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Risques d'explosion de la situation au Darfour, selon l'envoyé de l'ONU

Risques d'explosion de la situation au Darfour, selon l'envoyé de l'ONU

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A deux jours de la présentation de son rapport devant le Conseil de sécurité, Jan Pronk, le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan, confirme la dégradation de la situation sécuritaire au Darfour, notamment du fait des rebelles, et met en avant les risques d'explosion générés par le transfert imposé des personnes déplacées par les forces gouvernementales.

« Nous avons eu des discussions difficiles, ces deux dernières semaines, sur la mise en oeuvre de l'Accord avec le Gouvernement [du Soudan] concernant les retours « non volontaires » des personnes déplacées », a indiqué le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan, prenant la parole aujourd'hui à la sortie de consultations à huis clos du Conseil de sécurité.

Jan Pronk a indiqué qu'il ne pouvait s'exprimer que sur la question des personnes déplacées dans la mesure où il devait encore faire un point général sur la situation dans le pays devant le Conseil de sécurité, jeudi prochain. Il a également indiqué avoir présenté son propre rapport à Kofi Annan aujourd'hui.

Selon lui, malgré les promesses du gouvernement soudanais concernant le caractère volontaire des retours, on constate de plus en plus souvent qu'il est fait « pression sur les personnes déplacées pour qu'elles rentrent dans leurs foyers ».

Dans l'intervalle, a-t-il précisé, des mémorandums d'accord ont été mis au point pour organiser le retour des personnes déplacées, sur la base du droit international humanitaire.

Jan Pronk a ajouté que ces retours s'effectuaient aussi dans le cadre spécifique mis en place par l'ONU. Le 26 octobre dernier, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), se voyait confier la gestion du retour volontaire des personnes déplacées à l'intérieur du territoire du Darfour (voir notre dépêche du 26 octobre 2004).

Or, malgré ces accords, Jan Pronk a cité le cas d'environ un millier de personnes déplacées du camp d'Al Geer, dans la région de Nyala « réveillées au milieu de la nuit » et sommées d'aller s'installer à Sherif.

Sur les quelque 30 000 personnes vivant à Nyala en ce moment, 8 000 sont des membres de la population locale, a-t-il précisé. Les motifs qui poussent au choix de cet endroit par le gouvernement soudanais ne sont donc pas dénués de raison, a noté Jan Pronk, mais la relocalisation doit se faire selon les procédures établies, au lieu d'une « méthode inappropriée, non volontaire ».

« Tout cela constitue une violation flagrante du droit international humanitaire » a déclaré le Représentant spécial de Kofi Annan, qui a souligné que c'était « c'est aussi une violation flagrante des accords établis avec le Gouvernement sur les modalités de retour » et de la promesse de coopérer avec les agences humanitaires.

« Cela doit cesser » a déclaré Jan Pronk qui a ajouté qu'il fallait aussi défaire ce qui avait fait et ramener les gens d'où on les a forcés de partir. M. Pronk a déclaré qu'il s'attendait ainsi à de vigoureuses déclarations de l'Union européenne et des Etats-Unis pour exprimer leur préoccupation.

Par ailleurs, le Représentant spécial a indiqué que les départs de Nyala avait été en partie stoppés, non pas du fait du Gouvernement, mais à cause des « protestations des personnes déplacées, qui ont été jusqu'à jeter des pierres pour se protéger ».

« J'ai très peur que de telles situations explosent », si les forces gouvernementales réagissent violemment avec des pertes irréversibles en vies humaines, a souligné Jan Pronk qui a estimé que « le Gouvernement devrait agir de façon plus sage qu'il ne le fait » et que les réfugiés avaient « le droit de résister ».

En outre, malgré les « nombreux reproches formulés à l'encontre du gouvernement », « la fourniture de l'aide humanitaire à la population est entravée, de plus en plus, par les rebelles », a rappelé le Représentant spécial, précisant qu'ils coupaient les routes, arrêtaient les transports de nourriture, et qu'ils créaient une situation de plus en plus dangereuse.

A l'égard des poseurs de mines, « manifestement des professionnels qui n'appartenaient pas au gouvernement », Jan Pronk a déclaré qu'il ne pouvait continuer à faire venir de jeunes gens, de Paris, de Londres et d'ailleurs, pour aider la population dans le besoin au Darfour, s'ils devaient être attaqués par les gens en faveur desquels ils consacrent leurs efforts.

Le 10 octobre dernier, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) avait annoncé que le véhicule de l'ONG Save the Children avait été détruit par une mine anti-tank dans le Nord Darfour, causant la mort de deux membres de l'organisation et en blessant un troisième (voir notre dépêche du 10 octobre).

« Les poseurs de mines sont des criminels », a-t-il déclaré, ajoutant qu'il s'agissait de meurtres anonymes et d'actes « lâches ».

A la question de savoir si le fait qu'il ait prononcé une telle déclaration à Khartoum n'était pas de nature à encourager le Gouvernement à agir de la façon qu'il l'avait fait, Jan Pronk a fermement répondu que s'il suivait ce raisonnement, « il ne lui restait plus qu'à rester silencieux pour ne pas encourager l'autre partie ». « Chaque fois qu'un acte est contraire au droit international, ou aux accords conclus, il faut le dire et en assurer le suivi politique, diplomatique, ou autre », a-t-il déclaré.

S'il existe une forte pression de la communauté internationale, d'une façon non équivoque, les autorités écouteront, a conclut Jan Pronk, ajoutant que les actions sur le terrain se déroulent parfois avec l'autorisation de Khartoum et parfois non.