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De la fumée et des flammes s'élèvent d'un site à Hodeïdah, au Yémen, le 20 juillet 2024.

Yémen : l’envoyé de l’ONU met en garde contre le risque d’un retour à une « guerre totale »

© UNOCHA
De la fumée et des flammes s'élèvent d'un site à Hodeïdah, au Yémen, le 20 juillet 2024.

Yémen : l’envoyé de l’ONU met en garde contre le risque d’un retour à une « guerre totale »

Paix et sécurité

Le Yémen risque de retourner à une guerre de grande ampleur et la communauté internationale a un intérêt et une responsabilité à empêcher que cela ne se produise, a averti mardi l'Envoyé spécial de l'ONU pour ce pays, Hans Grundberg, au Conseil de sécurité.

« Depuis le début de l'année, la trajectoire au Yémen s'est orientée dans la mauvaise direction et si rien n'est fait, elle pourrait atteindre un point de basculement », a-t-il déclaré.

Les forces du gouvernement yéménite, soutenues par une coalition dirigée par l'Arabie saoudite, combattent les rebelles houthistes, également connus sous le nom d'Ansar Allah, depuis 2014. Les houthistes ont également commencé à attaquer des navires commerciaux en mer Rouge – une route cruciale pour le commerce mondial – après le déclenchement de la guerre à Gaza en octobre dernier.

Dimension régionale croissante

Hans Grundberg, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, informe le Conseil de sécurité de la situation dans le pays.
UN Photo/Loey Felipe
Hans Grundberg, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, informe le Conseil de sécurité de la situation dans le pays.

M. Grundberg a souligné que la dimension régionale du conflit au Yémen « devient de plus en plus prononcée » et que « la trajectoire d’escalade a atteint un nouveau niveau dangereux la semaine dernière ».

Il faisait son exposé un jour après la réunion du Conseil pour débattre de l'attaque de drones par les houthistes contre Tel Aviv en Israël le 19 juillet et des frappes aériennes israéliennes en représailles sur le port d'Hodeïdah au Yémen et ses installations pétrolières et électriques, le 20 juillet.

« Aucun signe de désescalade »

L'envoyé de l'ONU s'est dit « profondément préoccupé par les récentes activités militaires dans la région ».

Il a également exprimé sa profonde inquiétude quant au ciblage continu du transport maritime international dans et autour de la mer Rouge, ajoutant que les développements récents suggèrent que la menace augmente en termes d'ampleur et de précision.

Des navires commerciaux ont été coulés et endommagés, des civils ont été tués, l'équipage du Galaxy Leader – un cargo détourné en novembre – reste arbitrairement détenu et le commerce international est perturbé.

Les États-Unis et le Royaume-Uni ont également continué de mener des frappes contre des cibles militaires dans le territoire contrôlé par Ansar Allah.

« Il est alarmant de constater qu'il n'y a aucun signe de désescalade, encore moins de solution », a dit M. Grundberg. « Ces derniers développements montrent le réel danger d’une escalade dévastatrice à l’échelle de la région ».

Affrontements sur les lignes de front

Parallèlement, la situation sur les lignes de front au Yémen reste également préoccupante, a-t-il ajouté. Les derniers mois ont vu une augmentation des préparatifs et des renforts militaires, tandis que des affrontements ont été signalés ce mois-ci sur plusieurs lignes de front.

« Même si les niveaux de violence ont été relativement contenus par rapport à la période précédant la trêve de 2022, la récente tendance à l'escalade, accompagnée de menaces continues d'un retour à grande échelle de la guerre, démontre à quel point la situation est instable », a dit M. Grundberg.

Bien que préoccupé par la trajectoire globale au Yémen, il s'est dit encouragé par le fait que les parties l'ont informé hier soir qu'elles s'étaient mises d'accord sur la voie à suivre vers des mesures liées aux secteurs bancaire et des transports.

Inquiétude pour le personnel détenu

L'envoyé de l'ONU a également rappelé aux membres du Conseil de sécurité que près de deux mois se sont écoulés depuis qu'Ansar Allah a arrêté arbitrairement 13 membres du personnel de l'ONU et des dizaines de membres d'organisations non gouvernementales (ONG) internationales et nationales, de la société civile et d'entités du secteur privé.

Ces personnes sont toutes des ressortissants yéménites, dont au moins quatre sont des femmes, et on ignore où elles se trouvent ni quel est leur statut. Quatre autres membres du personnel du bureau des droits de l’homme de l’ONU, le HCDH, et de son agence culturelle, l’UNESCO, sont également détenus depuis 2021 et 2023, respectivement.

M. Grundberg a réitéré son appel à leur libération immédiate et inconditionnelle et à Ansar Allah de s'abstenir de détenir tout autre membre du personnel des Nations Unies, des ONG et de la société civile.

Hodeïdah, une « planche de salut » pour des millions de personnes

Joyce Msuya, Secrétaire générale adjointe par intérim aux affaires humanitaires, informe le Conseil de sécurité de la situation au Yémen.
UN Photo/Loey Felipe
Joyce Msuya, Secrétaire générale adjointe par intérim aux affaires humanitaires, informe le Conseil de sécurité de la situation au Yémen.

Joyce Msuya, Secrétaire générale adjointe par intérim des Nations Unies aux affaires humanitaires, a également exprimé son inquiétude face aux récents développements au Yémen et dans la région.

Elle a déclaré que selon le ministère de facto de la Santé des houthistes, neuf personnes ont été tuées et 83 blessées à la suite des frappes sur Hodeïdah.

Elle a décrit le port d’Hodeidah comme une « planche de salut » pour des millions de personnes au Yémen. Quelque 85% des approvisionnements alimentaires arrivent par le port, qui « doit rester ouvert et opérationnel ».

Menaces contre les humanitaires

Mme Msuya a également abordé la détention du personnel de l'ONU et d'autres membres du personnel, ainsi que les menaces plus larges qui pèsent sur les travailleurs humanitaires au Yémen

« Parallèlement à la propagation rapide de fausses informations et de désinformations ciblant la communauté internationale, les détentions ont provoqué une peur et une anxiété généralisées parmi les travailleurs humanitaires », a-t-elle déclaré.

Elle a averti que sans les garanties de sûreté et de sécurité nécessaires et le respect des principes de l’action humanitaire, « nous ne pouvons pas opérer à l’échelle requise ».

Faim croissante et déficit de financement

La situation est particulièrement grave dans un contexte de montée de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition. On estime désormais qu’un enfant de moins de cinq ans sur deux souffre de malnutrition chronique ou d’un retard de croissance.

Depuis janvier, les niveaux de privation alimentaire sont passés de 51% de la population à 58%, soit une augmentation globale de 14%. Près d’un dixième de tous les ménages dans les zones contrôlées par les houthistes dépendent de l’assistance pour obtenir de la nourriture.

Mme Msuya a déclaré que les humanitaires ont également besoin d'un soutien adéquat pour leurs opérations, mais que « les faibles niveaux de financement continuent d'entraver notre travail ». En conséquence, ils n’ont pu fournir une assistance nutritionnelle qu’à 315.000 personnes au cours du premier trimestre de l’année, sur les deux millions ciblés.

Elle a exhorté le Conseil de sécurité « à faire tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir l’unité, désamorcer les tensions croissantes et soutenir la réponse humanitaire au Yémen ».