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Libéria : une experte de l'ONU tire la sonnette d'alarme

Libéria : une experte de l'ONU tire la sonnette d'alarme

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L'Experte indépendante pour le Libéria, a lancé un appel aujourd'hui au Siège de l'ONU à New York pour que les 500 millions de dollars promis dans « l'euphorie » de la Conférence des donateurs pour le Libéria, se concrétisent sous forme d'espèces sonnantes et trébuchantes, prévenant que dans le cas inverse, le processus de paix pourrait s'en trouver menacé.

« Il n'y plus d'écoles aujourd'hui au Libéria et celles qui fonctionnent sont privées. Il n'y que cinq hôpitaux en tout et pour tout au Libéria, trois d'entre eux se trouvent à Monrovia et sont privés ce qui veut dire que le Libérien moyen ne peut s'offrir de s'y faire soigner ». L'experte indépendante pour le Libéria de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, Charlotte Abaka, a brossé aujourd'hui, devant quelques représentants de la presse, un tableau alarmant de la situation au Libéria vue du point de vue social, économique et culturel.

Après avoir été membre du CEDAW (Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes) pendant 12 ans dont deux en tant que Présidente du Comité, elle a été nommé à son poste actuel et a séjourné au Libéria du 23 mai au 13 juin derniers.

Elle a indiqué aujourd'hui y avoir rencontré une grande variété de Libériens, de l'homme de la rue aux représentants du Gouvernement intérimaire ainsi que des membres du personnel de l'ONU dont ceux de la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL).

En dépit des améliorations liées au déploiement de la MINUL, elle a mis l'accent sur un certain nombre d'inquiétudes « qu'il importait de régler si l'on voulait que la mise en œuvre des accords de paix soit un succès, non seulement du point de vue électoral, mais en réussissant à établir un système sociétal au Libéria qui perdure une fois que la MINUL ne serait plus là. »

Indiquant que sa présence à New York avait pour objectif de faire le point de façon officieuse auprès du Conseil de sécurité sur la situation au Libéria, elle a insisté sur la nécessité de doter le pays d'institutions solides capables de protéger les civils contre les violations aux droits de l'homme, « la principale d'entre elles étant une force de police nationale », a précisé Mme Abaka.

« Les accords de paix d'Accra prévoient la restructuration de la police nationale mais celle-ci étant financée par des dons internationaux, elle est, de ce fait, sérieusement remise en cause par des contraintes financières », a-t-elle ajouté.

En effet, « passée l'euphorie de la Conférence des donateurs à Washington en février, au cours de laquelle la communauté internationale a promis plus de 500 millions de dollars pour la reconstruction du Libéria, la concrétisation de ces promesses est insuffisante au point que nombre des programmes de reconstruction sont au point mort ou évoluent très lentement faute de financement », a poursuivi Mme Abaka.

Elle a affirmé que si des programmes accélérés n'étaient pas mis en place pour créer des institutions durables de protection, il serait extrêmement difficile de tenir des élections libres et équitables au Libéria en octobre 2005 comme prévu.

L'experte de la Commission des droits de l'homme a insisté sur l'importance que revêtait le bon fonctionnement du système judiciaire. Or, a-t-elle indiqué, les choses en sont au point au Libéria où des criminels présumés doivent être relâchés après deux jours parce qu'ils ne peuvent pas être mis en accusation. Cela crée bien entendu un sentiment important d'insécurité avec les conséquences en termes de violations des droits de l'homme que l'on peut imaginer. »

Elle a également attiré l'attention sur les problèmes que rencontrait le programme de désarmement et de réintégration et la trop longue période qui s'écoulait entre les deux phases, insistant sur les conséquences dangereuses que cela pouvait avoir.

« Il importe de donner une formation aux anciens combattants qui, s'ils restent oisifs, vont se regrouper et risquent de déstabiliser le Libéria mais à partir de la région en traversant la frontière pour se rendre en Côte d'Ivoire où la situation est instable et où ils peuvent s'impliquer à nouveau dans un conflit », a-t-elle fait observer.

Elle a jugé également inopportun de verser les sommes prévues dans le cadre de la démobilisation-réintégration - 300 dollars dont la moitié est versée après la démobilisation – aux enfant soldats, estimant que cet argent serait mieux utilisé dans des investissements communautaires. « Il n'y a aucune garantie que les enfants reçoivent cet argent qui est versé à leurs parents ou à leurs gardiens. Il vaudrait beaucoup mieux qu'il soit versé dans un Fonds qui finance la création d'écoles », a-t-elle indiqué.

Les dissensions qui se font jour au sein de l'une des principales factions rebelles, le LURD (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie), plus précisément entre son chef et ses anciens lieutenants, sont une autre source d'inquiétude, a ajouté Mme Abaka. Cela a pour conséquence qu'une partie du LURD affirme maintenant que le Ministre des Finances, un portefeuille affecté à un membre du LURD, n'est plus en réalité un membre de ce mouvement.

Mme Abaka a lancé un appel spécial à la communauté internationale pour qu'elle prête attention aux problèmes du Libéria et qu'elle honore ses promesses. A l'heure actuelle, sur les 500 millions promis, 60 à 70 millions ont été réellement versés.