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Une jeune fille de 12 ans qui a subi une mutilation génitale féminine, dans la région de Somali, en Éthiopie.

La pandémie de Covid-19 menace la lutte contre les mutilations génitales féminines

© UNICEF/Tanya Bindra
Une jeune fille de 12 ans qui a subi une mutilation génitale féminine, dans la région de Somali, en Éthiopie.

La pandémie de Covid-19 menace la lutte contre les mutilations génitales féminines

Santé

La pandémie de Covid-19 pourrait réduire à néant les décennies de progrès mondiaux dans l'éradication des mutilations génitales féminines (MGF), ont prévenu jeudi des agences des Nations Unies à l'approche de la Journée internationale pour l'élimination de cette pratique néfaste, dimanche.

Les fermetures d'écoles, les confinements et les perturbations des services qui protègent les filles ont fait courir un risque accru à des millions de personnes dans le monde d'être soumises aux mutilations génitales féminines.

Selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), cela signifie que deux millions de filles supplémentaires pourraient être touchées d'ici 2030, ce qui entraînerait une réduction de 33% des efforts mondiaux en faveur de l'éradication. 

Terrain perdu

« Nous perdons du terrain dans la lutte pour mettre fin aux mutilations génitales féminines, avec des conséquences désastreuses pour des millions de filles là où cette pratique est la plus répandue », a déclaré la Conseillère principale de l'UNICEF pour la prévention des pratiques néfastes, Nankali Maksud. 

« Lorsque les filles ne peuvent pas accéder aux services vitaux, aux écoles et aux réseaux communautaires, leur risque de subir des mutilations génitales féminines augmente considérablement - menaçant leur santé, leur éducation et leur avenir », a-t-elle précisé. 

À l'occasion de la Journée internationale de tolérance zéro à l'égard des mutilations génitales féminines, célébrée chaque année le 6 février, des agences de l’ONU appellent à une action  « plus énergique » pour défendre les droits fondamentaux, la santé et l'intégrité des femmes et des filles. 

Une fillette de huit ans vivant dans un centre de secours pour les filles qui ont fui le mariage forcé et les mutilations génitales féminines (MGF).
© UNICEF/Henry Bongyereirwe
Une fillette de huit ans vivant dans un centre de secours pour les filles qui ont fui le mariage forcé et les mutilations génitales féminines (MGF).

Des séquelles à vie 

A ce jour au moins 200 millions de femmes et de filles dans le monde vivent avec des mutilations génitales féminines, terme qui désignent toutes procédure impliquant une modification ou une blessure des organes génitaux féminins pour des raisons non médicales. 

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les MGF sont principalement pratiquées sur les jeunes filles entre la petite enfance et l'âge de 15 ans et ce pour diverses raisons culturelles et sociales qui varient d'une région à l'autre. 

Par exemple, dans certaines communautés, on considère qu'il s'agit d'une étape nécessaire pour élever une fille et la préparer à l'âge adulte et au mariage. Dans d'autres, les MGF sont associées à des idéaux culturels de féminité et de modestie. 

Les filles qui subissent une MGF connaissent des complications à court terme telles que de fortes douleurs, l’état de choc, des saignements excessifs, des infections et des difficultés à uriner. Il existe également des impacts à long terme sur leur santé sexuelle et reproductive, ainsi que sur leur santé mentale. 

La « médicalisation » des MGF 

Selon les Nations Unies, les MGF sont un problème mondial. Bien que principalement concentrées dans 30 pays d'Afrique et du Moyen-Orient, elles sont également pratiquées dans certains pays d'Asie et d'Amérique latine, ainsi que par des populations immigrées en Europe occidentale, en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Dans certains pays, la pratique est encore presque universelle : environ 90% des filles sont concernées à Djibouti, en Guinée, au Mali et en Somalie.

L'OMS a également signalé « la médicalisation » de la pratique en tant que nouvelle tendance alarmante, précisant qu’environ une fille sur quatre ayant subi une MGF, soit 52 millions dans le monde, a été excisée par du personnel de santé.

Une femme dirige un groupe de discussion au Mali, où elle sensibilise les filles et les femmes à toutes les formes de violence, y compris le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines, afin de faire évoluer les comportements.
© UNICEF/Harandane Dicko
Une femme dirige un groupe de discussion au Mali, où elle sensibilise les filles et les femmes à toutes les formes de violence, y compris le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines, afin de faire évoluer les comportements.

Mettre fin aux MGF d'ici 2030 

Les agences de l'ONU s'efforcent d'éradiquer les MGF d'ici 2030, dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD). 

Depuis 2008, l'UNICEF et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) dirigent un programme conjoint qui se concentre sur 17 pays d'Afrique et du Moyen-Orient, tout en soutenant également des initiatives régionales et mondiales. 

Quatorze de ces pays disposent désormais de cadres juridiques et politiques interdisant les mutilations génitales féminines, avec près de 1.700 cas d'application de la loi et d'arrestations. 

Compte tenu des perturbations causées par la pandémie, le programme conjoint a adapté les interventions qui garantissent l'intégration des MGF dans la réponse humanitaire et post-crise. 

Infographie - Mutilation génitale féminine
UNFPA, Banque mondiale
Infographie - Mutilation génitale féminine

Investir maintenant 

L’ONU estime que les mutilations génitales féminines peuvent être éradiquées en une génération et souligne que des progrès sont possibles en garantissant l'accès des filles à l'éducation, aux soins de santé et à l'emploi. 

Alors qu'aujourd'hui, les filles ont un tiers de chances en moins d'être soumises à cette pratique par rapport à il y a 30 ans, l'UNICEF affirme que l'action doit maintenant être décuplée en raison de la pandémie et d'autres crises qui se chevauchent telles que l'augmentation de la pauvreté, les inégalités et les conflits. 

Dans son message pour la Journée internationale, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a affirmé que « cette manifestation flagrante de l'inégalité entre les sexes doit être arrêtée ». 

Il a exhorté les gens du monde entier à se joindre aux efforts de l'ONU pour mettre fin aux mutilations génitales féminines et faire respecter les droits fondamentaux de toutes les femmes et les filles. 

« Avec des investissements urgents et des mesures prises en temps voulu, nous pouvons atteindre la cible des Objectifs de développement durable consistant à éliminer les mutilations génitales féminines d'ici 2030 et construire un monde qui respecte l'intégrité et l'autonomie des femmes », a déclaré M. Guterres.