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Des milliers de réfugiés rohingyas ont fui le Myanmar vers le Bangladesh en raison de l'insécurité.

Myanmar : les raids aériens ont doublé depuis le coup d’État, selon un rapport de l’ONU

© UNICEF/Maria Spiridonova
Des milliers de réfugiés rohingyas ont fui le Myanmar vers le Bangladesh en raison de l'insécurité.

Myanmar : les raids aériens ont doublé depuis le coup d’État, selon un rapport de l’ONU

Droits de l'homme

La situation générale des droits de l’homme au Myanmar s’est encore détériorée, a alerté mardi le chef des droits de l’homme de l’ONU lors de la présentation d’un rapport décrivant « les persécutions continues subies par les Rohingyas aux mains de l’armée à Rakhine ».

Devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a détaillé la poursuite d’une campagne de violence généralisée perpétrée par l’armée. Le rapport dévoile comment l’armée a encore élargi son assaut contre la population civile et décrit une série d’incidents - dont beaucoup sont d’une brutalité particulière, emblématiques d’une négation systématique des droits de l’homme, de la vie humaine et de la dignité humaine.

Au cours de la période considérée, l’armée a effectué 687 frappes aériennes, soit plus du double du nombre de frappes effectuées au cours des 14 mois qui ont suivi le coup d’État. Des sources crédibles ont vérifié que les frappes aériennes ont tué des centaines de personnes. 

687 frappes aériennes depuis le coup d’État

« Nous sommes confrontés ici à un système de répression impitoyable conçu pour contraindre et soumettre son peuple et pour éroder une société afin de préserver les intérêts étroits d’une élite kleptocratique », a affirmé le Haut-Commissaire Volker Türk.

Les frappes aériennes inspirent la terreur à la population civile, qui craint désormais raisonnablement d’être bombardée chez elle, dans les écoles, les hôpitaux et les édifices religieux, ainsi que lorsqu’elle est rassemblée en tant que communauté.

« Le rapport de mon Bureau corrobore les données confirmant que ce recours croissant à la puissance aérienne, ainsi qu’à l’armement lourd et à d’autres matériels, ne peut être acheté qu’auprès de sources étrangères », a-t-il ajouté, se félicitant « des récentes mesures imposées spécifiquement pour limiter l’achat de carburéacteur, qui sert à des fins militaires ». 

Dans le même temps, les opérations terrestres ont donné lieu à 22 incidents documentés de massacres de 10 personnes ou plus. Les témoignages indiquent que dans beaucoup de ces opérations, les soldats sont entrés dans les villages, ont rassemblé ceux qui n’avaient pas fui et les ont exécutés. 

Un garçon transporte de l'eau dans un camp de réfugiés à Cox's Bazar, au Bangladesh (photo d'archives).
© UNICEF/Patrick Brown
Un garçon transporte de l'eau dans un camp de réfugiés à Cox's Bazar, au Bangladesh (photo d'archives).

Frappes aériennes, massacres et incendies de villages

Ils ont utilisé des méthodes effroyables pour infliger une douleur inimaginable à leurs victimes, notamment en les brûlant vives, en les démembrant, en les violant, en les décapitant, en les matraquant et en utilisant des villageois enlevés pour se protéger contre les attaques et les mines terrestres. « Il s’agit là de l’inhumanité dans sa forme la plus vile », a fustigé M. Türk.

Des sources crédibles ont vérifié hier un minimum de 4.108 morts aux mains de l’armée et de ses affiliés. D’une manière générale, trois tactiques militaires spécifiques ont été systématiquement dirigées contre la population civile : les frappes aériennes, les massacres et les incendies de villages.

S’agissant des incendies « criminels », le rapport note qu’ils se poursuivent sans relâche, l’armée brûlant non seulement les maisons, mais aussi les magasins d’alimentation, les banques de semences et le bétail, afin de punir une population perçue comme hostile et d’empêcher l’accès à la nourriture pour ses opposants. L’incendie de villages entiers et d’infrastructures civiles continue de terroriser la population, en particulier - mais pas seulement - dans la région centrale de Sagaing. Plus de 75.000 structures, y compris des maisons, des entrepôts de nourriture, des banques de semences et du bétail ont été détruits. 

« Les massacres et autres actes qui infligent des souffrances inimaginables aux victimes, notamment en les brûlant vives, en les démembrant, en les violant, en les décapitant, en les matraquant et en les utilisant comme protection contre les attaques et les mines terrestres », a insisté le chef des droits de l’homme de l’ONU.

Assassinats ciblés et bombardements de lieux publics

Selon les services du Haut-Commissaire Türk, près de 25.000 personnes ont été arrêtées, dont plus de 19.000 sont toujours détenues et 150 ont été condamnées à mort. Plus de 7.368 personnes ont été condamnées lors de procès ad hoc, dont la plupart n’ont duré que quelques minutes et qui se sont déroulés sans avocat. À ce jour, on ne connaît qu’un seul cas d’acquittement d’un accusé, et cette décision a entraîné la révocation du juge qui s’était prononcé en faveur de l’accusé. 

Par ailleurs, les violences commises par les groupes armés antimilitaristes, notamment les assassinats ciblés et les bombardements de lieux publics, persistent également. Bien que l’ampleur de ces violations ne soit pas comparable à celles perpétrées par l’armée, il est essentiel que les groupes qui s’opposent à l’armée respectent pleinement le droit international humanitaire et les droits de l’homme, ainsi que les principes de protection des civils.

Dans ces conditions, M. Türk estime qu’il n’y a aucune raison de croire que l’armée changera radicalement et brisera le cycle d’impunité qui caractérise ses opérations depuis des décennies. Le Haut-Commissaire réitère donc son appel à toutes les parties influentes pour qu’elles désamorcent la crise qui s’aggrave de jour en jour, notamment en imposant des sanctions ciblées pour priver l’armée de l’accès aux devises étrangères qui lui permettent d’acheter du matériel militaire. 

« Il n’y a pas de temps à perdre », a conclu le chef des droits de l’homme, invitant le Conseil de sécurité de saisir la Cour pénale internationale face à « l’ampleur de la situation actuelle au Myanmar ».