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Guterres appelle au désarmement alors que le risque nucléaire atteint son plus haut niveau depuis des décennies

Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres (au centre à droite) assiste à une réunion du Conseil de sécurité sur le désarmement nucléaire et la non-prolifération.
UN Photo/Evan Schneider
Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres (au centre à droite) assiste à une réunion du Conseil de sécurité sur le désarmement nucléaire et la non-prolifération.

Guterres appelle au désarmement alors que le risque nucléaire atteint son plus haut niveau depuis des décennies

Paix et sécurité

Près de 80 ans après que les villes japonaises d'Hiroshima et de Nagasaki ont été réduites en cendres, les armes nucléaires représentent toujours un danger manifeste pour la paix et la sécurité mondiales, a déclaré lundi le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, au Conseil de sécurité.

Appelant au désarmement maintenant, il a exhorté les États dotés d’arsenaux nucléaires à montrer la voie dans six domaines d’action qui incluent le dialogue et la responsabilité.

« Les armes nucléaires sont les armes les plus destructrices jamais inventées, capables d’éliminer toute vie sur Terre. Aujourd’hui, ces armes gagnent en puissance, en portée et en furtivité. Il suffit d’une mauvaise décision, d’une erreur d’appréciation, d’une action hâtive pour qu’un lancement accidentel se produise », a-t-il prévenu.

L'Horloge de l'apocalypse et son tic-tac entêtant

La réunion sur le désarmement nucléaire et la non-prolifération a été convoquée par le Japon, qui occupe la Présidence du Conseil de sécurité pour le mois de mars et qui est, comme l'a souligné M. Guterres, le seul pays qui connaît mieux que tout autre « le coût brutal de l'hécatombe nucléaire ».

La réunion a eu lieu à un moment « où les tensions géopolitiques et la méfiance ont porté le risque de guerre nucléaire à son niveau le plus élevé depuis plusieurs dizaines d’années ».

Le chef de l'ONU a déclaré que l’Horloge de l'apocalypse – le symbole de la proximité de l’humanité avec l’autodestruction – « tourne, et son tic-tac entêtant retentit à toutes les oreilles ».

Pendant ce temps, des chercheurs, des groupes de la société civile, le pape François, des jeunes et des survivants d’Hiroshima et de Nagasaki, connus sous le nom d’Hibakusha, réclament la paix et la fin de la menace existentielle.

Le 26 novembre 2023, des militants new-yorkais se sont joints aux citoyens du monde entier pour la Journée mondiale d’action contre les armes nucléaires.
© ICAN/Darren Ornitz
Le 26 novembre 2023, des militants new-yorkais se sont joints aux citoyens du monde entier pour la Journée mondiale d’action contre les armes nucléaires.

Pas de suite à « Oppenheimer »

Alors que le film hollywoodien Oppenheimer, lauréat d’un Oscar, « a donné vie à la dure réalité de l'apocalypse nucléaire pour des millions de personnes à travers le monde », le Secrétaire général a estimé que l’humanité ne pourrait pas « survivre à une suite à Oppenheimer ».

Malgré les appels au monde pour qu’il s'écarte du précipice, « les États dotés d'armes nucléaires sont absents de la conversation », a-t-il dit, tandis que « les instruments de guerre font l’objet d’investissements bien plus importants que les instruments de paix ».

M. Guterres a souligné que le désarmement est la seule voie pour « nous débarrasser de ce spectre insensé et suicidaire, une fois pour toutes ».

Dialogue et renforcement de la confiance

Il a appelé les États dotés d'armes nucléaires à prendre l'initiative dans six domaines, en commençant par renouer le dialogue pour développer des mesures de transparence et de confiance afin d'empêcher tout recours à l'arme nucléaire.

« Deuxièmement, les démonstrations de force nucléaire doivent cesser », a-t-il déclaré. « Les menaces d’utilisation d’armes nucléaires sous quelque forme que ce soit sont inacceptables ».

Les États dotés d’armes nucléaires doivent également réaffirmer les moratoires sur les essais nucléaires, ce qui implique notamment de s’engager à éviter toute action susceptible de porter atteinte au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN) de 1996, dont l’entrée en vigueur doit être une priorité.

De l’engagement à l’action

En outre, les engagements en matière de désarmement doivent se traduire par des actes, accompagnés par une détermination à se tenir mutuellement responsables du respect de ces engagements, dans le cadre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Cet accord historique, signé il y a plus de 50 ans, est le seul engagement contraignant en faveur de l'objectif de désarmement par les États qui stockent officiellement des armes nucléaires.

Le Secrétaire général a également souligné la nécessité d’un accord collectif sur le recours en premier à l’arme nucléaire. « Les États dotés d’armes nucléaires doivent s’entendre d’urgence sur le fait qu’aucun d’eux ne sera le premier à utiliser de telles armes. En réalité, aucune circonstance ne devrait justifier l’emploi de telles armes », a-t-il déclaré.

Réduire les stocks

Enfin, il a appelé à une réduction du nombre d'armes nucléaires. À cet égard, il a exhorté les États-Unis et la Russie – les plus grands détenteurs d’armes nucléaires au monde – à prendre l’initiative et à trouver un moyen de reprendre les négociations en vue de la mise en œuvre complète du nouveau traité START et à se mettre d’accord sur l’instrument qui viendra lui succéder.

M. Guterres a également souligné la responsabilité des États non dotés d’armes nucléaires d'honorer leurs propres obligations en matière de non-prolifération et de soutenir les efforts de désarmement.

Il a déclaré que le Conseil de sécurité a également un rôle de leadership, notamment « en regardant au-delà des divisions d’aujourd’hui et en affirmant clairement qu’il est inacceptable de vivre sous la menace existentielle des armes nucléaires ».

Traité d'interdiction des essais

Robert Floyd, chef de l’organisation supervisant le TICEN, a également informé le Conseil de l’impact du traité et de la nécessité d’aller plus loin.

« Beaucoup de choses ont changé depuis ma dernière visite ici en 2021. Mais une chose n'a pas changé : les arguments en faveur de l'entrée en vigueur du TICEN », a-t-il déclaré.

Le traité prescrit un réseau mondial de 337 installations de surveillance pour détecter presque immédiatement toute explosion significative n'importe où sur Terre et envisage davantage d'outils de vérification.

Il a été signé par 197 États et ratifié par 178. Toutefois, pour entrer en vigueur, il faut la signature et la ratification de 44 États détenteurs de technologies nucléaires, dont huit ne l'ont pas encore ratifié : la Chine, l'Égypte, l'Inde, l'Iran, Israël, la République populaire démocratique de Corée, Pakistan et États-Unis.

L’année dernière, la Russie, détentrice de l’arme nucléaire, qui avait signé et ratifié le TICEN, a annoncé qu’elle avait révoqué sa ratification.