souvent, les hommes disposent de plus d'opportunités professionnelles dans les autres secteurs et peuvent ainsi changer plus facilement de carrière. La persistance des préjugés de genre exerce aussi une influence, notamment les opinions relatives à la répartition des responsabilités en matière d'éducation des enfants.

Peu de pays étudient le moment où les enseignants quittent la profession au cours de leur carrière. Les données disponibles soulignent toutefois que les enseignants en début de carrière sont davantage susceptibles de quitter la profession que leurs collègues plus expérimentés – ce qui prouve qu'ils ont besoin d’un soutien renforcé pour faire face à la charge de travail.

Sept mesures recommandées par l'UNESCO

Face à la pénurie systémique d'enseignants, l'UNESCO recommande 7 mesures, à adapter aux situations et aux enjeux nationaux, pour rendre la profession d'enseignant plus attractive :

  1. Investir dans l'amélioration de la formation initiale des enseignants et dans les programmes de formation continue.
  2. Mettre en place des programmes de mentorat qui associent des enseignants expérimentés à de nouveaux enseignants et encourager la collaboration entre pairs.
  3. S’assurer que les enseignants bénéficient de salaires et d’indemnités compétitifs, notamment par rapport aux autres professions exigeant des niveaux de qualification similaires, et veiller à ce qu’ils disposent de possibilités d'avancement.
  4. Rationaliser les tâches et les formalités administratives pour permettre aux enseignants de se concentrer davantage sur l'enseignement et moins sur la bureaucratie.
  5. Encourager un sain équilibre entre vie professionnelle et vie privée, en fixant des exigences raisonnables en termes d'horaires de travail et en réduisant la charge de travail inutile.
  6. Fournir des services de santé mentale et de conseil afin d’aider les enseignants à gérer le stress et les défis émotionnels.
  7. Mettre en place un encadrement à la fois fort et solidaire au sein des établissements, qui valorise l'apport des enseignants, fournit des critiques constructives et favorise un environnement de travail positif.