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Soudan : Juan Mendez espère pouvoir bientôt rendre compte de la situation au Conseil de sécurité

Soudan : Juan Mendez espère pouvoir bientôt rendre compte de la situation au Conseil de sécurité

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Le Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide a présenté aujourd'hui, lors d'une conférence de presse, un bilan de ses visites en Côte d'Ivoire et au Soudan, exprimant l'espoir qu'il pourrait bientôt en rapporter directement les conclusions au Conseil de sécurité.

Juan Mendez, qui a été nommé Conseiller spécial pour la prévention du génocide il y a un an, rendait compte pour la première fois à New York de sa visite en Côte d'Ivoire, les 2 et 3 décembre derniers, et évoquait de nouveau sa visite au Darfour en septembre dernier.

Il a rappelé que son mandat n'était pas de déterminer si un génocide avait eu lieu ou s'il était en train de se dérouler mais de promouvoir la prise de mesures pour lutter contre le génocide.

image • Retransmission de la conférence de presse[35mins]

Malgré les appels lancés au gouvernement soudanais pour qu'il lutte contre l'impunité, « la situation est très décourageante », a déclaré Juan Mendez au siège de l'ONU.

« Les résultats du tribunal spécial mis en place par le Soudan sont très maigres », a-t-il déploré, affirmant que l'instant ce qu'il avait vu « justifiait plus qu'amplement le renvoi des crimes commis au Darfour à la Cour pénale internationale » (CPI).

Le Conseiller spécial s'est déclaré par ailleurs de nouveau déçu de ne pas avoir pu présenter un exposé au Conseil de sécurité, au retour de son voyage au Soudan, malgré la demande du Secrétaire général.

« Mon rapport est soumis au Conseil et il en a donc été saisi », a-t-il affirmé. « Mais c'est un recul pour le statut de mon Bureau, qui a été créé par le Conseil de sécurité, de ne pas pouvoir être entendu. Il serait dommage que la décision de m'entendre soit si discrétionnaire qu'elle en devienne irrégulière », a-t-il fait observer.

Le 11 octobre dernier, Juan Mendez avait déjà regretté, lors d'une conférence de presse après une visite au Darfour, que certains membres du Conseil de sécurité avaient refusé de l'écouter.

Le Conseiller spécial avait aussi alerté sur le fait que les populations n'étaient toujours pas à l'abri d'un génocide ou « d'un deuxième génocide » (voir notre dépêche du 11 octobre 2005).

A la question d'un journaliste qui s'interrogeait sur les actions concrètes sur le terrain à prendre, alors que le processus judiciaire prendra nécessairement du temps, Juan Mendez a rappelé que le gouvernement du Soudan n'avait « pas le choix de coopérer avec la CPI ou non », ainsi que l'avait décidé le Conseil de sécurité au titre du chapitre VII de la Charte, en renvoyant les crimes commis au Darfour à la CPI.

Interrogé sur les déclarations de l'organisation non gouvernementale Human Rights Watch, qui demande à ce que le président soudanais et d'autres membres du gouvernement soient jugés pour crimes contre l'humanité, le Conseiller spécial a indiqué qu'il prenait en compte ce genre d'appel dans ses travaux mais que son propre rôle n'était pas d'identifier les responsables, ce qui revenait à la CPI.

Lors d'un exposé au Conseil de sécurité le 13 décembre dernier, Luis Moreno Ocampo, Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), avait exigé l'entière coopération de tous les pays de l'Union africaine (UA) et une collaboration supplémentaire du gouvernement du Soudan, dans son enquête sur les crimes commis au Darfour depuis le 1er juillet 2002 (voir notre dépêche du 13 décembre 2005).

Pour ce qui concerne la Côte d'Ivoire, « la situation est très tendue », a réaffirmé Juan Mendez, qui a précisé que son rapport, entre les mains du Secrétaire général, « devrait être rendu public rapidement ».

Le Conseiller spécial a effectué une visite en Côte d'Ivoire les 2 et 3 décembre dernier (voir notre dépêche du 5 décembre 2005 sur sa visite en Côte d'Ivoire).

A Abidjan, j'avais souligné la tension perceptible, à cause de la presse qui distille la haine et qui publie des informations fausses qui génèrent la peur et la méfiance, a dit l'Expert de l'ONU.

Juan Mendez a aussi rappelé que les milices n'avaient pas été désarmées. « La nomination du nouveau Premier ministre est bienvenue et j'espère que cela accélèrera le désarmement », a-t-il déclaré.

« L'interruption de la scolarité risque aussi d'accroître le nombre de jeunes prêts à se rebeller », a-t-il ajouté.

Juan Mendez a indiqué avoir parlé à certains membres du gouvernement, dont plusieurs ministres et aux chefs des Forces nouvelles. « Malgré une réduction des violations du cessez-le-feu, il suffira d'un rien pour que reprennent les tensions ethniques », a conclu le Conseiller spécial pour la prévention du génocide.

Le Conseil de sécurité a prorogé hier pour un an le dispositifs de sanctions individuelles, appelant une nouvelle fois les autorités à sanctionner les médias de la haine (voir notre dépêche du 15 décembre 2005).