L'actualité mondiale Un regard humain
La fête nationale de la Catalogne célébrée à Barcelone, en Espagne (photo d'archives).

Espagne : des experts de l'ONU demandent une enquête sur l'espionnage présumé de dirigeants catalans

Unsplash/Külli Kittus
La fête nationale de la Catalogne célébrée à Barcelone, en Espagne (photo d'archives).

Espagne : des experts de l'ONU demandent une enquête sur l'espionnage présumé de dirigeants catalans

Droits de l'homme

Les autorités espagnoles doivent enquêter de manière approfondie sur l'utilisation présumée des logiciels espions Pegasus et Candiru pour cibler des personnalités publiques et des militants catalans en Espagne à la suite de la campagne d'indépendance de 2017, ont déclaré jeudi des experts de l'ONU *.

« Entre 2017 et 2020, les appareils d'au moins 65 politiciens et militants de la minorité catalane ont fait l'objet d'un programme d'espionnage complexe et sophistiqué, dont les victimes comprenaient des dirigeants de la minorité catalane, des membres du Parlement européen, des législateurs, des juristes et des membres d'organisations de la société civile », ont affirmé les défenseurs des droits humains dans un communiqué.

Outil « d'application de la loi » ou d’espionnage ?   

La plupart des incidents d'espionnage contre des dirigeants et militants catalans ont eu lieu en 2017, peu après la campagne d'indépendance de la région, signalent les experts.

À la suite du référendum sur l'indépendance de la Catalogne en 2017, les autorités espagnoles ont arrêté des dirigeants du mouvement indépendantiste catalan pour sédition.

« Selon le groupe NSO, le logiciel espion Pegasus a été vendu aux gouvernements en tant qu'outil d'application de la loi. Le Centre national de renseignement d'Espagne serait l'un des clients du groupe NSO, selon les allégations », ont fait valoir les experts.

Une autocensure accrue

Les experts de l'ONU ont également déclaré qu'ils étaient particulièrement préoccupés par la portée et la sophistication du programme d'espionnage signalé, le fait qu'il a été utilisé sur une longue période et qu'il a été utilisé contre des dirigeants et des militants de minorités qui n'étaient impliqués dans aucune activité violente.

Ils craignent que l'utilisation généralisée de ce type de logiciels espions ne conduise à une autocensure accrue, ce qui aurait un effet dissuasif sur la jouissance des droits à la liberté d'expression et de réunion, ainsi que d'autres violations des droits des minorités et de leur participation à la vie publique.

Ils ont rappelé que les minorités sont spécifiquement protégées par les normes internationales et européennes des droits de l'homme et qu'un programme d'espionnage dirigé contre un groupe minoritaire peut constituer une violation grave de ces normes.

De nombreuses victimes d’attaques par SMS

Les experts ont déclaré que selon les allégations, de nombreuses victimes ont été ciblées par SMS et que, lors de ces attaques, des opérateurs auraient envoyé des messages contenant des liens malveillants conçus pour inciter les cibles à cliquer dessus.

« La sophistication et la personnalisation des messages variaient d'un cas à l'autre, mais reflétaient une compréhension détaillée des habitudes, des intérêts, des activités et des préoccupations de la cible. Dans de nombreux cas, le moment ou le contenu du texte était très adapté aux cibles et indiquait l'utilisation probable d'autres formes de surveillance à leur encontre », ont-ils ajouté.

Les victimes ont également été ciblées par des notifications officielles hautement personnalisées d'entités gouvernementales espagnoles, y compris les autorités fiscales et de sécurité sociale, ont noté les experts.

« Par exemple, un message envoyé à une victime comprenait une partie de son numéro d'identification fiscale officiel, suggérant que les attaquants avaient accès à ces informations », ont-ils déclaré.

Les autorités espagnoles doivent mener une enquête complète, équitable et efficace sur ces plaintes, publier les résultats et mettre fin à toute ingérence illégale dans les droits fondamentaux des militants de la minorité catalane en Espagne 

Dans une lettre datée du 24 octobre 2022, les experts ont contacté le gouvernement espagnol à ce sujet. Le 22 décembre 2022, le gouvernement a répondu en informant que les enquêtes étaient en cours et qu'il n'était pas possible de statuer sur les affaires en instance d'instruction judiciaire, ont précisé les experts.

« Les autorités espagnoles doivent mener une enquête complète, équitable et efficace sur ces plaintes, publier les résultats et mettre fin à toute ingérence illégale dans les droits fondamentaux des militants de la minorité catalane en Espagne », ont-ils dit.

« Nous attendons avec impatience les résultats de l'enquête judiciaire en cours », ont-ils ajouté.

Moratoire mondial sur la vente et le transfert de technologies de surveillance

En attendant que des réglementations strictes soient en place pour garantir l’utilisation de ces logiciels conformément aux normes internationales en matière de droits humains, les experts ont réitéré leur appel à un moratoire mondial sur la vente et le transfert de technologies de surveillance.

« Nous exhortons l'Espagne à adhérer à ce moratoire mondial, auquel s'est également associée la Haute-Commissaire aux droits de l'homme de l'époque, Michelle Bachelet », ont déclaré les experts de l'ONU.

« Nous sommes également profondément préoccupés par ce qui semble être une ingérence très alarmante dans les droits humains des dirigeants catalans et d'autres militants des minorités à avoir et à exprimer librement leurs opinions, à échanger des informations et des idées, à se réunir pacifiquement et à participer à des associations. Ils ont droit à la vie privée, au secret de la correspondance et à être traités sur un pied d'égalité devant la loi », ont-ils conclu.

*Les experts onusiens qui se sont associés à cette déclaration sont : Fernand de Varennes, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités ; Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur spécial sur la liberté de réunion pacifique et d'association ; et Irene Kahn, Rapporteure spéciale sur la liberté d'opinion et d'expression.

NOTE

Les rapporteurs spéciaux et experts indépendants font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand organe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de surveillance du Conseil qui traitent de situations spécifiques à des pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et servent à titre individuel.