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Une clôture en fil de fer barbelé entoure un centre de détention.

Arrêtez la persécution des défenseurs des droits humains au Bélarus, plaide l’ONU

Unsplash/Hédi Benyounes
Une clôture en fil de fer barbelé entoure un centre de détention.

Arrêtez la persécution des défenseurs des droits humains au Bélarus, plaide l’ONU

Droits de l'homme

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et des experts indépendants de l’ONU se sont insurgés vendredi contre les lourdes condamnations infligées au Bélarus à plusieurs militants des droits humains, dont le prix Nobel de la paix Ales Bialiatski. 

« Les peines de prison prononcées aujourd’hui au Bélarus contre quatre défenseurs des droits humains, dont le lauréat du prix Nobel de la paix Ales Bialiatski, pour trafic illicite et extrémisme, sont profondément troublantes et révélatrices de la répression en cours dans le pays », a déclaré une porte-parole du Haut-Commissariat, Ravina Shamdasani.   

Ales Bialiatski, président du Centre des droits humains Viasna, a été condamné à 10 ans de prison. Trois autres membres de Viasna - Valiantsin Stefanovich, Uladzimir Labkovich et Dzmitry Salauyou - ont été condamnés respectivement à neuf, sept et huit ans de prison. M. Salauyou a été jugé par contumace. 

1.458 détenus politiques au Bélarus 

Mme Shamdasani a ajouté que « le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire et d’autres violations des garanties d’un procès équitable ont entraîné des poursuites et des condamnations pénales contre des défenseurs des droits humains pour leur travail légitime en faveur des droits humains au Bélarus ». 

« Le 17 février, 10 membres du mouvement ouvrier Rabochy Rukh, dont six syndicalistes indépendants, ont été condamnés à des peines allant de 12 à 15 ans d’emprisonnement pour extrémisme et haute trahison. Le 8 février, le journaliste Andrzej Poczobut a pour sa part été condamné à huit ans de prison », a rappelé la porte-parole, se déclarant profondément préoccupée « par le fait qu’à ce jour, quelque 1.458 personnes seraient détenues au Bélarus pour des motifs politiques ». 

« Alors que nous célébrons le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, appelle à mettre fin à la persécution des défenseurs des droits de l’homme et des personnes exprimant des opinions dissidentes, et à mettre fin à la détention arbitraire une fois pour toutes », a-t-elle ajouté. 

Ales Bialiatski, défenseur des droits humains au Belarus et Prix Nobel de la paix (archive)
© Bladyniec
Ales Bialiatski, défenseur des droits humains au Belarus et Prix Nobel de la paix (archive)

Des experts de l’ONU appellent à rechercher la vérité et la justice 

Réagissant eux aussi à ces condamnations, plusieurs experts de l’ONU* ont exhorté la communauté internationale « à rechercher sans relâche la vérité et la justice » pour toutes les victimes de violations des droits humains au Bélarus.  

« Le verdict d’aujourd’hui résulte de l’utilisation ciblée de la persécution pénale et de l’instrumentalisation du système judiciaire par les autorités bélarusses pour étouffer tout examen minutieux et toute dissidence à l’égard de ses politiques répressives », ont déclaré ces experts. 

« Bien que la décision soit un rappel amer qu’il n’existe pas de système judiciaire indépendant au Bélarus, la recherche de responsabilité et de justice ne doit pas cesser », ont-ils protesté.   

Alors que M. Bialiatski a été reconnu coupable de « contrebande par un groupe organisé » et de « financement d’actions de groupe portant gravement atteinte à l’ordre public », les experts se sont dit gravement préoccupés par le fondement de ces accusations, qui ont mené à des poursuites pénales, et pour le respect des droits à la liberté d’expression, d’association et de mener des activités en faveur des droits humains. 

« Le gouvernement a éradiqué l’espace civique et la liberté d’expression » 

Ales Bialiatski a fondé le Centre des droits de l’homme Viasna ou « printemps » en 1996, et a fait campagne contre les arrestations arbitraires et les violations des droits humains commises par les autorités bélarusses. Il a été emprisonné pour la première fois en 2011 (passant 1.052 jours dans une colonie pénitentiaire) et détenu à nouveau en juillet 2021, à la suite d’un raid dans les locaux de Viasna. 

Les experts ont rappelé que le tribunal du district Leninsky de Minsk a également lourdement condamné les collègues de M. Bialiatski à Viasna en raison de leur travail de documentation de la répression violente contre des centaines de milliers de manifestants qui contestaient les résultats de l’élection présidentielle d’août 2020. 

« Nous devons honorer le courage de tous les défenseurs des droits de l’homme qui mettent leur liberté en danger et exiger justice pour toutes les victimes de violations des droits de l’homme au Bélarus », ont déclaré les experts, se déclarant gravement préoccupés « par le fait que, dans ses efforts pour se maintenir au pouvoir à tout prix, le gouvernement actuel a éradiqué l’espace civique et écrasé la liberté d’expression ».  

Ils ont réitéré leur appel en faveur de leur libération immédiate, de l’accès à un procès équitable et de réparations pour les préjudices subis, en déplorant que « le travail en faveur des droits de l’homme soit criminalisé au Bélarus à un moment où la société civile est si nécessaire ». 

*Les experts : Anaïs Marin, Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l’homme au Bélarus ; Fionnuala Ní Aoláin, Rapporteure spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste ; Mary Lawlor, Rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme ; Irene Khan, Rapporteure spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression ; Margaret Satterthwaite Rapporteure spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats ; Alice Jill Edwards, Rapporteure spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. 

NOTE 

Les Rapporteurs spéciaux font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand corps d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations Unies, est le nom général donné aux mécanismes indépendants d’établissement des faits et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire; ils ne font pas partie du personnel de l’ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.