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Myanmar : l'ONU dénonce la politique de terre brûlée de l’armée

Des gens protestent contre le coup d'État militaire au Myanmar (photo d'archives).
© Unsplash/Saw Wunna
Des gens protestent contre le coup d'État militaire au Myanmar (photo d'archives).

Myanmar : l'ONU dénonce la politique de terre brûlée de l’armée

Droits de l'homme

L’armée du Myanmar a créé une crise perpétuelle des droits de l’homme en recourant continuellement à la violence, notamment en tuant, en arrêtant arbitrairement, en torturant et en faisant disparaître des opposants au coup d’État, selon un rapport publié ce vendredi par le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies.

Le rapport du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH) fait état d’une litanie de violations des droits humains entre le 1er février 2022 et le 31 janvier 2023, accompagnées d’une forte augmentation de la violence, en particulier dans les régions du nord-ouest et du sud-est du Myanmar.

« Deux ans après le coup d’État militaire, les généraux se sont lancés dans une politique de la terre brûlée pour tenter d’éradiquer l’opposition », a déclaré dans un communiqué le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk.

Crimes contre l’humanité et crimes de guerre 

Selon le chef des droits de l’homme de l’ONU, la population est continuellement exposée à des violations et à des crimes, notamment des meurtres, des disparitions forcées, des déplacements, des tortures, des arrestations arbitraires et des violences sexuelles.

« Il existe des motifs raisonnables de croire que l’armée et les milices qui lui sont affiliées continuent d’être responsables de la plupart des violations, dont certaines peuvent constituer des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre », a dit M. Türk.

Deux ans après le coup d’État militaire, les généraux se sont lancés dans une politique de la terre brûlée pour tenter d’éradiquer l’opposition - Volker Türk

Le rapport fait état de « sources crédibles qui ont vérifié la mort d’au moins 2.940 personnes et 17.572 arrestations par l’armée et ses affiliés depuis le coup d’État ». L’armée utilise sa méthode dite des quatre coups.

Il s’agit notamment de frappes aériennes et de tirs d’artillerie aveugles, de destruction de villages pour déplacer les populations civiles et de refus de l’accès humanitaire. L’objectif est d’empêcher les groupes armés organisés non étatiques et d’autres éléments armés antimilitaires d’avoir accès à la nourriture, aux finances, aux renseignements et aux recrues.

80% des communes touchées par des affrontements armés

Parmi les nombreux incidents de frappes aériennes, le 16 septembre - dans le village de Let Yet Kone (canton de Tabayin, Sagaing) - quatre hélicoptères ont ouvert le feu sur une école, tuant au moins six enfants et en blessant neuf autres.  Dans un autre incident, le 20 octobre, une frappe aérienne contre un hôpital récemment ouvert dans le village de Man Yu Gyi, dans le canton de Banmauk, à Sagaing, a tué une femme et en a blessé cinq autres.

Par ailleurs, près de 80% des 330 communes du pays ont été touchées par des affrontements armés. A ce sujet, les services du Haut-Commissaire Türk reviennent sur l’une des tactiques les plus fréquemment utilisées par les militaires.

Il s’agit notamment de l’incendie systématique et généralisé de villages et d’habitations. Conformément à leur mode opératoire documenté depuis des décennies, notamment à Kachin en 2011 et à Rakhine en 2017, les rapports de l’ONU indiquent que près de 39.000 maisons à l’échelle nationale ont été brûlées ou détruites lors d’opérations militaires depuis février 2022, ce qui représente une multiplication par plus de 1.000 par rapport à 2021.

Sagaing a été la région la plus touchée, représentant plus de 25.000 maisons. Les images satellites couplées aux rapports d’entretiens suggèrent qu’entre le 16 et le 28 septembre dans le canton de Taze (Sagaing), les militaires ont détruit près de 500 maisons et endommagé plus de 300 autres dans huit villages au cours d’une série de raids et d’attaques.

Mettre fin à cette catastrophe qui s’envenime

Dans ce contexte, la mauvaise gestion de l’économie par les militaires a provoqué également une crise économique pour une grande partie de la population, entraînant le doublement du taux de pauvreté par rapport à mars 2020. Près de la moitié de la population vit désormais dans la pauvreté.

Les populations rurales seraient menacées de famine alors que l’armée impose de nouvelles restrictions d’accès aux zones touchées par la violence et le conflit. Pour aggraver la situation, les principales voies d’approvisionnement ont été bloquées, empêchant les acteurs humanitaires d’atteindre les plus de 17 millions de personnes dans le besoin. 

Face à ce sombre tableau, le rapport fait écho aux appels lancés par le Conseil de sécurité et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN ou ANASE) en faveur, notamment, d’un arrêt immédiat de la violence, de la libération de toutes les personnes détenues arbitrairement, de l’obligation de rendre des comptes et d’un accès humanitaire sans entrave.

« Tragiquement, les efforts régionaux et mondiaux en faveur de la paix et de la retenue sont largement tombés dans l’oreille d’un sourd. Les militaires, enhardis par une impunité permanente et absolue, ont constamment fait preuve de mépris pour les obligations et les principes internationaux », a conclu M. Türk, appelant à « une action urgente pour mettre fin à cette catastrophe qui s’envenime ».