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Liban : une experte de l’ONU inquiète de l’ingérence dans l’enquête sur l’explosion de Beyrouth

Le port de Beyrouth, au Liban, a été largement détruit par une double explosion le 4 août 2020.
Photo OIM/Muse Mohammed
Le port de Beyrouth, au Liban, a été largement détruit par une double explosion le 4 août 2020.

Liban : une experte de l’ONU inquiète de l’ingérence dans l’enquête sur l’explosion de Beyrouth

Droits de l'homme

Une experte indépendante de l’ONU a exprimé mercredi sa profonde préoccupation concernant l’ingérence dans une enquête sur l’explosion du port de Beyrouth en 2020, au Liban, y compris les menaces contre le juge d’instruction.

La Rapporteure spéciale des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats, Margaret Satterthwaite, s’est dite « profondément troublée » par les informations selon lesquelles d’anciens responsables de l’État et d’autres personnes impliquées dans l’affaire ont eu recours « de manière malhonnête à des procédures de récusation et à d’autres actions contestataires dirigées contre les juges d’instruction nommés pour examiner l’affaire ».

« Cela a entraîné le remplacement d’un juge d’instruction en février 2021, et plusieurs suspensions de l’enquête ces derniers mois », a déclaré Margaret Satterthwaite, condamnant « les retards excessifs qui ont empêché la justice pour les personnes touchées par l’explosion ».

Elle a indiqué que le juge aurait reçu des menaces de mort crédibles et bénéficie actuellement d’une protection militaire. « Le juge B Tarek Bitar doit avoir la sécurité dont il a besoin pour mener à bien son travail », a alerté Mme Satterthwaite, exhortant Beyrouth à veiller à ce que les menaces dont il fait l’objet fassent l’objet d’une enquête. « Il faut que le juge, ses collègues et sa famille soient protégés de manière adéquate ».

Elle a exhorté les autorités libanaises à prendre des mesures immédiates pour protéger l’indépendance et l’intégrité de l’enquête et veiller à ce que les responsables de l’explosion puissent être tenus responsables.

Plusieurs requêtes déposées dans l’intention de retirer le juge Bitar de l’affaire

« Les juges ne devraient jamais être menacés ou soumis à des sanctions pénales ou disciplinaires simplement pour avoir fait leur travail », a affirmé l’experte de l’ONU, relevant avoir été en contact avec le gouvernement libanais au sujet de ces allégations.

Margaret Satterthwaite a noté qu’à ce jour personne n’avait été jugé pour l’explosion d’août 2020, qui a fait 218 morts, 7.000 blessés et 300.000 déplacés.

L’experte de l’ONU a souligné des informations selon lesquelles depuis que l’explosion a été renvoyée au Conseil judiciaire libanais pour enquête, les autorités ont rejeté les demandes judiciaires de lever l’immunité parlementaire. Des blocages sont également notés pour les demandes d’autorisation pour l’interrogatoire des responsables de la sécurité.

« Le 23 janvier 2023, le juge Bitar a annoncé qu’après une pause, il reprendrait les enquêtes sur l’explosion du port. Deux jours plus tard, il a été inculpé de plusieurs délits, dont "usurpation de pouvoir", et une interdiction de voyager lui a été imposée », a dit l’experte.

« Un certain nombre de requêtes ont été déposées dans l’intention de retirer le juge Bitar de l’affaire, et une campagne est en cours à la télévision et sur les réseaux sociaux pour le discréditer », a-t-elle fait valoir.

Le gouvernement n’a pas non plus exécuté les mandats d’arrêt contre d’anciens ministres. Le juge Tarek Bitar, qui a été nommé pour diriger l’enquête en février 2021, a dû faire face à des obstacles et à des menaces croissantes pour mener à bien son travail, a déclaré la Rapporteure spéciale.

NOTE

Les Rapporteurs spéciaux font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand corps d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations Unies, est le nom général donné aux mécanismes indépendants d’établissement des faits et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire; ils ne font pas partie du personnel de l’ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.