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Hannah McGlade, avocate australienne autochtone spécialisée en droits de l'homme.

TÉMOIGNAGE - Les autochtones d’Australie souffrent d'un racisme institutionnel permanent

ONU Info/ Conor Lennon
Hannah McGlade, avocate australienne autochtone spécialisée en droits de l'homme.

TÉMOIGNAGE - Les autochtones d’Australie souffrent d'un racisme institutionnel permanent

Droits de l'homme

À l'issue de la session de cette année, l'Instance permanente de l’ONU sur les questions autochtones  a émis une série de recommandations, qui comprennent l'inclusion des pratiques et des connaissances autochtones dans les stratégies d'atténuation du changement climatique, ainsi que le renforcement de la protection des femmes et des langues autochtones.

Les centaines de dirigeants et de représentants de communautés autochtones du monde entier ont conclu vendredi deux semaines de discussions axées principalement sur la santé humaine et planétaire en exhortant les États membres et les agences de l'ONU à « reconnaître que les conceptions autochtones de la santé humaine et planétaire doivent être un pilier de l'Agenda 2030 pour le développement durable ».

Pour Hannah McGlade, une militante australienne autochtone et avocate spécialisée dans les droits de l'homme, les décisions prises à l'ONU peuvent inciter les gouvernements à améliorer les droits des peuples autochtones qui sont toujours victimes de discrimination.

Elle représente le peuple Kurin Minang Noongar à l'Instance permanente sur les questions autochtones.

Mme McGlade s'est entretenue avec ONU Info au siège de l'ONU, lors de la session 2023 de l'Instance, qui s'est tenue du 17 au 28 avril.

« Je suis une militante au sein de ma communauté depuis que je suis jeune. J'ai décidé d'étudier le droit parce que je pensais pouvoir contribuer à améliorer la situation des droits de l'homme.

J'ai eu la chance de pouvoir entreprendre un master en droits de l'homme internationaux, que j'utilise donc du mieux que je peux dans les forums internationaux, et je plaide également pour des réformes en Australie, parce que notre situation en matière de droits de l'homme est très grave.

Mon peuple, les Noongar, a été violemment dépossédé de ses terres par les Britanniques et a été réduit en esclavage : mon arrière-grand-mère était une ‘enfant travailleur’ qui travaillait sous contrat. Les personnes qui ont résisté aux lois très cruelles de l'époque ont été incarcérées et emmenées de leur pays, enchaînées, jusqu'à une île-prison, où beaucoup sont mortes. Les enfants autochtones ont été enlevés de force à leur famille, en masse, dans le cadre d'une politique dite d'assimilation.

Telle est notre histoire violente. Pendant mon enfance, nous avons été confrontés à de nombreux problèmes, notamment le racisme et le ciblage des autochtones, y compris des jeunes, par la police, la violence à l'égard des femmes, le refus de nos droits fonciers et la pauvreté.

Racisme codé, droits bafoués

Aujourd'hui, le racisme est encore très présent dans les médias et dans la société.

Nous sommes confrontés à de graves problèmes de droits de l'homme, notamment l'enlèvement d'enfants à leur mère, le taux élevé d'incarcération des autochtones, en particulier des enfants et des jeunes, dans des conditions très inhumaines.

L'Australie n'est pas le pays dans lequel j'ai grandi, où l'on utilisait un langage ouvertement raciste et désobligeant. Mais il y a aujourd'hui un racisme plus codé. Par exemple, la terriblement triste question des abus sexuels commis sur des enfants autochtones est utilisée comme excuse pour retirer des enfants à leur famille.

Il y a beaucoup de résistance à la reconnaissance de nos droits, même le droit d'avoir notre propre organisme national autochtone, ce qui ne devrait pas être discuté à notre époque.

D'une certaine manière, selon les propres données du gouvernement la situation de nos droits s'aggrave.

Nous constatons une augmentation de l'incarcération des autochtones, un nombre croissant d'enfants autochtones retirés à leur mère et à leur famille, de plus en plus souvent confiés à des familles non autochtones où ils perdent leur identité culturelle. Nous constatons également une augmentation du nombre de suicides d'autochtones.

Il s'agit là des conséquences choquantes et persistantes de la colonisation et nous savons que le racisme et la discrimination systémiques et institutionnels sont un moteur essentiel de ces problèmes.

La lutte pour une voix au parlement

Il y a eu quelques améliorations. Nous envisageons maintenant un référendum national pour modifier la Constitution australienne, afin de consacrer une voix autochtone démocratiquement élue au Parlement, qui sera consultée et entendue sur les questions concernant les autochtones. Il s'agirait d'une réforme historique et très importante de la Constitution.

J'espère vraiment que nous allons procéder à ce changement. Mais bien sûr, nous sommes une minorité, à peine 4% de la population, et une majorité d'Australiens devra voter en faveur de la réforme.

Nous demandons également à l'Australie d'adopter un plan d'action national basé sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il s'agit d'une recommandation de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones en 2014 et cela n'a toujours pas été fait. L'Australie ne peut prétendre être un leader international alors qu’elle ne respecte pas ses engagements internationaux à l'égard des peuples autochtones.

Vue générale de l'ouverture de la dix-septième session de l'Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones.
ONU Photo/Evan Schneider
Vue générale de l'ouverture de la dix-septième session de l'Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones.

Le pouvoir du droit international

Nous avons plus de chances d'influencer les réformes nationales dans notre pays en plaidant notre cause devant l'ONU et dans les forums de l'ONU

Cette Instance est une véritable occasion pour nous de soulever les questions relatives aux droits de l'homme des peuples autochtones auprès des gouvernements du monde entier et des peuples autochtones du monde entier qui nous écoutent. Les décisions prises ici ne sont peut-être pas contraignantes au niveau national, mais les États membres des Nations Unies ont l'obligation de s'engager réellement et de faire respecter nos droits en tant que peuples autochtones.

Parfois, nous avons plus de chances d'influencer les réformes nationales dans notre pays en plaidant notre cause devant l'ONU et dans les forums de l'ONU : l'ONU reste un forum international prestigieux que nos gouvernements doivent respecter.

J'ai utilisé les mécanismes de l'ONU pour faire avancer la question de la violence à l'égard des femmes autochtones en Australie. Pendant plus de cinq ans, je me suis rendue devant divers organes de traités de l'ONU et j'ai mis en évidence ce problème et l'incapacité du gouvernement à allouer des ressources et à élaborer des politiques pertinentes. Cela a finalement conduit le gouvernement australien à s'engager à agir.

Nous faisons désormais partie des Nations Unies et des affaires mondiales. Avec la menace du changement climatique et notre avenir en jeu, il devrait être très clair que les peuples autochtones ont leur place dans ce dialogue ».

L'Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones

  • L'Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones (UNPFII) est un organe consultatif de haut niveau du Conseil économique et social. L'Instance a été créée pour traiter des questions autochtones liées au développement économique et social, à la culture, à l'environnement, à l'éducation, à la santé et aux droits de l'homme.
     
  • Outre les six domaines du mandat (développement économique et social, culture, environnement, éducation, santé et droits de l'homme), chaque session est axée sur une question spécifique.
     
  • L'Instance permanente est l'un des trois organes des Nations Unies chargés de traiter spécifiquement les questions relatives aux peuples autochtones. Les autres sont le Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones et le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones.
     
  • La session 2023 de l'Instance s'est déroulée du 17 au 28 avril au siège de l'ONU.