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Des milliers de personnes déplacées par les combats au sud-est du Soudan

En raison des combats, des milliers de Soudanais fuient à l’intérieur du pays, mais aussi vers les pays voisins comme le Soudan du Sud et le Tchad.
Ala Kheir
En raison des combats, des milliers de Soudanais fuient à l’intérieur du pays, mais aussi vers les pays voisins comme le Soudan du Sud et le Tchad.

Des milliers de personnes déplacées par les combats au sud-est du Soudan

Paix et sécurité

Plus de 60.000 personnes ont fui la ville de Sinjah, capitale clé l’État de Sennar, au sud-est du Soudan, à la suite à l’escalade du conflit entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF), ont rapporté des agences humanitaires des Nations Unies.

Les affrontements, qui ont commencé à Jebel Moya le 26 juin, se sont étendus à la ville de Sinjah le 29 juin, provoquant une « panique généralisée » et des déplacements.

Les habitants ont fui les combats, les pillages et les problèmes de sécurité, la plupart d’entre eux ayant trouvé refuge dans la localité d’Al Rahad, dans l’État de Gedaref, mais aussi au Nil Bleu, Nil Blanc et Kassala, selon un document de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Si ces combats sont parfois suivis de saccages et pillages de maisons ou de magasins, les déplacés signalent aussi que les coûts de transport sont montés en flèche et que les véhicules sont rares.

« On rapporte que des personnes déplacées ont entrepris un voyage périlleux jusqu’à la ville de Dinder », a détaillé le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), relevant que « les Nations Unies et leurs partenaires n’ont pas été en mesure de vérifier ces informations de manière indépendante ».

« Comme nous l’avons rapporté ici, une tragédie humaine continue de se dérouler au Soudan après plus d’un an de conflit. Le temps presse pour des millions de personnes qui sont menacées de famine, déplacées pour leurs terres, et qui vivent sous les bombardements », a déclaré lors d’un point de presse à Genève, Vanessa Huguenin, porte-parole d’OCHA, relevant qu’outre les combats à Sinja, l’insécurité persiste dans les localités voisines d’Abu Hujar et d’Ad Dali.

De nombreuses familles ont fui vers la relative sécurité de Port-Soudan.
© WFP/Abubakar Garelnabei
De nombreuses familles ont fui vers la relative sécurité de Port-Soudan.

Les autorités locales tablent sur l’arrivée de 130.000 déplacés

L’Etat de Sennar, qui abrite plus d’un million de déplacés, connecte le centre du Soudan au sud-est contrôlé par l’armée et où des centaines d’autres milliers d’autres déplacés avaient trouvé refuge.

« La Commission d’aide humanitaire du gouvernement (HAC) dans l’État de Gedaref a indiqué que l’on pouvait s’attendre à ce qu’environ 130.000 personnes fuient l’État de Sennar au cours des prochains jours », a détaillé dans son dernier rapport, l’OCHA. Ce chiffre comprend 50.000 résidents de l’État de Sennar et 80.000 personnes déplacées internes d’Aj Jazirah, de Khartoum, du Darfour et du Kordofan, qui se sont réfugiées à Sennar depuis la mi-avril 2023.

Ces récents mouvements de population interviennent au moment où les gouvernements des États de Kassala, de Gedaref et de la mer Rouge rouvrent les écoles. Celles-ci déplacent ainsi les personnes déplacées de certaines écoles vers d’autres bâtiments scolaires et des sites de rassemblement.

Face à l’afflux des déplacés, les Nations Unies et leurs partenaires à Gedaref ont commencé à planifier l’arrivée des personnes déplacées de Sennar. Le Programme alimentaire mondial (PAM) y dispose ainsi de stocks alimentaires et nutritionnels suffisants pour répondre aux besoins de 50.000 personnes et peut en apporter d’autres si nécessaire.

Des enfants marchent vers leur abri dans un camp de personnes déplacées près d'El Fasher, la capitale du Nord Darfour, au Soudan (photo d'archives).
© UNICEF/Shehzad Noorani
Des enfants marchent vers leur abri dans un camp de personnes déplacées près d'El Fasher, la capitale du Nord Darfour, au Soudan (photo d'archives).

Un « niveau de crise » de la faim sans précédent

Une guerre oppose depuis avril 2023 les Forces armées soudanaises (SAF) aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF). Elle a fait des milliers de morts et plongé ce pays d’Afrique du Nord-Est au bord de la famine, selon l’ONU. Plus de la moitié de la population, soit environ 26 millions de personnes, est confrontée à un « niveau de crise » de la faim.

Le conflit a également provoqué le déplacement de près de 10 millions de personnes dont plus de deux millions, qui ont traversé les frontières vers les pays voisins. L’ONU estime que le quart des personnes déplacées initialement avant le début du conflit actuel ont subi un déplacement secondaire depuis le 15 avril 2023.

Les principaux États d’origine des personnes déplacées sont Khartoum (36 %), le Darfour-Sud (20 %) et le Darfour-Nord (14 %).  Les États accueillant le plus de personnes déplacées sont le Darfour Sud (17 %), le Darfour Nord (14 %) et le Darfour Central (8 %).

Efforts d’aide aux réfugiés s’étendent à la Libye et l’Ouganda

Alors que l’impact du conflit au Soudan continue de s’étendre, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et ses partenaires recherchent des ressources supplémentaires pour soutenir les millions de personnes forcées de fuir. Les partenaires humanitaires ont maintenant besoin de 1,5 milliard de dollars, contre 1,4 milliard en janvier, pour aider jusqu’à 3,3 millions de personnes forcées de fuir, ainsi que les communautés locales dans les pays voisins, jusqu’à la fin de l’année.

En plus de la République centrafricaine (RCA), du Tchad, de l’Egypte, de l’Ethiopie et du Soudan du Sud, deux nouveaux pays, la Libye et l’Ouganda, ont été intégrés dans la réponse régionale aux réfugiés.

En Libye, le HCR a enregistré plus de 20.000 réfugiés soudanais qui sont arrivés dans le pays depuis avril 2023, et on estime que beaucoup d’autres sont arrivés dans l’est du pays. Avec l’arrivée de nouveaux réfugiés depuis l’escalade des combats dans la région du Darfour, les services locaux disponibles à travers le pays sont débordés.

L’Ouganda - le plus grand pays d’accueil de réfugiés en Afrique - a reçu plus de 39.000 réfugiés soudanais depuis le début de la guerre. Près de 27.000 d’entre eux sont arrivés cette année seulement, soit près de trois fois plus que prévu. La plupart d’entre eux sont hébergés dans le camp de réfugiés de Kiryandongo, dans l’ouest du pays, où ils reçoivent une aide humanitaire sous forme de nourriture, d’abris et de soins de santé.

En Égypte, plus de 400.000 réfugiés soudanais ont été enregistrés à ce jour, avec plus de 38.000 nouveaux arrivants pour le seul mois de mai. Au moins 1.000 personnes par jour franchissent encore la frontière avec le Soudan du Sud.

Plus de 600.000 réfugiés soudanais sont arrivés au Tchad depuis le début du conflit en avril 2023. Le nombre de réfugiés devrait continuer à augmenter surtout avec l’escalade des combats au Darfour.

Photo d’archives montrant des camions chargés d'aide humanitaire en route pour El Fasher, au Darfour.
UN Sudan/Toby Harward
Photo d’archives montrant des camions chargés d'aide humanitaire en route pour El Fasher, au Darfour.

Un convoi alimentaire de l’ONU attaqué

La situation est particulièrement préoccupante dans la région du Darfour, qui a été le théâtre de combats intenses entre les forces armées soudanaises et les forces paramilitaires de soutien rapide.

Selon les humanitaires de l’ONU, la vie de 800.000 personnes « est en jeu » alors que les combats font rage dans les zones densément peuplées de la capitale provinciale El Fasher, causant des dommages étendus et à long terme aux civils et perturbant gravement les services essentiels dont ils dépendent.

C’est dans ce contexte que des hommes armés non identifiés ont attaqué dimanche dernier au Soudan des camions du Programme alimentaire mondial (PAM) transportant de l’aide alimentaire destinée à des milliers de civils dans le besoin au Darfour central, a rapporté l’agence.

Clementine Nkweta-Salami, haut responsable humanitaire des Nations Unies pour le Soudan, a exprimé son « indignation » face à cet incident. « L’aide pillée dans un convoi du PAM au Darfour central n’ira plus aux personnes les plus vulnérables dans le besoin », a-t-elle déclaré dans un message sur X, anciennement Twitter.

Dans un autre message, le PAM a appelé les autorités à veiller à ce que les auteurs de ces actes soient tenus pour responsables, soulignant que « la sécurité de l’acheminement des fournitures doit être garantie par tous ».