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Un Casque bleu du Ghana lors d'une visite d'un responsable de l'ONU à Cestos City, au Libéria, en 2012.

Libéria : après 15 ans de mission réussie, les Casques bleus de l'ONU quittent un pays stable et reconnaissant

Photo ONU/Staton Winter
Un Casque bleu du Ghana lors d'une visite d'un responsable de l'ONU à Cestos City, au Libéria, en 2012.

Libéria : après 15 ans de mission réussie, les Casques bleus de l'ONU quittent un pays stable et reconnaissant

Paix et sécurité

La Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL) cessera officiellement ses opérations vendredi après avoir aidé le pays d’Afrique de l’Ouest à passer d'une guerre civile destructrice à une ère de paix pleine d'espoir.

La conclusion de l'opération de maintien de la paix qui a duré 15 ans intervient après à une élection historique qui a vu la première passation de pouvoir d'un Président élu à un autre en 70 ans. S’exprimant au nom de nombreux Libériens lors de son investiture, George Manneh Weah, a remercié l'ONU pour avoir aidé à rendre cette alternance politique pacifique possible.

« Dans nos jours les plus sombres, l'ONU est restée à nos côtés », a-t-il déclaré lors de son discours d’investiture en janvier.

Ancienne star du football, M. Weah a remporté l’élection présidentielle à l’issue de deux tours de scrutin en décembre 2017, succédant à Ellen Johnson Sirleaf, qui était à la tête de l’Etat libérien depuis 2006.

S'exprimant la semaine dernière à Monrovia lors d’un événement marquant l'achèvement de la MINUL, M. Weah a promis que le bon travail réalisé par l'ONU ne serait pas oublié. « Nous ne nous battrons plus, nous vous le promettons », a-t-il dit.

Premier pays indépendant d'Afrique, le Libéria a connu près d'un siècle et demi de stabilité avant de sombrer dans le chaos, subissant deux guerres civiles dévastatrices entre 1989 et 2003.

Plus d'un quart de million de Libériens ont été tués et près d'un tiers de la population a été déraciné. Selon certains rapports, 80% des femmes et des filles libériennes ont été victimes de violences sexuelles liées au conflit.

Des Casques bleus pakistanais sont arrivés sur leur lieu de déploiement peu après que le lieutenant-général Daniel Ishmael Opande, Commandant de la force de la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL), en a donné l'ordre.
Photo : ONU
Des Casques bleus pakistanais sont arrivés sur leur lieu de déploiement peu après que le lieutenant-général Daniel Ishmael Opande, Commandant de la force de la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL), en a donné l'ordre.

La MINUL a été créée en octobre 2003

En octobre 2003, le Conseil de sécurité des Nations Unies a créé la MINUL, les violences ayant persisté même après que les factions belligérantes aient convenu d'un cessez-le-feu et d'un plan de reconstruction politique.

Alors que les soldats de la paix arrivaient dans le pays, « tout le pays était dans la tourmente », se souvient le Général Daniel Opande, qui fut le premier commandant des forces de l'ONU au Libéria. « Les gens se déplaçaient d'un endroit à l'autre, en quête de sécurité ou de nourriture ».

Une fois la sécurité rétablie au Libéria, plus d'un million de réfugiés et de personnes déplacées ont pu retourner dans leurs foyers. Depuis l’arrivée de la MINUL, le gouvernement a rétabli son autorité dans tout le pays et a pu organiser avec succès trois élections présidentielles.

Environ 16.000 membres du personnel de l’ONU de plus d'une douzaine de pays ont servi au sein de la MINUL. Leur service n’a pas été exempt de sacrifice : 200 Casques bleus ont perdu la vie suite à des maladies, des accidents ou d'autres causes alors qu'ils servaient au Libéria.

Alors que la paix semble hors d’atteinte dans de nombreuses parties du monde où sont déployées les forces de l'ONU depuis des années, la conclusion favorable de la MINUL est un succès pour le maintien de la paix des Nations Unies qui compte 110.000 hommes et femmes déployés dans 15 opérations dans le monde.

En visite à Monrovia la semaine dernière, la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Amina J. Mohammed, a rappelé qu'une génération plus tôt, l’Afrique de l’Ouest était dans une situation différente d’aujourd’hui : le Libéria et la Sierra Leone étaient en « chute libre » et la Côte d'Ivoire était plongée dans une crise.

Depuis, les missions de maintien de la paix en Sierra Leone et en Côte d'Ivoire ont achevé leurs mandats. Maintenant, « la fermeture de la MINUL marque la transition des trois pays vers la paix et la démocratie », a souligné Mme Mohammed.

Dans une déclaration au Conseil de sécurité à New York cette semaine, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a salué les succès des opérations de maintien de la paix en Afrique de l'Ouest tout en soulignant les « sérieux défis » auxquels sont confrontés les opérations actuellement déployées dans plusieurs autres pays africains.

M. Guterres a appelé à davantage de progrès dans l'équipement et la préparation militaires, des mesures plus fortes pour lutter contre l'exploitation et les abus sexuels et plus de clarté sur les limites et les rôles des forces de l'ONU.

« Simplement dit, les opérations de paix ne peuvent pas réussir si elles sont déployées en lieu et place d'une solution politique, plutôt que d’appuyer cette dernière », a souligné le chef de l’ONU.

 

Les élections au compteur des nombreux succès du Libéria

Au Libéria, un engagement largement partagé en faveur d'un nouvel ordre politique démocratique fut une clé essentielle du progrès. L'élection présidentielle de l'année dernière, qui a conduit à la victoire de M. Weah, a été un succès collectif pour tous les Libériens, a déclaré Farid Zarif, un ancien diplomate afghan qui a servi comme Représentant spécial du Secrétaire général au Libéria et chef de la MINUL pendant près de trois ans.

« Ce fut le point culminant de tout le dur labeur qui a été mené au Libéria après le conflit - de la part du peuple libérien, des dirigeants politiques, des médias et des organisations de la société civile », a déclaré M. Zarif dans un entretien accordé à ONU Info.

Le soutien de la communauté internationale, a-t-il ajouté, a également été extrêmement important « pour apporter le changement que nous avons vu aboutir avec l'inauguration du nouveau Président ».

Au Libéria le retour de la paix a demandé beaucoup plus que le déploiement de Casques bleus.

L'un des outils de la mission de l'ONU a été la diffusion d’émissions de radio de service public, en anglais, et dans d'autres langues locales. « Nous avons beaucoup mis l'accent sur la promotion de la paix et de la réconciliation nationale », a déclaré Napoléon Viban, un Camerounais qui dirige la radio de la MINUL. La programmation de radio onusienne a suivi l'esprit, a-t-il dit, d'un slogan populaire : « Mama Liberia is all we have (Maman Libéria est tout ce que nous avons). »

Renforcer les capacités nationales pour maintenir l'ordre public

L'un des principaux mandats de la MINUL a consisté à aider la Police nationale du Libéria à renforcer ses capacités de prise en charge de ses responsabilités en matière de sécurité. En juillet 2016, l'ONU a confié toutes les tâches de sécurité aux autorités libériennes – un important seuil franchi sur la voie du retrait complet de la mission fin mars.

« Je pense que cela a été notre plus grande réussite », a déclaré Timba Ngulube, une policière de Zambie qui travaille pour la MINUL. « D'après ce que j'ai vu », a-t-elle dit, la police libérienne et les autres agences de sécurité « sont capables de se débrouiller seules ».

Bintou Keïta, la Sous-secrétaire générale des Nations Unies aux opérations de maintien de la paix, a pu constater de visu les résultats d’années de mentorat, de formation et de renforcement des capacités par la MINUL. « Une preuve que cela a fonctionné », a déclaré Mme Binta lors d'une récente visite au Libéria, « c'est qu'il n'y a pas eu de pareille violence lors de la préparation de l'élection ».

Les Casques bleus servant sous la MINUL ont été un élément clé de la mission de maintien de la paix, qui fut la première à disposer d’une unité de police exclusivement féminine, composée de 140 membres originaires de l'Inde.

Au fil des ans, un grand nombre de Casques bleus femmes ayant servi au Libéria, en exécutant des tâches telles que des patrouilles militaires et de renfort auprès de la police locale, ont inspiré les femmes libériennes à rejoindre les forces de l’ordre.

« Je n'ai jamais eu la moindre idée de pouvoir devenir policier », a déclaré Teta Wilson, qui travaille au Centre des opérations de la Police nationale du Libéria. « Mais quand je suis arrivée au poste de police et que j'ai vu comment les choses fonctionnaient, je me suis sentie poussée à en faire plus », a-t-elle dit.

La paix et le développement vont de pair

Avec la stabilité rétablie et la fin de la mission programmée, la MINUL a forgé des partenariats avec des organisations locales sur des projets de développement susceptibles d'améliorer la vie des Libériens.

Des Quick Impact Projects - une série de projets à « impact rapide » ont été menés à travers le pays, dans les domaines de l'agriculture durable, de la formation aux métiers de boulangerie, du recyclage, de l'action climatique et du développement urbain.

A Monrovia, la MINUL a ainsi financé un projet d'agriculture urbaine à Paynesville, une banlieue de l’est de la ville, tandis qu'à New Kru Town, un bidonville de la capitale où des cas d'Ebola ont été détectés, la mission a financé un projet de recyclage impliquant des jeunes de la communauté.

Yacoub El Hillo, le Coordonnateur humanitaire des Nations Unies au Libéria, a déclaré que ces projets sont un exemple de l'appui continu de l'ONU pour une paix et un développement durable. « Il est vrai que la MINUL ferme ses portes, mais grâce à des projets comme ceux-ci, de nouveaux débouchés sont possibles pour les Libériens », a déclaré M. El Hillo, qui continuera à travailler au Libéria comme Coordonnateur résident des Nations Unies après le départ de la mission, travaillant avec les différentes agences onusiennes qui poursuivront leur travail de développement au Libéria.

Malgré toutes ses réalisations, le Libéria reste fragile sur de nombreux fronts, a toutefois indiqué le Représentant spécial du Secrétaire général, Farid Zarif. « Nous ne devrions pas simplement présumer que tout va bien et quitter le pays sans aucune aide », a-t-il dit.

« Le Libéria aura encore besoin de la solidarité, du soutien et de l'aide de la communauté internationale sur le long terme », a déclaré M. Zarif. « Mais ils ont déjà commencé à démontrer qu'ils sont responsables de l'avenir de leur pays ».