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Les autorités nigériennes incinèrent des drogues illicites saisies à Niamey.

Une experte de l’ONU appelle à mettre fin à la « guerre contre la drogue »

© UNODC
Les autorités nigériennes incinèrent des drogues illicites saisies à Niamey.

Une experte de l’ONU appelle à mettre fin à la « guerre contre la drogue »

Droit et prévention du crime

Une experte indépendante des Nations Unies a appelé, lundi, à mettre fin à la « guerre contre la drogue », demandant aux États de s’orienter vers des politiques de réduction des risques liés à la drogue.

Devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur le droit à la santé a soutenu « la décriminalisation totale de la consommation de drogues ».

Il faut « mettre fin à la [guerre contre la drogue], car il s’agit d’une guerre contre les personnes, a déclaré Tlaleng Mofokeng, invitant « tous les États à se concentrer sur la dignité, la santé publique et les droits de l’homme ». 

Pour l’experte indépendante onusienne, les États devraient évaluer la possibilité de créer un mécanisme chargé de surveiller la situation des politiques en matière de drogues et des droits de l’homme. D’autant que la réduction des risques en tant qu’approche améliorera la confiance, le dialogue, la créativité et l’innovation en ce moment urgent de changement de paradigme. 

La criminalisation affecte de manière disproportionnée certains individus

Une façon de rappeler que la criminalisation n’est qu’une option unique et extrême au sein d’un éventail de réglementations. « Les cadres réglementaires doivent être élaborés de manière cohérente par les États, sur la base de preuves scientifiques, en tenant compte des asymétries de pouvoir et sans subir l’influence indue des entreprises ».

« L’application des lois et des politiques en matière de drogues aggrave d’autres formes de discrimination et affecte de manière disproportionnée certains individus, tels que les personnes sans domicile fixe ou pauvres, les personnes souffrant de problèmes de santé mentale, les travailleurs du sexe, les femmes, les enfants, les personnes LGBTIQA+, les Noirs, les peuples autochtones, les migrants, les personnes incarcérées ou détenues, les personnes handicapées, les personnes vivant avec le VIH, la tuberculose ou l’hépatite, et les personnes vivant dans les zones rurales », a affirmé Mme Mofokeng.

Dans son quatrième rapport présenté à Genève au Conseil des droits de l’homme, la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur le droit à la santé s’est penchée sur la consommation de drogues, la réduction des risques et le droit à la santé. 

Mains d’un consommateur de drogues injectables à Odessa, dans le sud de l’Ukraine.
© UNICEF/Giacomo Pirozzi
Mains d’un consommateur de drogues injectables à Odessa, dans le sud de l’Ukraine.

Le concept de réduction des dommages

Le rapport étudie la manière dont la réduction des risques est liée à la fois à la consommation de drogues et aux troubles liés à la consommation de drogues, ainsi qu’aux lois et politiques en matière de drogues, dans le but d’analyser et de traiter les résultats connexes qui ont un impact négatif sur la jouissance du droit à la santé.

Le rapport indique que le concept de réduction des dommages a été principalement développé dans le contexte de la consommation de drogues et fait référence aux politiques, programmes et pratiques qui visent à minimiser les impacts sanitaires, sociaux et juridiques négatifs associés à la consommation de drogues, aux politiques en matière de drogues et aux lois sur les drogues. 

Il souligne également que les États ont l’obligation de mettre en œuvre des interventions fondées sur des données probantes afin de réduire au minimum les effets néfastes sur la santé et les risques et préjudices associés à la consommation de drogues. « Les conventions internationales sur le contrôle des drogues ont eu un impact négatif sur la disponibilité, l’accessibilité, l’acceptabilité et la qualité de certains médicaments ».

Dignité, santé publique et droits de l’homme

Dans son rapport, l’experte indépendante onusienne s’efforce de formuler des recommandations sur la manière dont, au niveau national, les États devraient se concentrer sur la dignité, la santé publique et les droits de l’homme, et fonder leurs interventions sur les meilleures données disponibles, à l’abri des conflits d’intérêts. 

Mme Mofokeng souligne que la fin de la criminalisation, de la stigmatisation et de la discrimination, qui constituent des obstacles structurels à l’accès aux services, améliorera l’accès à l’information, aux biens, aux services et aux installations.

« Toutes les parties prenantes doivent respecter les personnes qui consomment des drogues, celles qui souffrent de troubles liés à la consommation de drogues et celles dont la santé et le bien-être sont affectés par les lois et les politiques en matière de drogues », a fait valoir la Rapporteure spéciale, soulignant également l’importance de progresser vers une égalité réelle en accordant une attention particulière à l’impact disproportionné des lois, des politiques et du maintien de l’ordre en matière de drogues.

NOTE : 

Les Rapporteurs spéciaux, les experts indépendants et les groupes de travail font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations unies, est le nom général des mécanismes indépendants d’enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les parties du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.