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Soudan : l’ONU appelle les belligérants à respecter le cessez-le-feu de 72 heures

Un immeuble résidentiel à Khartoum est endommagé après avoir été touché par un missile.
Mohammed Shamseddin
Un immeuble résidentiel à Khartoum est endommagé après avoir été touché par un missile.

Soudan : l’ONU appelle les belligérants à respecter le cessez-le-feu de 72 heures

Paix et sécurité

Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a encouragé les belligérants au Soudan à respecter le cessez-le-feu de 72 heures négocié par les États-Unis et à se mettre d’accord sur une cessation définitive des hostilités.

Lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, mardi après-midi, sur la situation au Soudan, le chef de l’ONU a souligné que depuis que les affrontements ont éclaté il y a dix jours entre l’armée régulière et des paramilitaires, au moins 450 personnes ont été tuées, plus de 4.000 personnes blessées, et des dizaines de milliers d’autres ont fui leur domicile. 

Les informations venant de la capitale soudanaise Khartoum brossent « un tableau dévastateur » : les gens sont piégés chez eux, terrifiés, avec des réserves de nourriture, d'eau, de médicaments et de carburant qui s'amenuisent. Les services de santé sont au bord de l'effondrement et selon l'Organisation mondiale de la Santé, plusieurs hôpitaux sont utilisés par des groupes armés. 

Dans tout le pays, des affrontements armés sont signalés. Des personnes ont fui leurs foyers dans les États du Nil Bleu et du Kordofan du Nord, ainsi qu'à travers le Darfour. Des réfugiés et des rapatriés sont arrivés au Tchad, en Égypte et au Soudan du Sud. 

Un conflit qui menace la région 

Selon le Secrétaire général, le conflit au Soudan menace de se propager dans les autres pays de la région, où la situation sécuritaire et humanitaire est fragile. Ce conflit « allume une mèche qui pourrait exploser au-delà des frontières, causant d'immenses souffrances pendant des années et retardant le développement de plusieurs décennies », a-t-il prevenu. 

Pour cette raison, « les combats doivent cesser immédiatement », a déclaré M. Guterres, qui a appelé les parties au conflit, les généraux Abdel Fattah al-Burhan et Mohamed Hamdan Daglo « Hemedti », ainsi que les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide, à faire taire les armes. 

« Ce conflit ne sera pas et ne doit pas être résolu sur le champ de bataille », a-t-il plaidé, notant que le peuple soudanais a exprimé très clairement ses souhaits envers « la paix et le rétablissement d'un régime civil grâce à la transition vers la démocratie ». 

« Les parties au conflit doivent respecter le cessez-le-feu de 72 heures négocié par les États-Unis et se rencontrer pour établir une cessation définitive des hostilités », a-t-il déclaré. 

Des milliers de réfugiés traversent la frontière vers le Tchad pour fuir la violence au Soudan.
© UNHCR/Aristophane Ngargoune
Des milliers de réfugiés traversent la frontière vers le Tchad pour fuir la violence au Soudan.

Retourner à la table des négociations 

Le Secrétaire général a exhorté tous les membres du Conseil de sécurité et les autres États Membres et organisations régionales influentes à les encourager « à désamorcer les tensions et à retourner immédiatement à la table des négociations ». 

Il a rappelé que l’ONU a décidé de reconfigurer sa présence au Soudan pour protéger ses employés et leurs familles « tout en restant et en apportant un soutien au peuple soudanais ». 

Le Représentant spécial du Secrétaire général, Volker Perthes, reste dans le pays et l’ONU a établi une plaque tournante à Port-Soudan pour pouvoir continuer de travailler avec ses partenaires. 

Un cessez-le-feu qui semble tenir 

Depuis la ville de Port-Soudan, M. Perthes est également intervenu, mardi, devant les membres du Conseil de sécurité. Il a jugé positif le cessez-le-feu de 72 heures négocié par les États-Unis le 24 avril. 

« Ce cessez-le-feu temporaire semble jusqu'à présent tenir dans certaines régions ; cependant, des informations faisant état de tirs sporadiques continuent d'arriver ainsi que des informations concernant la relocalisation de troupes. Les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide se sont mutuellement accusées de violer le cessez-le-feu », a-t-il dit. 

L’envoyé de l’ONU a indiqué par ailleurs que la situation au Darfour reste instable. 

Au Darfour Nord, grâce à un cessez-le-feu local, la violence a diminué pendant la période de l'Aïd al-Fitr. Le cessez-le-feu a été renouvelé et tient toujours. 

Au Darfour Occidental, cependant, les combats à El Geneina, près de la frontière tchadienne, ont repris avec des informations de plus en plus nombreuses et inquiétantes sur des tribus qui s'arment et se joignent au combat. 

Nyala, dans le Darfour Sud , continue de subir des combats, bien que des initiatives locales visant au dialogue aient conduit à un calme relatif dans certaines localités. 

Catastrophe humanitaire 

De manière générale, Volker Perthes a estimé que les combats au Soudan « ont créé une catastrophe humanitaire dont les civils font les frais ». 

« Les deux parties belligérantes se sont affrontées au mépris des lois et des normes de la guerre, attaquant sans discernement des zones densément peuplées, des hôpitaux, des magasins et des voitures civiles transférant des malades, des blessés et des personnes âgées », a-t-il dit. 

Il a exhorté les deux parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et à assurer la protection des civils et des infrastructures civiles. 

Selon Volker Perthes, les deux généraux n'ont pas été en mesure de s'engager pleinement à un cessez-le-feu complet ou à en mettre en œuvre un. « Les deux généraux continuent d'échanger des accusations et d'émettre des revendications concurrentes de contrôle sur des installations clés. Il n'y a pas encore de signe sans équivoque que l'un ou l'autre soit prêt à négocier sérieusement, suggérant que les deux pensent qu'il est possible d'assurer une victoire militaire sur l'autre. C'est une erreur de calcul », a-t-il estimé. 

« Au fur et à mesure que les combats se poursuivent, la loi et l'ordre continueront de s'effondrer dans tout le pays », a prévenu l’envoyé de l’ONU. « Le Soudan pourrait devenir de plus en plus fragmenté, ce qui aurait un impact dévastateur sur la région ». 

Il a souligné que l'ONU et ses partenaires redoublent d'efforts pour faire en sorte que le cessez-le-feu temporaire de 72 heures se maintienne et « se transforme en une cessation durable des hostilités et un retour aux négociations politiques ». 

« Les deux chefs militaires doivent adhérer au cessez-le-feu et œuvrer à sa consolidation en une cessation permanente des hostilités, facilitée par un mécanisme. L'ONU est prête à apporter son soutien. J'appelle également les États membres ayant une influence sur les parties belligérantes à soutenir ces efforts. Je compte particulièrement sur le soutien de ce Conseil », a-t-il conclu.

Des opérations humanitaires en péril 

La cheffe adjointe de l'humanitaire de l'ONU, Joyce Msuya, a aussi estimé nécessaire que les affrontements cessent immédiatement.

Elle a rappelé qu'avant le 15 avril, les besoins humanitaires au Soudan étaient « à un niveau record » : 15,8 millions de personnes – soit un tiers de la population – avaient besoin d'aide humanitaire ; 4 millions d'enfants et de femmes enceintes et allaitantes souffraient de malnutrition ; 3,7 millions de personnes étaient déplacées à l'intérieur du pays.

« Ce conflit ne fera pas qu'approfondir ces besoins. Il menace également de déclencher une toute nouvelle vague de défis humanitaires », a dit la haute responsable onusienne.

Elle a déclaré que les combats « entravent massivement et mettent en péril les opérations d'aide ».

Elle a toutefois insisté sur le fait que même si la communauté humanitaire a été contrainte de réduire sa présence dans les zones où les combats sont les plus intenses, elle ne quitte pas le Soudan. « Une équipe de leadership humanitaire restera dans le pays, basée à Port-Soudan, pour diriger les opérations », a-t-elle précisé.

« Dans la mesure du possible, les opérations humanitaires se poursuivent, grâce au dévouement des travailleurs humanitaires, y compris nos partenaires locaux. Ensemble, nous continuons à apporter notre aide chaque fois que c'est possible, en particulier dans les domaines de la santé et de la nutrition », a souligné Mme Msuya.

« Nous explorons les moyens de reconstituer nos stocks afin de pouvoir fournir de l'aide à nos partenaires à Port-Soudan et ailleurs, dès que cela sera possible en toute sécurité. Nous activons une plaque tournante à Nairobi pour soutenir la réponse rapide », a-t-elle ajouté. « Et nous nous préparons à des afflux de réfugiés dans les pays de la région ».