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La lutte des problèmes de l'Afrique de l'Ouest passe, selon Kofi Annan, par un rôle accru des pays de la région et une plus grande réactivité de la communauté internationale

La lutte des problèmes de l'Afrique de l'Ouest passe, selon Kofi Annan, par un rôle accru des pays de la région et une plus grande réactivité de la communauté internationale

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« L'utilisation accrue et la prolifération des mercenaires, des enfants soldats et des armes légères sont les principales causes de l'instabilité dans la sous région de l'Afrique de l'Ouest » mais ce ne sont pas les seules, indique le Secrétaire général de l'ONU qui recommande dans son dernier rapport à la Communauté des pays de la région d'accentuer son rôle et à la communauté internationale de ne pas attendre que les problèmes dégénèrent avant d'intervenir. »

Dans son dernier rapport sur la façon de combattre les problèmes sous-régionaux, Kofi Annan en établit la longue liste qui va de la culture de l'impunité à la propagation du VIH/sida, en passant par la prolifération des barrages routiers, le chômage des jeunes, les séquelles de la guerre, les mouvements massifs de réfugiés et autres déplacements forcés, l'exploitation inéquitable et illicite des ressources naturelles, la faiblesse des institutions nationales et les violations des droits de l'homme.

Ces problèmes transfrontaliers sont liés entre eux et sont aggravés, en particulier, par la mauvaise gestion des affaires publiques dans de nombreuses parties de l'Afrique de l'Ouest, souligne le Secrétaire général qui estime « qu'aucun d'entre eux ne peut être résolu au niveau national uniquement. »

Kofi Annan recommande, entre autres mesures, à la CEDEAO (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) d'assumer un rôle accru et l'encourage à renforcer ses quatre zones d'observation et de surveillance de façon à réunir le plus grand nombre possible d'informations sur ces problèmes transfrontaliers.

Des échanges d'informations spéciaux devraient être autorisés entre la Zone d'observation de surveillance de Monrovia (qui couvre les pays membres de l'Union du Fleuve Mano ou UFM), la Zone d'observation et de surveillance de Ouagadougou (qui couvre la Côte d'Ivoire), l'UFM, le Programme de coordination et d'assistance pour la sécurité et le développement (PCASED) et Interpol, suggère-t-il.

Le Secrétaire général rappelle que les chefs d'État et de gouvernement de la CEDEAO ont déclaré en 1998 un Moratoire sur l'importation, l'exportation et la fabrication d'armes légères en Afrique de l'Ouest qui constitue la principale structure d'appui aux efforts régionaux de lutte contre les armes légères.

Conçu à l'origine comme une mesure politique volontaire de contrôle des armements, le Moratoire s'est heurté à un certain nombre d'obstacles, que Kofi Annan énumère et auxquels il propose de remédier en suggérant aux États membres de la CEDEAO d'adopter, avant l'expiration de la période du Moratoire actuel en 2004, un instrument juridiquement contraignant qui inclurait une disposition interdisant aux mercenaires d'opérer directement ou indirectement dans les pays membres de la Communauté.

Le Secrétaire général insiste également sur l'importance que revêt le processus de Désarmement-réintégration et conseille de s'inspirer des programmes menés au Mali et en Sierra Leone « étant donné les succès enregistrés à ce jour » dans ces pays.

« Nommer et faire honte », la dénonciation publique de ceux qui enfreignent le droit international et les normes humanitaires est l'un des rares moyens dont dispose la communauté internationale, indique Kofi Annan qui rappelle que dans son rapport du 26 novembre 2002, il avait dénoncé les gouvernements et les parties au conflit qui recrutaient ou utilisaient des enfants soldats.

Le Gouvernement libérien de l'époque et les Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD) figuraient sur cette liste. La pratique n'a pas cessé pour autant, admet Kofi Annan. En fait, il apparaît de plus en plus que d'autres parties au conflit en Afrique de l'Ouest s'y livrent également.

Il recommande cependant que l'ONU, l'Union africaine et à la CEDEAO, ainsi que les partenaires de la société civile rassemblent tous les éléments de preuve disponibles et encourage les deux organisations, l'UA et la CEDEAO, à « mener une campagne plus dynamique de dénonciation publique pour compléter les mécanismes de surveillance existants, bien souvent inefficaces. »

Des pressions concertées, y compris des sanctions internationales, devraient être exercées au plus haut niveau sur les parties au conflit, les États aussi bien que les autres entités, qui recrutent des mercenaires et des enfants soldats, estime le Secrétaire général.

La prolifération des armes légères ne tient pas seulement à une mauvaise gouvernance en Afrique de l'Ouest, source de conflits, et à la persistance de la demande d'armes légères, fait-il par ailleurs remarquer. L'offre est un autre facteur important de ce phénomène qui a fait tant de ravages dans la sous-région.

« Plusieurs parties sans scrupules ont délibérément joué le rôle de marchands de mort », souligne Kofi Annan qui recommande aux gouvernements des pays exportateurs d'armes légères d'exiger des fabricants, entre autres dispositions, qu'ils frappent rigoureusement un numéro de série indélébile sur toutes les armes afin d'améliorer leur traçabilité.

« Si la communauté régionale et internationale cherchent sincèrement à s'attaquer aux fléaux qui frappent certaines parties de l'Afrique de l'Ouest, il faut plus qu'un simple engagement politique et financier de la part des gouvernements; il s'agit de réformer de fond en comble la gouvernance », poursuit-il.

Quant à la communauté régionale et internationale, elle ne devrait pas se contenter de fournir une aide ciblée dans ce domaine et de veiller au respect des normes internationales, fait-il observer. Elle devrait aussi intervenir de façon précoce en cas de crise de gouvernance et de crise humanitaire, « au lieu de se croiser les bras jusqu'à ce qu'intervienne une prise de pouvoir prévisible par les militaires ou une explosion de violence intercommunautaire. »

« La communauté internationale devrait également maintenir une présence importante et vigoureuse dans les pays sortant d'un conflit afin d'empêcher la reprise des hostilités et d'encourager la consolidation d'une bonne gouvernance et l'appropriation nationale des processus de consolidation de la paix. J'espère, indique enfin Kofi Annan, que le Conseil de sécurité aura ces éléments à l'esprit lorsqu'il examinera le mandat des opérations de paix des Nations Unies dans cette région perturbée. »