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Des femmes manifestantes se tiennent la main en signe de solidarité au sujet de l'élection présidentielle contestée au Bélarus.

Bélarus : « Il n'y a pas de développement durable sans droits de l'homme », selon la Coordinatrice résidente de l'ONU

Photo : ONU/Bélarus
Des femmes manifestantes se tiennent la main en signe de solidarité au sujet de l'élection présidentielle contestée au Bélarus.

Bélarus : « Il n'y a pas de développement durable sans droits de l'homme », selon la Coordinatrice résidente de l'ONU

Droit et prévention du crime

Le Bélarus a été secoué par des manifestations de masse et de violentes mesures de répression de l'État depuis l'élection présidentielle contestée du mois d'août qui a vu le maintien au pouvoir d'Alexandre Loukachenko.

Mme Joanna Kazana-Wisniowiecki est arrivée au Belarus pour occuper le poste de coordinateur résident des Nations unies au Belarus et de représentant résident du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)
Photo : PNUD/Bélarus
Mme Joanna Kazana-Wisniowiecki est arrivée au Belarus pour occuper le poste de coordinateur résident des Nations unies au Belarus et de représentant résident du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)

Dans un blog, Joanna Kazana-Wisniowiecki, Coordinatrice résidente des Nations Unies dans le pays et Représentante résidente du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), explique ce que ces troubles signifient pour l'Organisation.

Pour l'ONU, comme pour tous les partenaires internationaux du Bélarus, l'ampleur des manifestations et le niveau de répression ont été une grande surprise. C'est la première fois que le pays voit une élection contestée à ce point.

Ce qui est également sans précédent, c'est l'intensité de la répression contre les manifestants et les journalistes. Environ 13.000 personnes ont été arrêtées au cours des huit dernières semaines, la plupart des détentions ayant eu lieu dans la première semaine suivant les élections.  Cela restera dans les livres d'histoire comme quelque chose d’inédit au Bélarus.

Un autre phénomène inattendu a été la mobilisation sociale et l'utilisation de la technologie qui permet aux gens de communiquer et de coordonner leurs manifestations en temps réel. Les médias sociaux et l'Internet mobile sont en train de changer la façon dont l'activisme politique se déroule. De plus en plus de personnes s'expriment et s'organisent en ligne.

Depuis août 2020, Minsk et d'autres villes de Biélorussie ont connu des manifestations de masse, dont beaucoup réclament la fin du recours excessif à la force par la police.
Photo : Kseniya Golubovich
Depuis août 2020, Minsk et d'autres villes de Biélorussie ont connu des manifestations de masse, dont beaucoup réclament la fin du recours excessif à la force par la police.

Promouvoir les droits de l'homme

Le rôle de l'ONU est de promouvoir les normes et standards internationaux et de plaider pour le respect des droits de l'homme universels. L'ONU a réagi immédiatement, pour rappeler aux autorités étatiques leurs obligations internationales : la torture et les autres traitements cruels, inhumains et dégradants sont absolument interdits et ne peuvent jamais être justifiés.

Dès le début de la crise, le Secrétaire général des Nations Unies, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme et moi-même, en tant que Représentante des Nations Unies dans le pays, avons publié un certain nombre de déclarations officielles et exhorté les autorités du Belarus à respecter le droit de réunion et d'expression pacifique.

Face aux détentions massives de plus de 7.000 personnes dans la semaine qui a suivi les élections et aux allégations de torture dans les prisons, les Nations Unies ont exhorté les autorités à libérer toutes les personnes détenues pour avoir exercé leurs droits fondamentaux, à mettre fin à la torture et aux autres formes de mauvais traitements infligés aux détenus, à enquêter sur tous les cas de violation des droits de l'homme et à faire la lumière sur le sort et le lieu de séjour de toute personne portée disparue.

Des manifestants détenus lors de manifestations à Minsk, au Bélarus, sont libérés de prison.
Photo : Kseniya Golubovich
Des manifestants détenus lors de manifestations à Minsk, au Bélarus, sont libérés de prison.

 

Avec le temps, nous avons reçu des rapports troublants et des informations faisant état de tortures et d'autres mauvais traitements. Il est important de s'assurer que ces faits sont bien documentés, afin de permettre des enquêtes et de déterminer les responsabilités futures de ces actes. Des examens médicaux en temps utile sont essentiels à cet égard, parallèlement au travail important des organisations de défense des droits de l'homme qui recueillent des informations sur ces cas.

En ma qualité de Coordinatrice résidente des Nations Unies et en collaboration avec le conseiller principal en matière de droits de l'homme de mon bureau, Omer Fisher, nous avons transmis ces messages directement à nos homologues nationaux, en premier lieu par l'intermédiaire du ministre des Affaires étrangères du Bélarus et du ministère de l'Intérieur et d'autres institutions d'État intervenant dans la crise.

Nous avons également soulevé ces questions par écrit, en particulier celle des personnes disparues.  Je suis encouragée par le fait que le ministère de l'Intérieur a répondu à notre lettre et que nous recevons progressivement davantage d'informations des autorités de l'État.

Outre le dialogue avec l'État, nous continuons à discuter de la situation actuelle avec les partenaires de la société civile. Tant les ONG de défense des droits de l'homme que les dirigeants du groupe de partenariat ODD ont exprimé leur inquiétude face à la violence des forces de sécurité, au manque d'action et aux retards dans les enquêtes sur les violations présumées, y compris la torture et autres mauvais traitements.

Aux Nations Unies, nous recevons également des plaintes directement des victimes et de leurs avocats : la majorité d'entre eux ne sont pas convaincus que le fait de soumettre des plaintes aux autorités permettra de mener une enquête en bonne et due forme.

Depuis plusieurs années maintenant, les Nations Unies au Bélarus soutiennent des organisations qui offrent un soutien psychologique et juridique aux victimes de violence. La demande pour ce type d'assistance a augmenté de façon spectaculaire et nous continuerons à fournir un soutien de capacité aux partenaires nationaux et aux organisations non gouvernementales impliqués dans la résolution de ces problèmes.

Les Nations Unies au Bélarus ont lancé une campagne d'information sur la Covid-19 dans les villes à travers le pays.
Photo : ONU/Bélarus
Les Nations Unies au Bélarus ont lancé une campagne d'information sur la Covid-19 dans les villes à travers le pays.

Faire face à la Covid

Comme partout en Europe, les nouveaux cas de Covid-19 au Bélarus sont en augmentation. Et bien sûr, les manifestations de masse et surtout la détention des manifestants dans des établissements surpeuplés sans éloignement physique approprié ni autres mesures de prévention peuvent entraîner une nouvelle propagation de l'infection.

Au cours du premier semestre 2020, nous avons ajusté nos priorités et le contenu réel de notre travail a changé. Au total, nous avons consacré quelque 7,5 millions de dollars à la réponse nationale, notamment pour soutenir le système de santé et pour faire face à l'impact socio-économique, à savoir aider les PME à renforcer leurs compétences entrepreneuriales.

Les Nations Unies n'ont jamais fermé de bureaux, bien que nombre de nos collaborateurs aient travaillé depuis leur domicile. Bien que l'accent ait été et reste mis sur la réponse à la Covid-19, nous continuons à travailler sur les questions de développement à long terme. Par exemple, nous avons fourni des conseils politiques et des suggestions concrètes sur ce qui devrait être inclus dans la stratégie de développement à long terme du Bélarus jusqu'en 2035, qui est en cours d'élaboration cette année.

La seule voie à suivre est celle du dialogue

Du point de vue des Nations Unies, le Bélarus devrait se doter de plans de développement plus ambitieux, en accordant la priorité aux besoins des jeunes et de la population vieillissante, en renforçant la position des femmes dans l'économie et en adoptant de nouvelles technologies et opportunités qui favoriseront une croissance économique durable bénéficiant aux segments les plus pauvres et les plus marginalisés de la société. Telle est la vision de la coopération au cours des cinq prochaines années de notre présence au Bélarus.

Au milieu de la Covid-19, du changement climatique et des bouleversements politiques, le Bélarus se trouve dans un environnement mondial et régional extrêmement compétitif. La seule voie à suivre pour le pays est celle du dialogue, d'une réforme ambitieuse et d'un programme de développement novateur, étayé par un véritable respect des droits de l'homme.

Il n'y a pas de développement durable sans droits de l'homme.  Les Nations Unies en Bélarus continueront à travailler pour répondre à ces besoins même si c'est une période difficile et stressante, en particulier pour les membres biélorussiens de notre équipe.

On nous demande souvent « l'ONU pourrait-elle faire plus » ? Je dirais que nous essayons de faire tout notre possible dans cette situation complexe pour le Bélarus, avec les outils qui sont à notre disposition.  Avec de la bonne volonté, une nouvelle énergie, une volonté de dialogue et un effort professionnel de toutes les parties, je suis sûre que le Bélarus continuera de croître et de se développer.