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Semi Alisha Fermond travaille avec des personnes transgenres à Kay Trans à Port-au-Prince

TEMOIGNAGE - Je ne veux pas mourir dans un corps d’homme

UN Haiti/Daniel Dickinson
Semi Alisha Fermond travaille avec des personnes transgenres à Kay Trans à Port-au-Prince

TEMOIGNAGE - Je ne veux pas mourir dans un corps d’homme

Santé

Semi Alisha Fermond est une femme transgenre haïtienne qui ne souhaite pas mourir dans un corps d’homme. Elle désire quitter son pays natal pour réaliser son rêve.

Elle travaille avec des personnes transgenres à Kay Trans Ayiti (le nom créole de Trans House Haïti) et milite au sein de l’organisation ACIFVH (Action Communautaire pour l'Intégration des Femmes Vulnérables Haïtiennes) soutenue par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l’ONUSIDA. 

« Nous travaillons spécifiquement avec les personnes transgenres. Nous essayons de les intégrer dans la société, car elles se font généralement mises à la porte de leur maison à cause de leur identité ou quand elles déclarent leur orientation sexuelle à leurs parents. 

Nous sommes très exposés au VIH. A cet effet, je pense que nous devons nous attaquer au problème à la base en commençant par sensibiliser les parents à aider leurs enfants à vivre pleinement leur personnalité et à ne pas les mettre à la porte, car moins il y a d’enfants dans les rues, moins il y a de VIH. Et, moins de personnes transgenres seront obligées de se prostituer pour vivre. Il faut souligner qu’en Haïti, lorsqu’on est transgenre, il est difficile de trouver un travail décent pour survivre. Soit on se prostitue, soit on essaie de créer une activité génératrice de revenu, ce qui souvent n’est pas facile à mettre sur pied.

Kay Trans Ayiti est un espace où les personnes transgenres peuvent venir chercher de l’assistance pour faire face aux problèmes de la vie. Nous les hébergeons, nous les nourrissons et nous les assistons psychologiquement, afin de les aider à surmonter les étapes douloureuses et difficiles endurées dans le passé.

Semi Alisha Fermond (à gauche) visite un marché à Port-au-Prince
PNUD Haiti
Semi Alisha Fermond (à gauche) visite un marché à Port-au-Prince

En Haïti, il n'existe pas réellement de lois protégeant les personnes transgenres qui font souvent face à des situations difficiles. À titre illustratif, je suis une femme trans très active et pourtant, du point de vu légal, je ne suis toujours pas en mesure d’apporter des changements dans mes documents officiels. De fait, le sexe masculin y figure encore. Présentement, dans le cadre d’un contrôle de sécurité routinier, en montrant ma pièce d'identité à la police, et surtout parce que je m’habille en femme, il n’est pas à écarter que je sois l’objet de discrimination. Certains agents de police pourraient même me frapper pour mon apparence. 

Je pense que cette démarche de visibilité va aider grandement les gens qui ont tendance à nous juger et qui ne comprennent rien à la communauté trans. Nous ne devons pas trop les juger parce qu'effectivement, ils ne savent pas qui nous sommes et ne comprennent pas notre réalité.

Quoique l’on dise et bien que la société haïtienne te définisse par rapport à ton sexe, je suis une femme. Dès lors que tu as un sexe mâle, on dit que tu es un homme. Dès lors que tu as un autre sexe, tu es une femme. Et pourtant, cela n’a jamais été mon cas, puisque je me suis toujours sentie femme malgré mon sexe mâle. Je me rappelle lorsque j’étais enfant, je n’aimais pas sortir de chez moi pour aller à l'école. Je restais toujours toute seule. C’est comme si j’étais constamment coincée dans la peau d’une autre personne.

Étant jeune et consciente de ma réalité, j’avais décidé d’expliquer à mes parents mon ressenti, tout en leur avouant qui j’étais réellement. Même si cela fut un choc pour eux au tout début, ils ont fini par m’accepter pleinement. En ce sens, je suis fière d'avoir pu compter sur leur appui. Chez moi, on me voit en tant que femme. Ma mère m'appelle « ma fille » et ma grande sœur m’appelle « sista ». Et toute ma famille, au sens large, me voit comme une femme.

J'ai ce grand rêve de me voir transitionner. Je ne veux pas mourir dans ce corps et avec ce sexe. Non. À ma mort, je souhaite que lorsqu’on me voit dans mon cercueil on dise « Waouh !! C'est une belle femme ! » et que l'on oublie mon sexe masculin. Ce rêve de réaliser cette transition enlève toutes mes peurs.

Je ne vais pas rester en Haïti car je ne peux pas transitionner ici. S'il y avait des services adaptés en Haïti, j'aurais pu y rester pour mener la lutte. Mais, je dois d'abord partir… je dois penser à moi. Après ma transition, je vais revenir en Haïti pour continuer ce combat, afin que la communauté trans puisse avoir ce qu'elle mérite. 

J’ai cette force et je suis très fière d’être engagée dans cette lutte. Je ne souhaiterais à aucun enfant de vivre tout ce que j'ai vécu avant ».