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Syrie : après dix ans de conflit, la vérité et la justice sont plus que jamais nécessaires (Michelle Bachelet)

Une jeune fille dans une tente d'un camp de Syriens déplacés dans le nord d'Idlib, en Syrie.
© UNICEF/Omar Albam
Une jeune fille dans une tente d'un camp de Syriens déplacés dans le nord d'Idlib, en Syrie.

Syrie : après dix ans de conflit, la vérité et la justice sont plus que jamais nécessaires (Michelle Bachelet)

Droits de l'homme

Alors que la Syrie entre dans sa onzième année de violence et de conflit, la recherche de la vérité, de la justice et des réparations pour les victimes doit non seulement continuer, mais aussi s’accélérer, a affirmé jeudi, Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. 

« La violence qui a dégénéré en conflit armé a fait des centaines de milliers de morts parmi les Syriens, a conduit de nombreuses familles syriennes à déployer des efforts considérables pour établir la vérité sur ce qui est arrivé à leurs proches », a déclaré Mme Bachelet. 

A ce sujet, la récente condamnation d’un ancien agent de renseignements syrien par un tribunal allemand pour complicité de crimes contre l’humanité est un pas important en faveur de la justice, a déclaré la cheffe des droits de l’homme de l’ONU.

Cette décision fait suite à une série de jugements pénaux rendus ces dernières années par des tribunaux nationaux en dehors de la Syrie sur des actes criminels graves commis au cours des dix dernières années de conflit.  

Plusieurs dizaines de milliers de personnes disparues

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« Malgré les tentatives répétées de renvoyer la situation en Syrie à la Cour pénale internationale, ces efforts n’ont pas abouti, c’est pourquoi il est essentiel que les tribunaux nationaux continuent de mener des procès équitables, publics et transparents et de combler les lacunes en matière d’établissement des responsabilités pour ces crimes graves. Ces jugements devraient être accompagnés d’autres initiatives permettant aux victimes d’exercer leurs droits, y compris les droits à la vérité et aux réparations », a indiqué Mme Bachelet.

Elle s’est également jointe à l’appel lancé en faveur de la création d’un mécanisme indépendant doté d’un mandat international chargé de faire la lumière sur le sort des personnes disparues et le lieu où elles se trouvent, d’identifier les restes humains et d’apporter un soutien à leurs familles. 

« À l’heure où nous franchissons cette étape tragique, j’invite également toutes les parties au conflit, de même que les États qui ont une influence sur elles, à mettre fin aux détentions arbitraires et aux disparitions forcées, et à veiller à ce que les personnes détenues arbitrairement soient immédiatement libérées », a-t-elle souligné. 

Pour l’ONU, il est difficile d’établir précisément le nombre d’hommes, de femmes et d’enfants disparus, mais selon les estimations, ce chiffre pourrait atteindre plusieurs dizaines de milliers.

Parmi les personnes disparues figurent celles victimes de disparition forcée et détenues dans des établissements officiels ou improvisés gérés par les forces gouvernementales dans toute la Syrie, ainsi que les victimes de détention et de disparition forcée par des groupes armés non étatiques.

Pour une volonté politique des Etats sur la question des personnes disparues

La grande majorité des victimes étant des hommes, la vie quotidienne des familles peut devenir un véritable combat. 

« Certains individus prennent également ces familles pour cible en proposant de fournir des informations sur leurs proches ou d’obtenir leur libération contre de l’argent », a-t-elle fait valoir, insistant sur cette « infraction continue, qui a des effets dévastateurs sur l’individu dont on ignore le sort et le long traumatisme » chez les proches.

Dans ces conditions, la cheffe des droits de l’homme de l’ONU demande au gouvernement syrien de communiquer tous les lieux de détention, officiels ou non, de fournir les listes complètes de noms et d’enregistrer officiellement tous ceux détenus dans ces lieux. 

« Si une personne est décédée, sa dépouille ou ses restes doivent être rendus à la famille, conformément au droit international et dans le plus grand respect du défunt et de ses proches », a-t-elle fait remarquer.

Damas doit « veiller à ce que les auteurs de ces infractions soient tenus responsables, notamment à travers des poursuites pénales », a conclu Mme Bachelet, exhortant également « les États à garantir une véritable volonté politique de traiter la question des personnes disparues, notamment dans le cadre des efforts visant à régler et à résoudre le conflit syrien ».