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Darfour : le Procureur de la CPI appelle le Conseil de sécurité à agir face au génocide

Darfour : le Procureur de la CPI appelle le Conseil de sécurité à agir face au génocide

Luis Moreno-Ocampo.
Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, a affirmé mercredi devant le Conseil de sécurité de l'ONU que des crimes de génocide continuaient d'être perpétrés au Darfour (Soudan) et appelé le Conseil à agir sur la base des informations collectées par la CPI sur les liens entre l'extermination des communautés ethniques identifiées et les choix stratégiques des dirigeants soudanais.

« Les crimes contre l'humanité et de génocide continuent avec la même violence au Darfour. Les attaques aériennes contre des civils et les assassinats directs de membres des groupes ethniques Fours, Zaghawas et Masalits se poursuivent. Des villages continuent d'être directement visés, causant encore plus de déplacements. La plupart de ces groupes ethniques vivent maintenant dans des camps de déplacés. Des millions de ces déplacés sont aujourd'hui toujours victimes de viols, de la terreur et de conditions de vie difficiles qui ont pour objectif la destruction de leurs communautés, ce qui constitue un génocide », a expliqué M. Moreno-Ocampo devant les quinze membres du Conseil.

« Le mandat de la CPI consiste à mettre un terme à l'impunité afin de prévenir les futurs crimes. Nous partageons ce mandat avec le Conseil de sécurité, l'Unions africaine (UA) et le gouvernement du Soudan. L'efficacité de nos efforts communs va grandement dépendre de la manière dont nous partageons l'information entre nous », a expliqué le Procureur.

Il a rappelé aux membres du Conseil de sécurité que le travail de documentation avait été fait par la CPI qui a collecté des informations montrant que les crimes commis au Darfour sont la conséquence de décisions stratégiques de la part du gouvernement soudanais.

La CPI a lancé des mandats d'arrêts internationaux contre des hauts dirigeants du gouvernement soudanais notamment le Président soudanais, Omar Al Bachir, poursuivi pour crime de guerre et crimes contre l'humanité pour avoir mis en œuvre une politique génocidaire d'extermination depuis 2003 contre trois groupes ethniques : les Fours, les Zaghawas et les Massalits.

« Le Président Al Bachir a appris comment continuer à commettre des crimes en défiant l'autorité du Conseil de sécurité en ignorant la résolution 1593 et d'autres résolutions », a affirmé M. Moreno-Ocampo, soulignant que le Président soudanais et ses militants continuaient de nier leur responsabilité dans ces crimes et violations des droits humains.

Ils « attribuent les crimes à d'autres facteurs comme les affrontements tribaux, ils détournent l'attention en faisant la publicité des accords de cessez-le-feu qui sont violés aussitôt annoncés et enfin ils proposent la création de tribunaux spéciaux pour mener les enquêtes qui ne vont jamais commencer », a estimé le Procureur de la CPI.

Pour M. Moreno-Ocampo, le Président soudanais menace la communauté internationale en ce qu'il est parvenu « à transformer sa responsabilité criminelle en un outil de négociation », notamment avec l'expulsion des organisations humanitaires en mars 2009 qui a été le point d'orgue de sa stratégie.

« Le défi du Conseil de sécurité est de trouver davantage de preuves sur l'extermination des Fours, des Zaghawa et les Massalits ainsi que d'autres tribus considérées déloyales au régime, comme résultant d'une politique définie par les dirigeants du gouvernement du Soudan », a insisté le Procureur.

M. Moreno-Ocampo a estimé qu'il relevait de la responsabilité du Conseil de sécurité d'utiliser les informations de la CPI pour mettre un terme aux crimes au Darfour.

De son côté, l'Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Soudan, Mohamed Chande Othman, a également exprimé mercredi lors d'une conférence de presse à Khartoum, la capitale soudanaise, son inquiétude sur la situation des déplacés au Darfour. Il s'exprimait à l'issue d'une visite de plusieurs jours au Soudan.

« J'appelle le gouvernement et la communauté internationale à fournir une assistance humanitaire aux déplacés qui vivent dans des conditions précaires », a-t-il déclaré en soulignant que des affrontements avaient récemment éclaté dans la région du Jebel Marra entre les forces armées soudanaises et des groupes armés.

« L'escalade de la violence dans le Jebel Marra et au Nord Darfour a causé la mort de civils, la destruction de leurs maisons et de leurs biens et a provoqué encore davantage de déplacements de populations», a-t-il ajouté.

L'expert indépendant a salué les recommandations issues de la Conférence de Doha sur le Darfour, qui s'est déroulée fin mai au Qatar, notamment l'accord de cessez-le-feu, les mesures sécuritaires et les politiques de réconciliation et de compensation destinées au retour des populations déplacées.

« J'encourage toutes les parties à participer à ces négociations afin de résoudre le conflit et ramener la paix et la sécurité au Darfour à travers d'un accord de paix global », a-t-il conclu.

Environ 300.000 personnes sont décédées depuis le début du conflit au Darfour en 2003. Le conflit a provoqué le déplacement de plus de 2,7 millions de personnes qui vivent dans de camps.