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La famine est imminente dans le nord de Gaza, selon un nouveau rapport de l’ONU

Une mère prépare un repas pour ses enfants devant leur maison de fortune dans un camp de réfugiés à Khan Younis, à Gaza.
© UNICEF/Abed Zagout
Une mère prépare un repas pour ses enfants devant leur maison de fortune dans un camp de réfugiés à Khan Younis, à Gaza.

La famine est imminente dans le nord de Gaza, selon un nouveau rapport de l’ONU

Paix et sécurité

La famine est imminente dans la partie nord de la bande de Gaza et risque de s’étendre à l’ensemble de l’enclave assiégée, plongeant 2,2 millions de Palestiniens dans la crise alimentaire la plus vaste et la plus grave au monde, ont averti lundi des agences des Nations Unies. 

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Le cadre de classification de l’insécurité alimentaire (IPC) décrit une situation désastreuse dans laquelle plus de la moitié de la population de Gaza - 1,1 million de personnes - est confrontée à des niveaux catastrophiques de faim. Ce nombre est deux fois plus élevé que la précédente estimation de l’IPC, publiée en décembre lorsque le précédent rapport signalait que la famine était probable.

« Les habitants de Gaza meurent de faim en ce moment même. La vitesse à laquelle cette crise de la faim et de la malnutrition provoquée par l’homme a frappé Gaza est terrifiante », a déploré Cindy McCain, Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM).

Prévenir « l’impensable, l’inacceptable et l’injustifiable »

Lors d'un point de presse à New York lundi, le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a estimé que le rapport constituait « un constat effroyable des conditions de vie des civils sur le terrain ».

« Il s’agit d’un désastre entièrement provoqué par l’homme – et le rapport indique clairement qu’il peut être stoppé », a-t-il ajouté, estimant que le document démontrait « la nécessité d’un cessez-le-feu humanitaire immédiat ».

« J’appelle les autorités israéliennes à garantir un accès complet et sans entrave aux biens humanitaires dans tout Gaza et à la communauté internationale à soutenir pleinement nos efforts humanitaires », a dit le chef de l'ONU. « Nous devons agir maintenant pour prévenir l’impensable, l’inacceptable et l’injustifiable ».

Tous les ménages sautent des repas chaque jour

Dans les deux gouvernorats du nord de la bande de Gaza, où quelque 300.000 personnes restent bloquées, les agences onusiennes s’attendent à ce que la famine survienne d’ici au mois de mai 2024. 

Globalement, le nouveau rapport montre que 1,1 million de personnes à Gaza, soit la moitié de la population, ont complètement épuisé leurs réserves alimentaires et leurs capacités de survie et sont aux prises avec une faim catastrophique (phase 5 de l’IPC) et la famine. Il s’agit du nombre le plus élevé de personnes jamais enregistré comme étant confrontées à une faim catastrophique par le système IPC, et du double du nombre de personnes en phase 5 de l’IPC il y a seulement trois mois.

D’une manière générale, pratiquement tout le monde à Gaza a du mal à obtenir suffisamment de nourriture et qu’environ 677.000 personnes – près d’un tiers de la population – connaissent le niveau le plus élevé de faim catastrophique. Cela inclut environ 210.000 personnes dans le nord.

Dans les gouvernorats du nord, près de deux tiers des ménages ont passé des journées et des nuits entières sans manger au moins 10 fois au cours des 30 derniers jours. Selon les dernières données de l’IPC, pratiquement tous les ménages sautent des repas chaque jour et les adultes réduisent leurs repas pour que les enfants puissent manger.

Des enfants dans la bande de Gaza attendent de recevoir de la nourriture.
© UNRWA
Des enfants dans la bande de Gaza attendent de recevoir de la nourriture.

La famine pourrait même être déjà en cours

« Si aucune mesure n’est prise pour cesser les hostilités et faciliter l’accès de l’aide humanitaire, la famine est imminente. Elle pourrait même être déjà en cours », déclaré Beth Bechdol, Directrice générale adjointe de la FAO, relevant qu’il s’agit du niveau le plus élevé jamais enregistré, « du jamais vu ».

De plus, le rapport fait état d’une tendance à la hausse de la malnutrition dans la bande de Gaza, où le taux de malnutrition aiguë était inférieur à 1% avant l’escalade des combats il y a cinq mois. Dans le gouvernorat de Gaza Nord, les données les plus récentes indiquent qu’un enfant de moins de deux ans sur trois souffre aujourd’hui de malnutrition aiguë ou d’émaciation.

Le document a prévenu que si Israël élargissait son offensive à la ville bondée du sud de Rafah, comme l’a promis à plusieurs reprises le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, les combats pourraient plonger environ la moitié des 2,3 millions d’habitants de Gaza dans une famine catastrophique. « Les gouvernorats méridionaux de Deir al Balah, Khan Younis et Rafah sont classés en phase 4 (urgence) de l’IPC et risquent également de basculer dans la famine d’ici à juillet 2024 ». 

Inverser ce scénario

Malgré ces chiffres inquiétants, les agences onusiennes estiment qu’il est encore possible de renverser la situation, mais il doit y avoir un cessez-le-feu et des quantités massives d’aide alimentaire doivent être acheminées de manière constante.

Le PAM estime que pour répondre aux besoins alimentaires de base, il faudra permettre l’accès quotidien d’au moins 300 camions dans Gaza chaque jour et distribuer de la nourriture, en particulier dans le nord. Depuis le début de l’année, le PAM n’a réussi à acheminer que neuf convois vers le nord. 

Plus largement, la complexité des contrôles aux frontières, combinée aux fortes tensions et au désespoir à l’intérieur de Gaza, rend presque impossible l’acheminement des vivres vers les personnes dans le besoin, en particulier dans le nord. Mais la livraison de 18 camions de nourriture dimanche montre que c’est possible.

« Il ne reste qu’une toute petite fenêtre pour empêcher une famine totale et pour ce faire, nous avons besoin d’un accès immédiat et complet au nord. Si nous attendons que la famine soit déclarée, il sera trop tard. Des milliers d’autres personnes mourront », a insisté Cindy McCain, Directrice exécutive du PAM.

Une mère et ses enfants marchent dans une rue de Rafah, au sud de la bande de Gaza.
© UNICEF/Eyad El Baba
Une mère et ses enfants marchent dans une rue de Rafah, au sud de la bande de Gaza.

Opération militaire à l’hôpital al-Shifa

Cette dégradation de l’insécurité alimentaire intervient alors que l’armée israélienne a lancé ce lundi 18 mars 2024, peu avant l’aube, une opération sur le plus grand hôpital du nord de la bande de Gaza. Il s’agit de l’un des rares centres de santé encore opérationnels dans la bande de Gaza, ravagée par les bombardements israéliens depuis plus de cinq mois.

D’après les autorités sanitaires de l’enclave palestinienne, des rapports relayés par les médias, l’opération a fait plusieurs victimes et a provoqué un important incendie dans l’un des bâtiments.

« Les hôpitaux ne devraient jamais être des champs de bataille. Nous sommes très inquiets de la situation à l’hôpital Al-Shifa, dans le nord de la bande de Gaza, qui met en danger le personnel de santé, les patients et les civils », a d’ailleurs rappelé sur le réseau social X, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le Directeur général de l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’hôpital n’a que récemment rétabli des services de santé minimaux. « Toute hostilité ou militarisation de l’établissement met en péril les services de santé, l’accès des ambulances et l’acheminement de fournitures vitales », a fait valoir le Dr Tedros, relevant que les « hôpitaux doivent être protégés ». « Cessez le feu ! », a-t-il plaidé.