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Cinq jours consécutifs de bombardements et de frappes aériennes ont causé des dégâts dans la région d'Idleb, au nord-ouest de la Syrie, et dans la campagne d'Alep, à l'ouest. (Oct 2023)

Après 13 ans de conflit, la Syrie va dans la mauvaise direction, prévient l’envoyé de l’ONU

© UNOCHA
Cinq jours consécutifs de bombardements et de frappes aériennes ont causé des dégâts dans la région d'Idleb, au nord-ouest de la Syrie, et dans la campagne d'Alep, à l'ouest. (Oct 2023)

Après 13 ans de conflit, la Syrie va dans la mauvaise direction, prévient l’envoyé de l’ONU

Paix et sécurité

Au Conseil de sécurité de l’ONU, ce jeudi, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie s’est alarmé du fait qu’après 13 ans de conflit, la situation sécuritaire, humanitaire et politique, les droits humains et l'économie dans ce pays « vont dans la mauvaise direction ».

Geir O. Pedersen a dit être préoccupé par « l'absence de progrès qui pourrait inverser la tendance actuelle ».

« La violence se poursuit et déborde les frontières. Israël affirme avoir mené plus de 50 frappes en Syrie depuis le 7 octobre. On enregistre des nouveaux tirs de roquettes depuis le sud de la Syrie vers le Golan syrien occupé. Les frappes aériennes des forces progouvernementales ont repris notamment le long de l’Euphrate », a énuméré le haut fonctionnaire. « Le groupe terroriste Hayat Tahrir al-Sham a lancé des frappes de drones dans les zones gouvernementales. La Türkiye a mené de nouvelles frappes de drones dans le nord-est de la Syrie. L'armée de l'air jordanienne s'est aussi mobilisée à sa frontière avec la Syrie. Les nouvelles attaques de l'État islamique en Iraq et le Levant (EIIL) ont tué des civils ». 

Des manifestants descendent toujours dans la rue

M. Pedersen a ajouté que « le conflit à Gaza et ses ramifications régionales sont aussi une source de préoccupation ». Il a demandé « une désescalade et un cessez-le-feu humanitaire immédiat dans cette région », ajoutant que la désescalade du conflit en Syrie et un cessez-le-feu sont tout aussi urgents.

« Le gouvernement syrien fait face à des défis importants pour assurer les services essentiels tels que la santé, l'éducation et l'énergie. Cela affecte la vie de millions de personnes. Leurs implications à long terme sur le fonctionnement de l'État syrien doivent nous préoccuper », a prévenu l’Envoyé spécial.

« Quelque 100.000 personnes sont détenues arbitrairement, ou sont victimes de disparitions forcées ou portées disparues », a-t-il dénombré. « Les arrestations et enlèvements arbitraires, la torture, les violences sexuelles continuent dans des lieux de détention dans plusieurs régions de Syrie. La population qui croupit en exil et les militantes des droits des femmes en Syrie dénoncent l’augmentation du harcèlement et des menaces de violence physique. Elles doivent être protégées. » 

Aucun acteur ne peut à lui seul résoudre cette crise 

L’Envoyé spécial a noté que « treize ans après le début du conflit, les manifestants descendent toujours dans la rue dans certaines régions pour exprimer des griefs notamment à Deraa, à Sweida, et à Edleb ». 

Il a observé que « six armées étrangères sont actives en Syrie aujourd'hui », sans compter les groupes terroristes inscrits sur la liste du Conseil de sécurité. « L’impasse actuelle risque d'aggraver les défis pour le rétablissement de la souveraineté, de l'unité, de l'indépendance et de l'intégrité territoriale de la Syrie », a dit M. Pedersen. 

L’Envoyé spécial a rappelé qu’il « n'y a pas de solution militaire en Syrie. Seule une solution politique globale peut débloquer la situation ». 

Il a réitéré sa proposition de réunir la Commission constitutionnelle en avril à Genève. « Aucun acteur ou groupe d'acteurs ne peut à lui seul résoudre cette crise », a-t-il averti. 

13 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire

Sur le plan humanitaire, la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires, Joyce Msuya, a dit que « la Syrie compte plus de 7 millions de personnes déplacées et près de 13 millions de personnes ont besoin d'une aide alimentaire ».

En dépit de l'ampleur des besoins, moins de 40% du financement ont été reçus en 2023. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a été contraint de réduire son aide d'urgence, passant de 3 millions à 1 million de personnes par mois. 

Dans le nord-ouest, plus de 30 programmes pour les enfants malnutris ont été fermés depuis octobre. Plus de 75 équipes d'intervention rapide en matière de nutrition ont également suspendu leurs activités. Pendant ce temps, les prix des denrées alimentaires ont augmenté de plus de 140%. Les prix des pois chiches et des pommes de terre ont augmenté de plus de 200%. Aujourd'hui, le salaire minimum ne couvre plus que 11% des besoins alimentaires de base. Les services de santé vitaux sont également réduits et les prix des médicaments ont bondi de 200% en deux ans. 

« Dans le nord-ouest, 49 établissements de santé avaient partiellement ou totalement suspendu leurs activités à la fin de l'année dernière ». « Dans le nord-est, l'OMS va suspendre les prestations pour les personnes ayant besoin d'un soutien sanitaire plus avancé à la fin de ce mois. Ces services ont pris en charge 8.000 à 10.000 patients par an, dont 70% de femmes ». En février, l'ONU a alloué 20 millions de dollars à la Syrie par le biais du Fonds central pour les interventions d'urgence. « Mais il en faut beaucoup plus pour répondre aux énormes besoins et éviter des coupes encore plus douloureuses dans l'aide d’urgence », a souligné Mme Msuya. 

« Pour les 4,2 millions de personnes dans le besoin dans le nord-ouest de la Syrie, le passage transfrontière avec la Türkiye permet d'acheminer des secours vitaux », a dit la Sous-Secrétaire générale qui a appelé à respecter le droit international humanitaire, l’accès humanitaire durable et sans entrave. « Il faut de toute urgence des fonds pour assurer l'aide et le relèvement rapide de la Syrie ».

Joyce Msuya a demandé « une solution politique pour mettre fin au conflit, dans l'espoir que l'année prochaine, le peuple syrien vivra un ramadan dans la paix ».