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Espagne : les procès du juge Garzón étaient arbitraires et impartiaux, selon le Comité des droits de l’homme

Vue générale de la salle de l'Alliance des Civilisations qui abrite le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève (archive).
Photo : ONU/Jean-Marc Ferré
Vue générale de la salle de l'Alliance des Civilisations qui abrite le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève (archive).

Espagne : les procès du juge Garzón étaient arbitraires et impartiaux, selon le Comité des droits de l’homme

Droits de l'homme

Les procès de l’ancien juge espagnol Baltasar Garzón dans les affaires Franco et Gürtel étaient arbitraires et ne respectaient pas les principes d’indépendance et d’impartialité de la justice, a conclu le Comité des droits de l’homme de l’ONU dans une décision rendue publique ce jeudi à Genève.

Selon cet organe des traités du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, les poursuites pénales engagées contre ce célèbre juge d’instruction espagnole, étaient dans les deux cas, « arbitraires ».

« Les juges doivent pouvoir interpréter et appliquer la loi sans craindre d’être sanctionnés ou jugés pour le contenu de leurs décisions. C’est essentiel pour préserver l’indépendance de la justice », a déclaré José Santos Pais, membre du Comité.

Dans la procédure Franco, les vues du Comité précisent que les décisions de « [l’ancien juge] constituaient au moins une interprétation juridique plausible, dont l’opportunité a été examinée en appel, sans qu’il soit conclu que ces décisions constituaient une faute ou une incompétence pouvant justifier son incapacité à exercer ses fonctions ». En ce qui concerne l’affaire Gürtel, le Comité a considéré que « l’interprétation de [Garzón], qui était partagée par d’autres juges et par le procureur général, même si, comme le prétend l’État, elle était erronée, ne constituait pas une faute grave ou une incompétence pouvant justifier sa condamnation pénale ».

Une nouvelle jurisprudence du Comité

C’est la première fois que le Comité statue et condamne un État pour l’utilisation du droit pénal contre un juge dans l’exercice de ses fonctions, établissant ainsi une nouvelle jurisprudence. En 2016, Garzón a déposé une plainte contre Madrid devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU (l’organe chargé de surveiller le respect du Pacte international relatif aux droits civils et politiques par les États signataires), alléguant qu’il a été victime de multiples violations de ses droits fondamentaux au cours de ces deux procès.

Le Comité souligne dans sa décision que, même si Garzón avait commis une erreur judiciaire, celle-ci aurait dû être corrigée par un réexamen devant une juridiction supérieure et non par des poursuites pénales contre l’ancien juge. Une façon de rappeler certains principes du Pacte international contre « les procédures arbitraires ou politiquement motivées ». « Dans le cas des juges, ce droit revêt une importance particulière et garantit qu’ils peuvent exercer leurs fonctions judiciaires sans interférence ou obstruction indue, les protégeant ainsi contre des procédures pénales ou disciplinaires arbitraires », a fait valoir José Santos Pais.

Dans le cas spécifique de Gürtel, le Comité souligne que la condamnation pour abus volontaire de pouvoir prononcée à l’encontre de Garzón était "arbitraire et imprévisible" car elle ne reposait pas sur des dispositions légales suffisamment explicites, claires et précises. L’article 15 du Pacte établit le principe de légalité et de prévisibilité. C’est-à-dire que nul ne peut être condamné pour des actes qui ne sont pas suffisamment explicitement prévus au moment où ils ont été commis.

Acquitté dans le procès du franquisme, mais interdiction d'exercer pendant 11 ans dans l’affaire Gürtel

Plus largement, le Comité estime que les droits de Garzón ont été violés. D’autant que « certains des juges de la Cour suprême qui l’ont jugé sont intervenus dans les deux affaires, malgré la demande de Garzón qu’ils soient récusés ». « Les procès ont été menés simultanément ; les procès oraux dans les deux affaires ont eu lieu à cinq jours d’intervalle ; et les jugements ont été rendus à 18 jours d’intervalle », ont fait remarquer les experts du Comité.

L’ancien juge espagnole Baltasar Garzón a été poursuivi pénalement et jugé en 2012 pour son abus de pouvoir volontaire présumé dans deux affaires d’importance politique majeure au niveau national. Dans l’affaire Franco, il a assumé la compétence d’enquêter sur les disparitions forcées pendant la guerre civile et la dictature du général Francisco Franco.

Dans l’affaire Gürtel, il a décidé de surveiller les communications entre les accusés et leurs représentants pour empêcher la commission de crimes. Garzón a été acquitté dans l’affaire Franco, mais a été reconnu coupable d’abus de pouvoir délibéré dans l’affaire Gürtel et radié du barreau pendant 11 ans.