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Myanmar : des experts de l’ONU condamnent la « dictature numérique » de la junte militaire

Scène de rue au Myanmar.
Unsplash/Justin Min
Scène de rue au Myanmar.

Myanmar : des experts de l’ONU condamnent la « dictature numérique » de la junte militaire

Droits de l'homme

Des experts des droits de l’homme de l’ONU ont condamné, mardi, les tentatives de la junte militaire du Myanmar d’instaurer une « dictature numérique » dans ce pays en imposant de nouvelles restrictions à l’accès à Internet, des coupures d’Internet, une censure en ligne, une surveillance et d’autres obstacles à l’accès à Internet.

Plus récemment, la junte a imposé des coupures d’Internet ciblées dans des zones où elle est confrontée à une forte résistance des groupes d’opposition. Selon les experts indépendants onusiens, ces restrictions d’Internet sont utilisées par la junte comme « une couverture pour cacher ses atrocités en cours ».

« Les obstacles à l’accès à Internet entravent les efforts déployés par les journalistes, les observateurs des droits de l’homme et les organisations humanitaires pour recueillir des preuves des violations des droits de l’homme commises par les militaires ou servir les populations à risque », ont dit dans une déclaration commune, Thomas Andrews, Rapporteur spécial sur la situation au Myanmar ; Irene Khan, Rapporteure spéciale sur la protection de la liberté d’expression ; la Dre Ana Brian Nougrères, Rapporteure spéciale sur le droit à la vie privée ; et Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association.

Trois des quatre entreprises de télécom ont des liens directs avec l’armée

Or selon les experts, l’accès en ligne à l’information est « une question de vie ou de mort pour de nombreuses personnes au Myanmar, notamment celles qui cherchent à se protéger des attaques aveugles de l’armée et les millions de personnes qui tentent de faire face à une crise économique et humanitaire dévastatrice ». Une façon de rappeler que la junte utilise les blocages d’Internet et la surveillance invasive pour « saper l’opposition publique généralisée et soutenir ses attaques contre le peuple du Myanmar ».

À la suite du coup d’État militaire du 1er février 2021 au Myanmar, la junte a imposé des coupures d’Internet roulantes à l’échelle nationale et a bloqué l’accès aux médias sociaux et aux plateformes de messagerie.  Depuis août 2021, une trentaine de communes dans sept États et régions auraient connu des coupures d’Internet, et 23 autres communes auraient subi des restrictions de vitesse de débit. 

D’une manière générale, la junte continue de bloquer l’accès aux sites web et aux plateformes de médias sociaux, notamment Facebook. Elle a contraint les fournisseurs d’accès à Internet à augmenter le prix des données et a imposé de nouvelles taxes sur les données et les cartes SIM, rendant l’accès à Internet inabordable pour beaucoup. 

Trois des quatre entreprises de télécommunications opérant au Myanmar ont des liens directs avec l’armée depuis que l’entreprise de télécommunications norvégienne Telenor a vendu ses activités au Myanmar en mars.

Ne pas rester les bras croisés

De plus, un projet de loi sur la cybersécurité donnerait aux autorités le pouvoir de bloquer les contenus en ligne ou de restreindre l’accès à Internet sans contrôle judiciaire. Ce texte pourrait interdire l’utilisation des réseaux privés virtuels (VPN), les utilisateurs de VPN risquant jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Bien que la loi n’ait pas encore été promulguée, les policiers et les militaires ont déjà commencé à rechercher des applications VPN lorsqu’ils fouillent les téléphones de membres présumés de l’opposition et d’autres détenus. 

Face à cette « dictature numérique », les experts ont exhorté les États membres des Nations Unies à condamner les politiques de la junte, et à adopter des sanctions ciblées contre l’armée et les entreprises liées à l’armée. Il s’agit notamment de sanctions restreignant la vente ou la fourniture de technologies de surveillance à double usage. 

Pour les experts, la communauté internationale ne doit pas rester les bras croisés. « Les États membres doivent agir rapidement pour mettre un frein aux efforts de la junte visant à ramener le Myanmar à l’âge des ténèbres numériques », ont conclu les experts indépendants de l’ONU.

NOTE :

Le mandat de l'Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre compte parmi les 45 « procédures spéciales » nommées par le Conseil des droits de l’homme pour l’aider à accomplir ses tâches dans des domaines aussi divers que la défense des droits des personnes d’ascendance africaine, la lutte contre la discrimination envers les femmes et les filles, ou encore les droits des migrants et la lutte contre l’extrême pauvreté. Les titulaires des mandats – Rapporteurs spéciaux, Experts indépendants et membres de groupes de travail, considérés comme « les yeux et les oreilles » du Conseil – rendent compte de la situation des droits de l’homme et donnent des conseils en la matière du point de vue d’un thème ou d’un pays particulier. Ils ne font pas partie du personnel des Nations Unies et ne reçoivent pas de salaire.