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Une jeune fille et une femme passent devant des bâtiments détruits dans la ville de Maarat al-Numaan à Idlib, en Syrie.

Condamnation d’un ex-haut gradé syrien en Allemagne : l’ONU salue un verdict historique

UNICEF/Giovanni Diffidenti
Une jeune fille et une femme passent devant des bâtiments détruits dans la ville de Maarat al-Numaan à Idlib, en Syrie.

Condamnation d’un ex-haut gradé syrien en Allemagne : l’ONU salue un verdict historique

Droit et prévention du crime

La condamnation à perpétuité d’un ancien colonel des renseignements syriens pour crimes contre l’humanité jeudi en Allemagne est historique et donne un élan à la justice internationale, s’est félicitée la cheffe des droits de l’homme de l’ONU jeudi.

La Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme a salué un jugement, qui constitue « une avancée décisive dans la recherche de la vérité, de la justice et des réparations pour les graves violations des droits de l’homme perpétrées en Syrie depuis plus d’une décennie ».

Cette sentence « sert de puissante dissuasion et va aider à prévenir de futures atrocités », a déclaré, dans un communiqué, Michelle Bachelet, à l’issue de ce premier procès.

La Haute Cour régionale de Coblence (ouest de l’Allemagne) a reconnu coupable Anwar Raslan, 58 ans, de la mort et de la torture de prisonniers dans un centre de détention secret du pouvoir à Damas, entre 2011 et 2012. Les juges ont retenu la culpabilité de l’ex-haut gradé pour le meurtre de 27 personnes dans le centre de détention d’Al-Khatib, dit aussi branche 251.

D'autres procès attendus en Autriche, France, Hongrie, Pays-Bas, Suède ou en Suisse

Pour l’ONU, ce procès a jeté un nouveau coup de projecteur « sur les tortures écœurantes, les traitements cruels et véritablement inhumains - y compris les violences sexuelles abjectes - auxquels d’innombrables Syriens ont été soumis dans les centres de détention ». « Le verdict d’aujourd’hui devrait servir à stimuler tous les efforts visant à élargir le filet de reddition des comptes pour tous les auteurs des crimes innommables qui ont caractérisé ce conflit brutal », a affirmé Mme Bachelet.

Selon elle, il s’agit d’un exemple clair de la manière dont les tribunaux nationaux peuvent et doivent combler les lacunes en matière de reddition des comptes pour de tels crimes, où qu’ils aient été commis, par le biais d’enquêtes et de procès équitables et indépendants.

Mme Bachelet a exhorté les autres États à prendre en charge les enquêtes et les poursuites relatives aux violations graves des droits de l’homme qui constituent des crimes internationaux en utilisant les principes de compétence universelle et d’extraterritorialité.

En attendant, il y a eu plusieurs affaires pénales et civiles contre d’anciens fonctionnaires et membres de groupes armés non étatiques accusés de crimes en Allemagne et dans d’autres juridictions, notamment en Autriche, en France, en Hongrie, en Suède, en Suisse et aux Pays-Bas, entre autres. Selon l’ONU, plusieurs autres procédures sont en cours devant les tribunaux nationaux. 

« Où que vous soyez et quel que soit votre rang, vous répondrez tôt ou tard »

Cette condamnation est aussi une mise en garde contre les autorités nationales. « Où que vous soyez et quel que soit votre rang, si vous commettez des actes de torture ou d’autres violations graves des droits de l’homme, vous devrez en répondre tôt ou tard, dans votre pays ou à l’étranger », a prévenu Mme Bachelet.

Par ailleurs, la cheffe des droits de l’homme de l’ONU a rendu hommage aux victimes, à leurs familles et aux organisations de la société civile qui persistent dans leur demande de justice face à des obstacles considérables. Elle a également salué le rôle du Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie, ainsi que de la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies sur la Syrie, dont le soutien aux juridictions nationales facilite les processus de responsabilisation, rendant justice aux victimes et aux survivants.

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De son côté, la Commission d’enquête internationale sur la Syrie a également salué un verdict « historique ». « Des verdicts tels que celui aujourd’hui représentent un progrès indispensable pour rendre justice aux victimes et aux survivants des crimes de guerre en Syrie - malgré le fait que les voies de la reddition des comptes restent réduites en Syrie et au Conseil de sécurité de l’ONU », a déclaré Paulo Sergio Pinheiro, Président de la Commission.

La Commission d’enquête de l’ONU rappelle que les crimes se poursuivent en Syrie

« Des résultats tels que ceux d’aujourd’hui ne seraient pas possibles sans les efforts inlassables des associations de victimes et de familles », a affirmé Hanny Megally, membre de la Commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie. « Si les États membres veulent obtenir justice pour les Syriens, c’est la participation significative de ces voix syriennes qui doit être soutenue ».

La Commission a ainsi noté que les efforts visant à tenir les principaux responsables de ces crimes doivent se poursuivre. Les États doivent soutenir ces efforts en veillant à ce que des ressources financières et autres suffisantes et des cadres législatifs soient en place.

Toutefois, la Commission d’enquête sur la Syrie rappelle que la torture, les mauvais traitements, les viols, les disparitions forcées et les actes assimilables à des disparitions forcées se poursuivent en Syrie, comme en témoignent plus de 20 rapports de mandats réguliers et 13 rapports thématiques, y compris son dernier rapport axé sur la détention en mars 2021. En outre, elle estime que plus de 100.000 personnes sont toujours portées disparues en raison du conflit syrien.   

« L’impact du résultat d’aujourd’hui est énorme, mais nous ne devons pas oublier que le conflit et la crise en Syrie sont loin d’être terminés », a fait valoir une autre membre du panel onusien, Lynn Welchman. « En ce moment même, en Syrie, des victimes de torture et de disparition croupissent au secret dans tout le pays, et d’innombrables Syriens attendent toujours des nouvelles de leurs proches ».