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Les États doivent élargir les voies de régularisation pour les migrants, estime un expert de l’ONU

La stratégie d'"intériorisation", qui fonctionne avec le soutien de l'OIM et d'autres agences des Nations Unies, aide les réfugiés et les migrants du Venezuela à prendre un nouveau départ.
OIM/Gema Cortes
La stratégie d'"intériorisation", qui fonctionne avec le soutien de l'OIM et d'autres agences des Nations Unies, aide les réfugiés et les migrants du Venezuela à prendre un nouveau départ.

Les États doivent élargir les voies de régularisation pour les migrants, estime un expert de l’ONU

Droits de l'homme

Un expert des Nations Unies a appelé, lundi, les États à créer et à renforcer les mécanismes de régularisation afin de remédier aux vulnérabilités auxquelles sont confrontés les migrants en situation irrégulière, conformément aux engagements pris en vertu des normes internationales en matière de droits de l’homme.

« La régularisation est un outil de protection et d’inclusion qui profite aux migrants, à leurs familles, aux pays de destination et aux communautés », a déclaré Felipe González Morales, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des migrants, au Conseil des droits de l’homme. « Les États doivent offrir des possibilités de résidence permanente, de citoyenneté et de participation significative des migrants dans les sociétés d’accueil ».

En attendant, de nombreux migrants sans papiers peuvent être soumis de manière disproportionnée à la discrimination, aux abus, à l’exploitation et à la marginalisation.

« Malgré les efforts déployés par de nombreux pays, les agences des Nations Unies, la société civile et d’autres acteurs, les droits de l’homme des migrants restent fréquemment violés dans de nombreux endroits, souvent de manière grave », a dit M. González Morales.

Discrimination, abus, exploitation et marginalisation

Dans ces conditions, si la sécurité est une préoccupation légitime, elle ne doit pas être abordée au prix d’une violation des droits de l’homme des migrants. Les réglementations générales en matière de sécurité qui laissent un pouvoir discrétionnaire aux autorités étatiques conduisent rapidement à l’arbitraire et à l’absence de responsabilité pour les violations des droits de l’homme. 

L’autre écueil porte sur la cohérence dans le temps des politiques migratoires cohérentes. Dans de nombreux États, les politiques migratoires sont extrêmement volatiles, changeant non seulement d’un gouvernement à l’autre, mais même lorsqu’il n’y a pas eu de changement de gouvernement. « Cela place les migrants dans des situations très vulnérables », a détaillé l’expert indépendant onusien.

Le rapport présenté devant le Conseil reconnaît tout de même la complexité des facteurs conduisant à la migration irrégulière, qui est souvent la conséquence de voies régulières limitées. « La majorité des migrants du monde arrivent dans les pays de destination par des voies régulières et deviennent [irréguliers] à un stade ultérieur, en raison de procédures de migration peu claires ou trop bureaucratiques, de discriminations ou d’obstacles pratiques », a-t-il fait valoir. 

Le Rapporteur spécial a noté que de nombreux migrants sans papiers continuent de lutter contre l’absence de statut migratoire régulier : ils vivent et travaillent dans des circonstances critiques et peuvent être soumis de manière disproportionnée à la discrimination, aux abus, à l’exploitation et à la marginalisation. L’absence de statut régulier les empêche souvent de signaler les violations par crainte d’être expulsés. 

Felipe González Morales, rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants
LIBE/European Parliament
Felipe González Morales, rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants

Politiques antidiscriminatoires

« Quelles que soient les circonstances qui les ont conduits à l’irrégularité, la jouissance de leurs droits humains est affectée de manière négative », a affirmé M. González Morales, soulignant que l’intersection entre la migration et d’autres formes de discrimination et la criminalisation de l’irrégularité exacerbent encore la vulnérabilité des migrants irréguliers.

Dans son rapport au Conseil des droits de l’homme, le Rapporteur spécial a examiné comment les États peuvent renforcer la protection des droits de l’homme des migrants en concevant et en révisant les voies de régularisation qui sont centrées sur les personnes, sensibles aux enfants, sensibles au genre et tenant compte des traumatismes.

« Le statut migratoire régulier protège les migrants de la détention et de l’expulsion, réduit la probabilité d’exploitation et facilite leur accès à la justice, tout en leur permettant de participer pleinement à la société », a déclaré l’expert. 

Il a souligné que les procédures de régularisation améliorent l’accès des migrants à la protection sociale, aux soins de santé, à un travail décent, à l’éducation, à des conditions de vie adéquates et au regroupement familial, ce qui leur permet de mener une vie plus sûre et plus digne. 

« Les processus de régularisation doivent s’accompagner de politiques antidiscriminatoires afin de garantir la pleine jouissance des droits de l’homme par les migrants », a dit M. González Morales, exhortant les gouvernements à « mettre fin à la criminalisation des migrants en situation irrégulière, à promouvoir la solidarité, à changer le discours sur la migration et à lutter contre la xénophobie, le racisme et la discrimination ».

Des migrants attendent de pouvoir rejoindre l'Angleterre depuis un camp de migrants à Calais, dans le nord de la France. (archive)
© UNICEF/Laurence Geai
Des migrants attendent de pouvoir rejoindre l'Angleterre depuis un camp de migrants à Calais, dans le nord de la France. (archive)

Condamnation de l’utilisation des migrants comme outil politique

Les gouvernements devraient également s’attaquer aux causes profondes qui poussent les gens à migrer de manière irrégulière. D’autant que « la migration peut apporter des expériences positives et valorisantes aux migrants, à leurs familles et à leurs communautés, tant dans les pays d’origine que dans les pays de destination ». 

Par ailleurs, le Rapporteur spécial s’est penché sur sa visite au Belarus et en Pologne où les pratiques de refoulement aux frontières ont coûté la vie à des migrants. Des décès ont été signalés des deux côtés de la frontière depuis 2021 et jusqu’à la finalisation du rapport. 

« Le Belarus et la Pologne devraient prendre toutes les mesures de précaution raisonnables pour protéger les vies et empêcher un usage excessif de la force », a-t-il dit, relevant que la situation des migrants à la frontière entre le Bélarus et la Pologne « reflète la crise géopolitique dans la région ».

Il a ainsi condamné fermement l’utilisation des migrants comme outil politique. « Les migrants ne doivent pas être utilisés ou sacrifiés. Pour trouver des solutions, j’appelle le Bélarus, la Pologne et l’Union européenne à mener un dialogue constructif, surtout pour éviter de nouvelles pertes de vies humaines et s’assurer que la protection des droits de l’homme des migrants est au centre de toute solution adoptée », a insisté l’expert.

NOTE :

Les Rapporteurs spéciaux et Experts indépendants font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand corps d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations Unies, est le nom général donné aux mécanismes indépendants d’établissement des faits et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire; ils ne font pas partie du personnel de l’ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.