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Le camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau, en Pologne. Auschwitz est devenu un symbole de la terreur, du génocide et de l'Holocauste.

L'ONU commémore l'horreur sans précédent et la cruauté calculée de l'Holocauste

Photo : ONU/Evan Schneider
Le camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau, en Pologne. Auschwitz est devenu un symbole de la terreur, du génocide et de l'Holocauste.

L'ONU commémore l'horreur sans précédent et la cruauté calculée de l'Holocauste

Droit et prévention du crime

L'Holocauste a « défini les Nations Unies », a déclaré jeudi le Secrétaire général lors d'une cérémonie virtuelle marquant la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, signalant que la Charte des Nations Unies a été rédigée à San Francisco « alors que le camp de concentration de Dachau était libéré ».

António Guterres a rendu hommage aux six millions de Juifs qui ont péri pendant l'Holocauste, ainsi que les Roms, les Sintis et d'innombrables autres victimes de cette « horreur sans précédent et de cette cruauté calculée ». Même le nom de l’ONU « a été inventé pour décrire l'alliance contre le régime nazi et ses alliés », a-t-il ajouté.

« Les Nations Unies doivent toujours être en première ligne de la lutte contre l'antisémitisme et toutes les autres formes de sectarisme religieux et de racisme », a souligné le chef de l'ONU.

Résurgence de la haine

Aujourd'hui, le monde est témoin d'une recrudescence alarmante de la xénophobie et de la haine, a alerté M. Guterres citant la montée de l'antisémitisme, de l'intolérance et de la prolifération des négations de l'Holocauste desquelles « aucune société n'est à l'abri ».

« Nous ne devons jamais oublier que l'Holocauste aurait pu être évité. Les appels désespérés des victimes sont tombés dans l'oreille d'un sourd. Trop peu ont parlé, trop peu ont écouté - et encore moins se sont levés par solidarité », a-t-il déclaré.

Se souvenir du passé est crucial pour préserver l'avenir et le silence face à la haine est une complicité, a ajouté le chef de l'ONU.

Il a exhorté chacun à ne jamais être indifférent à la souffrance des autres, à ne jamais oublier ce qui s'est passé dans les camps de la mort et à ne jamais laisser les autres l'oublier. « Engageons-nous à être toujours vigilants et à défendre les droits de l'homme et la dignité pour tous », a souligné le Secrétaire général.

Message du Secrétaire général de l'ONU dédié à la mémoire des victimes de l'Holocauste (2022)

La pire atrocité de l'humanité

Dans son discours, le Président de l'Assemblée générale, Abdulla Shahid, a célébré les vies et pleuré les pertes des femmes, des hommes et des enfants qui « ont péri au cours de la pire atrocité de l'histoire de l'humanité ».

« Nous honorons ceux dont la vie a été interrompue par des actes impitoyables et intolérables alimentés par le sectarisme, l'antisémitisme et la haine », a-t-il déclaré. « Nous veillons à ce qu'ils continuent à vivre dans l'héritage et la mémoire ».

Pour éviter que l'histoire ne se répète, chacun doit se souvenir et continuer à « raconter cette histoire ».

« Nous nous rappelons les pires moments de l'humanité et jurons, année après année : plus jamais ça », a déclaré le haut responsable onusien, affirmant qu’ « agir ainsi, c'est s'opposer à toute manifestation de négationnisme ».

Chaussures confisquées à des prisonniers dans un camp de concentration à Auschwitz, en Pologne.
Unsplash/William Warby
Chaussures confisquées à des prisonniers dans un camp de concentration à Auschwitz, en Pologne.

S'unir pour la vérité

Le monde doit réfuter ceux qui cherchent à déformer les faits et s'engager à sensibiliser les nouvelles générations, à défendre la vérité, à promouvoir l'égalité et à protéger les droits des groupes les plus vulnérables dans le monde, a poursuivi M. Shahid.

Notant que trop de souffrances ont été endurées pour que l'Holocauste soit « perdu par les mensonges et la haine », il s'est engagé à soutenir et à renforcer les résolutions de l'Assemblée générale, qui « protègent les droits de l'homme et renforcent l'autonomie des personnes partout dans le monde ».

« Il est déchirant de constater que, parmi les fléaux de cette pandémie, la haine, l'intolérance et l'antisémitisme alimentent une fois de plus la violence, les conflits et la discrimination modernes », a-t-il déclaré.

« En mémoire des victimes de l'Holocauste, et par respect pour les survivants, n'oublions jamais. Unissons-nous pour la vérité, la paix et la justice pour tous », a-t-il lancé.

Musique et médecine

Dans un concert émouvant, destiné à préserver la mémoire de la tragédie pour les générations futures, la Société de musique de chambre des Nations Unies a donné le coup d'envoi des événements de la Journée mettant en vedette des compositeurs juifs.

Le West-Eastern Divan Orchestra du maestro argentin-israélien Daniel Barenboim a également donné des représentations spéciales et l'artiste israélien Roy Nachum, basé à New York, a présenté une œuvre d'art.

La cérémonie a été suivie d'un séminaire virtuel intitulé « L'héritage de la médecine pendant l'Holocauste et sa pertinence contemporaine », visant à inciter les travailleurs de santé en formation ainsi que les professionnels de la santé à réfléchir à leurs valeurs fondamentales au service de soins humanistes et éthiquement responsables aux patients.

Une histoire abominable qui touche les gens du monde entier

L'Holocauste a eu un impact profond sur le monde, qui, 77 ans plus tard, continue de se répercuter, touchant les gens du monde entier, façonnant leurs choix et leurs valeurs, selon l’ONU.

C’est ainsi que cette année, l’Organisation a invité cinq personnes d'âges, de sexes, d'ethnies et de régions différents, à partager la manière dont leur rencontre avec l'histoire de l'Holocauste les a façonnés.  

A l’instar de Borso Tall, une journaliste sénégalaise du bureau d’Afrique de l’Ouest du Washington Post, qui, en 2019 a reçu une bourse pour participer à un voyage d'études 'Histoire, mémoire et représentation' en Pologne et en Allemagne du Centre de l'Holocauste et du Génocide de Johannesburg, en Afrique du Sud. 

Dans une interview avec ONU Info, elle a expliqué que cette expérience lui avait permis de mieux comprendre le devoir de mémoire. « La visite en Pologne et en Allemagne sur l'Holocauste, m'a permis d’ouvrir cette porte et de ne jamais l’oublier », a-t-elle dit.

« J’ai beaucoup appris sur la littérature africaine, sur l’histoire de l’Afrique et sur l'importance, à l'époque, de l'oralité. Aujourd’hui, on voit nettement que l'oralité a perdu de son lustre avec la nouvelle génération », a expliqué Mme Tall, soulignant que la résilience et la force intérieure de la communauté juive « pour pouvoir laisser des traces, par l'écrit, par les vidéos, par les hologrammes » sont un exemple à suivre.

« Leurs écrits, leurs narrations vont permettre à cette génération de comprendre que les grands-parents ne sont pas partis en vain. Il y a un message qu'ils ont voulu laisser derrière, un message à perpétuer », a-t-elle continué. « Parce que l'histoire se répète malheureusement et il faudrait que ça n'arrive plus jamais, et pour que ça n'arrive plus justement, il faudrait que toutes les générations soient au courant et prêtes à porter le flambeau ».

« Devant cette absence d’oralité avec cette nouvelle génération, devant le fait que les jeunes ne lisent plus, il serait important de voir comment perpétuer l'histoire et inviter les jeunes à s'y intéresser », a ajouté Mme Tall. « J'aurais bien aimé que ma communauté africaine puisse faire la même chose avec nos ancêtres. Voilà, c'est le devoir de mémoire ».

Combattre les forces de division

A l’occasion de la Journée de commémoration, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a elle aussi condamné le « crime d'une inhumanité choquante » que constitue l'Holocauste.

Elle a signalé que le racisme et la xénophobie sont en forte hausse aujourd'hui, citant des attaques violentes contre des sites juifs et des incidents antisémites signalés dans de nombreux pays et les théories de conspiration antisémites qui ont attribué aux Juifs la responsabilité de la pandémie de Covid-19.  

« De nombreuses personnalités publiques ont minimisé, déformé et instrumentalisé l'Holocauste dans des déclarations attaquant les mesures de santé publique. Comme dans les années 1930, les mensonges, la haine, la désignation de boucs émissaires et la déshumanisation sont en hausse et menacent gravement notre tissu social aujourd'hui », a alerté Mme Bachelet. 

« Nous devons faire reculer la haine. Nous devons défendre la vérité - y compris la vérité fondamentale de notre égalité humaine et de nos droits universels en tant qu'êtres humains », a-t-elle exhorté. « Nous devons nous attaquer aux mensonges et à l'incitation à la haine, y compris en ligne, et tant les gouvernements que les plateformes de médias sociaux ont une responsabilité particulière à cet égard ». 

La Haute-Commissaire a affirmé que « dans l'intérêt des générations passées, présentes et futures, nous ne devons jamais permettre à l'humanité d'oublier ces crimes effroyables ». 

Elle a souhaité que la commémoration de cette année encourage les actions visant à contester et à combattre les forces de la division.

« Nos actions en mémoire des victimes des pires crimes de l'humanité portent en elles les germes de la guérison et de l'unité - la prise de conscience que nous sommes une seule humanité, égale en dignité et en droits », a conclu la Haute-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU.