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Climat : « Le futur dystopique est déjà là », alerte le chef des droits de l’homme de l’ONU

Le manque de développement dans des endroits comme le Niger (photo) peut alimenter l’extrémisme, selon l’ONU.
© FAO/Luis Tato
Le manque de développement dans des endroits comme le Niger (photo) peut alimenter l’extrémisme, selon l’ONU.

Climat : « Le futur dystopique est déjà là », alerte le chef des droits de l’homme de l’ONU

Climat et environnement

« Le futur dystopique est déjà là », a alerté lundi le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, en référence au dérèglement climatique.

Alors que le scénario le plus négatif quant au réchauffement de la planète s’est déjà installé, le monde est distrait par une politique de division et de distraction, au lieu d’une unité d’objectif et d’un leadership décisif et coopératif, a déploré le Haut-Commissaire, à l’ouverture de la 54e session du Conseil des droits de l’homme à Genève.

« Nous assistons à une politique de division et de distraction - par exemple, en fabriquant des conflits artificiels sur le genre, la migration ou en imaginant un "choc" des civilisations », a-t-il dit. 

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« Nous n’avons pas besoin d’autres avertissements. Le futur dystopique est déjà là. Nous avons besoin d’une action urgente, maintenant. Et nous savons ce qu’il faut faire. La vraie question est : qu’est-ce qui nous en empêche ? », a-t-il lancé.

Parmi des exemples récents de « l’horreur environnementale qui constitue notre crise planétaire globale », il a ainsi cité la situation à Bassorah, en Iraq, où « la sécheresse, la chaleur torride, la pollution extrême et l’épuisement rapide des réserves d’eau douce créent des paysages stériles de décombres et de poussière ».

Changement climatique et mauvaise gouvernance

De plus, le changement climatique plonge des millions de personnes dans la famine. « Il détruit des espoirs, des opportunités, des foyers et des vies. Ces derniers mois, des avertissements urgents sont devenus des réalités mortelles, encore et encore, partout dans le monde », a affirmé M. Türk.

Dans le Sahel par exemple, la plupart des gens luttent pour leur survie quotidienne. « Le Burkina Faso, le Tchad, le Mali et le Niger figurent parmi les huit pays les moins avancés du monde », a-t-il détaillé, relevant que « ces pays sont gravement touchés par la dégradation de l’environnement et le changement climatique, une crise à laquelle ils n’ont pratiquement pas contribué ». 

Dans cette partie de l’Afrique de l’Ouest, des ressources nécessaires à la survie, telles que les terres fertiles et l’eau, diminuent, entraînant des conflits entre les communautés. Les mesures d’adaptation dont elles ont un besoin urgent sont beaucoup trop coûteuses, et le soutien financier régulièrement promis lors des conférences internationales n’arrive que trop lentement. 

Dans ces conditions, 2022 a été l’année « la plus meurtrière depuis le début de la crise du Sahel il y a dix ans », et « la menace constante de la violence des groupes armés s’étend maintenant aux États côtiers ».

Or selon le chef des droits de l’homme de l’ONU, aucun des défis auxquels ces pays sont confrontés ne peut être relevé de manière isolée : ils sont liés les uns aux autres.

« Le changement climatique, y compris les sécheresses et les phénomènes météorologiques extrêmes qui y sont liés ; l’absence d’investissements adéquats dans l’éducation, les soins de santé, l’assainissement, les protections sociales, une justice impartiale et d’autres droits de l’homme ; des décennies de mauvaise gouvernance et un manque de transparence et de responsabilité dans la prise de décision sont les sources dans lesquelles puise l’extrémisme violent », a dit M. Türk. 

L’indifférence et la nonchalance face aux morts de migrants 

Dans ce contexte, il estime que les changements anticonstitutionnels de gouvernement au Sahel ne sont pas la solution. « Nous avons plutôt besoin d’un renversement urgent vers une gouvernance civile et des espaces ouverts où les gens peuvent participer, influencer, accompagner et critiquer les actions - ou l’absence d’action - du gouvernement », a fait valoir le Haut-Commissaire.

Dans son discours d’ouverture de la 54e session du Conseil des droits de l’homme, il s’est également dit « choqué par la nonchalance » face aux milliers de migrants qui périssent chaque année dans le monde sur les routes migratoires. Alors que les changements climatiques renforcent les déplacements de populations, il a ainsi fustigé cette « l’indifférence ». 

« Je suis choqué par la nonchalance qui se manifeste face aux plus de 2.300 personnes qui ont été déclarées mortes ou disparues en Méditerranée cette année » dont plus de 600 lors d’un seul naufrage au large de la Grèce en juin, a dit le Haut-Commissaire aux droits de l’homme.

« Il est évident qu’un nombre bien plus important de migrants et de réfugiés meurent » ailleurs dans le monde, « y compris dans la Manche, dans le golfe du Bengale et dans les Caraïbes, où les personnes en quête de protection sont constamment repoussées et expulsées », a dénoncé M. Turk.

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, s'adresse à la 54e session du Conseil des droits de l'homme.
UN Photo/Jean Marc Ferré
Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, s'adresse à la 54e session du Conseil des droits de l'homme.

Une politique de la tromperie pour semer la confusion

Il a également pointé du doigt les situations « le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, où les expulsions et les procédures de renvoi accélérées soulèvent de graves questions » ainsi qu’« à la frontière du Royaume d’Arabie saoudite », où ses services demandent « des éclaircissements urgents sur les allégations d’assassinats et de mauvais traitements ». 

Face à ces problèmes majeurs auxquels le monde est confronté, M. Turk a dénoncé les « politiques de tromperie ».

« Nous assistons à une politique de la tromperie, qui consiste à jeter du sable dans les yeux des gens. Aidés par les nouvelles technologies, les mensonges et la désinformation sont produits en masse pour semer le chaos, semer la confusion et, en fin de compte, nier la réalité et s’assurer qu’aucune mesure ne sera prise qui pourrait mettre en péril les intérêts des élites en place », a-t-il dit, relevant que « le cas le plus évident est celui du changement climatique ». 

Or dans un monde en crise et complexe, le monde a tant besoin « d’une floraison de points de vue critiques, novateurs et constructifs pour élaborer de meilleures politiques et de meilleurs systèmes ». « Mais ce que nous obtenons de plus en plus, ce sont des coups d’État militaires, l’autoritarisme et l’écrasement de la dissidence - en bref, le poing », a-t-il fait remarquer.