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La lutte contre « l’ère sombre de l’intolérance » commence par l’éradication des discours de haine

S'unir contre les discours de haine
Nations Unies
S'unir contre les discours de haine

La lutte contre « l’ère sombre de l’intolérance » commence par l’éradication des discours de haine

Développement durable (ODD)

Du racisme institutionnel au génocide, les racines sont les mêmes, selon des personnes en première ligne du changement qui ont partagé leurs histoires avec ONU Info en amont de la Journée internationale de la lutte contre les discours de haine, célébrée dimanche.

Le rôle des médias sociaux dans la lutte contre le discours de haine

Du COVID-19 au changement climatique, les échanges haineux entre ceux qui ont des opinions opposées sont une préoccupation croissante, a déclaré Latifa Akharbach, présidente de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA) au Maroc.

L'« échec » de la communauté internationale dans la gestion et la régulation des migrations « alimente les commanditaires de discours haineux » et les aide à mener à bien leurs projets  », a-t-elle ajouté, appelant les gouvernements à adopter des positions équitables face aux mouvements de séparation, au terrorisme et aux violations des droits de l'homme.

Elle a partagé son point de vue en marge du neuvième Forum mondial de l'Alliance des civilisations des Nations unies (UNAOC), à Fès, au Maroc, où un panel sur la lutte contre les discours de haine en ligne sur les médias sociaux a revisité la stratégie et le plan d'action des Nations Unies sur le discours de haine, lancés à cette date en 2019.

Le déclin de la diversité est une autre préoccupation, a déclaré Faouzi Skali, président du Festival de la culture soufie de Fès. La promotion de la diversité doit être comprise à travers le domaine médiatique et les réseaux sociaux, surtout à un moment où elle disparaît déjà dans le monde, a-t-il expliqué.

Notant que 100 langues sont parlées par 95 % de la population mondiale, il a indiqué que seules « 12 d'entre elles dominent l'ensemble de la communication numérique à l'échelle planétaire ». Au rythme actuel, « nous perdons environ une langue par semaine », a-t-il ajouté, notant qu'il ne reste que 6 000 langues sur les 20 000 parlées à l'ère néolithique.

Henriette Mutegwaraba, survivante du génocide contre les Tutsis au Rwanda et fondatrice du fonds d'aide aux victimes du génocide Million Lives, prend la parole lors de la commémoration de la Journée internationale de réflexion sur le génocide de 1994.
UN Photo/Loey Felipe
Henriette Mutegwaraba, survivante du génocide contre les Tutsis au Rwanda et fondatrice du fonds d'aide aux victimes du génocide Million Lives, prend la parole lors de la commémoration de la Journée internationale de réflexion sur le génocide de 1994.

Avant TikTok

Si les médias sociaux avaient existé en 1994, le génocide contre les Tutsis au Rwanda aurait été « bien pire », selon Henriette Mutegwaraba, une survivante, qui se souvient des discours de haine propagés par la radio à l'époque.

« Un message qui mettait des années à se propager peut aujourd'hui être diffusé et, en une seconde, tout le monde peut le voir », a-t-elle expliqué. « S'il y avait eu Facebook, Tik Tok et Instagram, la situation aurait été bien pire. Les mauvaises personnes s'adressent toujours aux jeunes, dont l'esprit est facile à corrompre. Qui est sur les médias sociaux aujourd'hui ? La plupart du temps, des jeunes ».

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L'ère sombre de l'intolérance

Mita Hosali, directrice adjointe du département de la communication globale des Nations Unies (DGC), a déclaré que les jeunes sont souvent considérés aujourd'hui comme les vecteurs de tendances toxiques telles que les discours de haine en ligne.

« Nous entrons de plus en plus dans une ère sombre d'intolérance, alimentée par la polarisation et la désinformation, et il y a toutes sortes de « faits » qui circulent », a-t-elle averti.

« C'est comme une montée en puissance de l'extrémisme », a déclaré Mme Hosali. « On commence au bas de l'échelle avec un stéréotype, puis on passe aux emojis et aux « mèmes », qui conduisent à un discours nuisible. Le discours nuisible mène au discours de haine, un torrent de haine s'accumule et aboutit à l'incitation à la violence. Et puis, il y a la violence proprement dite ».

Les entreprises technologiques doivent maintenant faire preuve de leadership et de responsabilité en matière de modération afin de mettre en place des garde-fous pour un discours en ligne respectueux, a-t-elle insisté.

« Cela se résume aux dirigeants, qu'ils soient politiques, commerciaux, religieux ou communautaires », a-t-elle déclaré, soulignant que ces efforts doivent également commencer au sein de la famille et se propager à travers tous les cercles d'influence afin que les gens ordinaires luttent contre les discours de haine. « À mon avis, les jeunes sont les catalyseurs du changement ».

 Des enfants sur un terrain de jeu au Costa Rica.
© UNICEF Costa Rica
Des enfants sur un terrain de jeu au Costa Rica.

Penser de manière responsable

Leslee Udwin a rencontré la haine de près lorsqu'elle a interviewé les auteurs d'un viol collectif vicieux et mortel d'une jeune femme pour son film India's Daughter.

« Ces violeurs et ces meurtriers avaient appris à haïr », a-t-elle dit.

C'est dans cet esprit qu'elle a posé sa caméra et lancé Think Equal, un programme soutenu par les Nations Unies, présent dans plus de 50 pays et fondé sur les principes de l'ancien dirigeant sud-africain Nelson Mandela : aucun enfant ne naît en haïssant un autre être humain.

« C'est le fondement même de citoyens du monde responsables, de sociétés pacifiques, inclusives et cohésives, et du développement humain », a-t-elle expliqué. « Nous devons prendre nos responsabilités, en particulier dans les premières années de leur vie. Nous sommes négligents si nous ne nous efforçons pas de créer des cerveaux prosociaux chez nos enfants les plus jeunes et les plus vulnérables, et c'est l'objectif de Think Equal ».

Changer l'histoire

Valika Smeulders, historienne en chef du Rijksmuseum d'Amsterdam, qui a présenté une exposition intitulée Dix histoires vraies de l'esclavage colonial néerlandais à l'ONU, a déclaré que le monde universitaire et des organisations telles que l'UNESCO demandent aux musées, depuis les années 1990, de présenter davantage l'histoire sociale de l'esclavage, dont l'héritage imprègne la société d'aujourd'hui.

« Il ne s'agit pas seulement d'histoire, mais aussi de notre avenir commun », a-t-elle déclaré. « L'héritage de l'esclavage est présent parmi nous tous les jours. Nous devons nous y attaquer, en particulier à tous les types de discrimination et de racisme qui existent encore ».

Une partie de la solution consiste à « reconnaître qu'en comprenant ce passé, nous comprenons également la société d'aujourd'hui », ajoutant qu'il était « vraiment important pour nous» que cette conversation ait lieu à l'ONU et que l'exposition serve de « bâton de parole ».

Immaculée Songa : survivante du génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda

Pas de raccourcis

« Il n'y a pas de raccourci pour s'assurer que les discours de haine disparaissent », a insisté Mme Hosali.

Faisant référence à la campagne des Nations Unies #NoToHate, elle a résumé en disant que « chacun d'entre nous, quel que soit le milieu auquel il appartient, a un rôle à jouer ».

Apprenez comment l'ONU lutte contre le discours de haine ici, et testez vous avec notre quiz.

Comment pouvez-vous lutter contre le discours de haine ?

Vous pouvez faire la différence. Rejoignez la campagne avec le hashtag #NoToHate. Les discours de haine sont présents dans toutes les sociétés, que ce soit hors ligne ou en ligne.

Bien qu'il puisse sembler insurmontable d'essayer de faire face à un contenu manifestement haineux, voici quelques conseils sur la façon dont vous pouvez prendre position, même si vous n'êtes pas personnellement victime d'un discours de haine :

S'engager à faire une pause : Abstenez-vous de faire vous-même des commentaires haineux et/ou de partager de tels contenus. Consultez la campagne de l'ONU #PledgetoPause pour savoir pourquoi il est important de prendre un moment de pause avant de partager un contenu en ligne.

Vérifier les faits : Pour détecter les informations fausses et tendancieuses, y compris la propagande haineuse, veillez à vérifier l'origine du contenu à l'aide de moteurs de recherche, d'outils de vérification des faits et d'autres sources fiables. Vous pouvez également télécharger des images et les soumettre à des outils de recherche d'images pour savoir où elles sont apparues en premier.

Réagissez : Dans la mesure du possible, ne restez pas silencieux, même lorsque d'autres personnes sont prises pour cible. Exprimez-vous calmement mais fermement contre les discours de haine, et dénoncez-les pour montrer clairement que vous n'êtes pas d'accord avec leur contenu. Le cas échéant, réfutez la désinformation par des faits, en fournissant des sources fiables.

Défier : diffusez votre propre contre-discours. Vous pouvez saper les contenus haineux par des messages positifs qui diffusent la tolérance, l'égalité et la vérité pour défendre ceux qui sont la cible de la haine.

Soutenir : Prendre publiquement position pour les personnes qui sont la cible de discours haineux et leur témoigner de la solidarité, c'est montrer que le rejet de la haine est la responsabilité de chacun.

Signaler : La plupart des plateformes et communautés en ligne disposent de règles visant à préserver le respect des discussions entre utilisateurs et vous permettent de signaler facilement les messages haineux aux administrateurs ou aux modérateurs. Pour les cas plus graves pouvant constituer une incitation à la violence, au harcèlement et/ou à des menaces interdites par la loi, informez les organisations luttant contre le discours de haine et/ou déposez une plainte auprès de la police ou du procureur de la République. 

Éduquer : Sensibilisez les gens en ligne ou hors ligne en engageant des conversations avec votre famille et vos amis sur la façon dont les contenus haineux peuvent nuire à la société. Plaidez pour un comportement responsable et partagez les campagnes publiques et les ressources éducatives.

S'engager : Envisagez de rejoindre une initiative qui s'attaque au problème du discours de haine dans votre communauté.

Rires et sourires des enfants des rues de Djakarta, en Indonésie.
OIT/Yodhi Prasetyo