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Un expert de l’ONU appelle le Niger à mettre les droits humains au centre de ses politiques migratoires

Un jeune homme attend dans un centre de transit de l'OIM à Agadez, au Niger (archives). Photo OIM 2016/Amanda Nero
Un jeune homme attend dans un centre de transit de l'OIM à Agadez, au Niger (archives). Photo OIM 2016/Amanda Nero

Un expert de l’ONU appelle le Niger à mettre les droits humains au centre de ses politiques migratoires

Migrants et réfugiés

Un expert des droits de l’homme des Nations Unies a exhorté jeudi le Niger à mettre les droits de l’homme au cœur de ses politiques migratoires et les partenaires internationaux à lui venir en aide dans la gestion des migrants.

A l’issue d’une mission de huit jours (1er-8 octobre) au Niger, le rapporteur spécial sur les droits humains des migrants, Felipe González Morales, a exhorté Niamey à adopter une politique nationale globale en matière de migration qui tienne compte des droits des migrants.

M. González Morales s’est dit préoccupé par « des témoignages d’enfants non accompagnés, de femmes et d’hommes qui ont été victimes et témoins d’atrocités inimaginables ». Ces derniers ont subi de mauvais traitements, des arrestations et détentions arbitraires, des violences sexuelles, des formes d’exploitation et d’esclavage, après avoir emprunté les routes migratoires.

« Les atrocités qu’ils ont subies devraient choquer la conscience de l’humanité », a déclaré le rapporteur spécial.

Le Niger est devenu « une frontière méridionale virtuelle de l’Europe »

Le Rapporteur spécial s’est déclaré préoccupé par la mise en œuvre au Niger de la loi de 2015 sur le trafic illicite de migrants, qui s’est traduite par une interdiction de facto des migrations vers le nord. « En dépit de son objectif déclaré de prévention et de lutte contre le trafic illicite de migrants, la mise en œuvre de la loi a entraîné la criminalisation de la migration », a dit M. Gonzalez Morales.

Selon l’expert onusien, les droits de l’homme doivent être une composante centrale des politiques migratoires et « ne peuvent uniquement reposer sur des considérations de sécurité ».

À la suite de lois, de politiques et d’accords migratoires adoptés par le Niger avec des pays tiers au cours des dernières années, « le Niger est devenu une frontière méridionale virtuelle de l’Europe ». « Alors que des comptes rendus et données officiels indiquent que la migration vers le nord a considérablement diminué, de nombreuses sources ont indiqué que les migrants avaient plutôt opté pour des routes plus dangereuses, plus longues et plus coûteuses », a déploré l’expert.

L’Algérie appelée à mettre fin aux expulsions collectives de migrants ouest-africains vers le Niger

Le rapporteur spécial a également appelé l’Algérie à mettre fin aux expulsions collectives de migrants nigériens et ouest-africains vers le Niger. Ils étaient respectivement plus de 12.000 et de 5.000 à avoir été refoulés depuis le sol algérien vers le territoire nigérien cette année.

M. González Morales a dénoncé les conditions de ces expulsions. « J’ai entendu des témoignages de femmes, d’hommes et d’enfants migrants qui ont été arrachés de chez eux au milieu de la nuit, arrêtés et détenus arbitrairement, battus et maltraités, transportés dans des camions et laissés à 15 kilomètres de la frontière avec le Niger », a dit l’expert. « Ces migrants sont contraints de marcher dans le désert, sans aucune aide de la part des autorités algériennes ou nigériennes, jusqu’au premier village nigérien situé à 20 km de la frontière ».

Pour le rapporteur spécial, « ces expulsions, qui sont effectuées sans aucune évaluation des risques individuels et sans garanties de procédure, sont illégales et doivent cesser immédiatement », appelant à la transparence des autorités nigériennes et algériennes à ce sujet.

M. González Morales a également noté avec préoccupation l’externalisation par Niamey de son assistance aux migrants ouest-africains expulsés d’Algérie vers l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), à condition que ces derniers souscrivent à un retour volontaire dans leur pays d’origine. « Le caractère volontaire de ces retours est discutable lorsque ces personnes migrantes ne bénéficient d’aucune autre assistance ou alternative au retour », a souligné l’expert, de nombreux migrants lui ont fait part « de leurs intentions de reprendre la route de la migration ».

Les partenaires internationaux doivent soutenir le Niger

Le rapporteur spécial a appelé les bailleurs de fonds internationaux à renforcer leur soutien au gouvernement nigérien dans le recentrage de sa stratégie de gestion des importants mouvements de migrants afin de créer un cadre conforme aux droits de l’homme.

« J’exhorte également l’Union Européenne et les autres pays de destination à partager leur responsabilité dans la gestion de la migration mondiale en encourageant des canaux de migration réguliers et sûrs et en augmentant les possibilités de réinstallation », a dit M. González Morales qui a félicité Niamey pour sa générosité et sa solidarité envers les réfugiés et les migrants en situation de vulnérabilité.

« Malgré sa pauvreté, ses capacités limitées et ses préoccupations en matière de sécurité liées aux pays voisins, le Niger, en accueillant ces personnes ayant besoin de protection, donne l’exemple à d’autres pays et régions du monde où des discours et des pratiques anti-migratoires et racistes prennent le dessus », a-t-il ajouté.

Depuis des décennies, le Niger est un pays d’origine, de transit et de destination sur la route migratoire transsaharienne. Des Africains originaires du Soudan, du Tchad, de la Libye, et du Mali traversent le territoire nigérien dans leurs périples migratoires.