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Qatar : des experts de l’ONU saluent des réformes du travail et l’amélioration des droits des migrants

Doha, la capitale du Qatar
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Doha, la capitale du Qatar

Qatar : des experts de l’ONU saluent des réformes du travail et l’amélioration des droits des migrants

Droits de l'homme

Les nouvelles lois qui viennent d’être adoptées au Qatar devraient certainement démanteler « le système restrictif de parrainage » de la main-d’œuvre dénommé « kafala » et protéger ainsi les travailleurs migrants contre l’exploitation, si elles sont effectivement appliquées, ont déclaré jeudi deux experts indépendants des droits de l’homme des Nations Unies.

Le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, Tomoya Obokata, et le Rapporteur spécial sur les droits des migrants, Felipe Gonzalez Morales, se disent très encouragés « par les mesures audacieuses » prises par le Qatar pour renforcer la protection des droits des travailleurs migrants.

Selon ces deux Rapporteurs spéciaux, cette nouvelle législation permet de « garantir des conditions de vie et de travail adéquates pour tous ».

Le Qatar a promulgué plusieurs réformes de son droit du travail, dont une hausse du salaire minimum mensuel et une procédure de changement d’employeur simplifiée, avait annoncé dimanche dernier le ministère qatari du Travail.

« Si la nouvelle loi est appliquée efficacement, la liberté accrue des travailleurs de changer d’emploi leur permettra d’échapper plus facilement aux conditions de travail abusives et d’exploitation », ont déclaré les experts.

Salaire minimum et abolition du certificat de « non-objection »

Annoncées en octobre 2019, les nouvelles réformes abolissent l’obligation pour les travailleurs d’obtenir un certificat de « non-objection » de leur employeur pour changer d’emploi. Ces mesures, promulguées le 30 août 2020 (loi n° 18 de 2020 et loi n° 17 de 2020), exigent également que tous les travailleurs, y compris les employés de maison, perçoivent un salaire d’au moins 1.000 riyals (environ 275 dollars) par mois pour un travail à plein temps.

Guy Ryder, le Directeur général de l'Organisation internationale du travail (photo d'archives).
Photo OIT/Crozet/Pouteau
Guy Ryder, le Directeur général de l'Organisation internationale du travail (photo d'archives).

 

En plus de l’augmentation du salaire minimum pour tous, les employeurs sont tenus de fournir aux travailleurs un logement et une nourriture adéquats ou de leur verser des allocations pour couvrir ces dépenses. Et pour les deux experts indépendants onusiens, l’introduction d’un salaire minimum non discriminatoire est « une avancée importante ».

Car il s’applique également aux travailleurs domestiques qui n’avaient pas bénéficié des réformes précédentes prises par Doha.

« Le nouveau salaire minimum augmentera le revenu des travailleurs les moins bien payés, mais il devrait être régulièrement révisé et progressivement augmenté pour garantir des conditions de travail et de vie décentes pour tous », ont-ils fait valoir.

Plus largement, les Experts onusiens appellent le gouvernement du Qatar à supprimer le dernier pilier de ce système, en abolissant « l’accusation de fuite » et en demandant des comptes aux employeurs qui facturent des frais de recrutement illégaux. Un dispositif qui laisse « de nombreux travailleurs migrants en situation de servitude pour dettes ».

Les Experts indépendants onusiens encouragent également Doha à mettre en œuvre efficacement et pleinement les nouvelles lois dès leur entrée en vigueur en édictant des sanctions strictes. Il s’agit notamment de renforcer la capacité et la fréquence des inspections.

L’OIT avait salué vendredi dernier une « avancée historique »

Ils prônent également une amélioration de l’identification des violations afin « de mettre fin à l’exploitation des travailleurs migrants une fois pour toutes ». « Par ces réformes, et en supprimant l’obligation de permis de sortie pour la plupart des travailleurs en janvier de cette année, le gouvernement du Qatar a techniquement mis fin au système de parrainage de la "kafala" », ont déclaré les experts.

Le Qatar a tenu un engagement - Guy Ryder, Directeur général de l’OIT

Toutefois, la pandémie de covid-19 a exacerbé les vulnérabilités structurelles et les abus facilités par l’extrême dépendance des travailleurs migrants vis-à-vis de leurs employeurs, combinée à des lacunes en matière de protection qui ont permis à ces abus de persister grâce au système de parrainage « kafala ». Dans ces conditions, les Experts onusiens estiment que ces mesures sont particulièrement importantes dans le contexte actuel du coronavirus, « car des efforts supplémentaires sont nécessaires pour s’assurer que les travailleurs migrants ne sont pas laissés pour compte ».

A noter que l’Organisation internationale du travail (OIT) des Nations unies avait salué vendredi dernier une « avancée historique ».

« Le Qatar a tenu un engagement. Un engagement qui donnera aux travailleurs plus de liberté et de protection, et aux employeurs plus de choix », avait déclaré le directeur général de l’Agence onusienne, Guy Ryder.

NOTE : 

Les Rapporteurs spéciaux font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand organe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit des situations nationales spécifiques, soit des questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire. Ils ne font pas partie du personnel des Nations Unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et servent à titre individuel.