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En Afrique de l’Ouest, l’insécurité compromet les avancées durement acquises, selon l’envoyé de l’ONU

 Deux femmes déplacées dans un camp à Awaradi, au Niger.
© UNOCHA/Eve Sabbagh
Deux femmes déplacées dans un camp à Awaradi, au Niger.

En Afrique de l’Ouest, l’insécurité compromet les avancées durement acquises, selon l’envoyé de l’ONU

Paix et sécurité

Le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Mahamat Saleh Annadif, a prévenu lundi le Conseil de sécurité que l’environnement en matière de sécurité dans cette région est préoccupant, malgré des avancées politiques observées ces derniers mois.

« Il est certain que l'Afrique de l'Ouest et le Sahel continuent de progresser dans de nombreux domaines. Cependant, la sous-région est aux prises avec l'insécurité, qui risque d'annuler des avancées durement acquises », a-t-il dit dans un exposé, par visioconférence, devant les membres du Conseil.

M. Annadif, qui est le chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), était venu présenter le dernier rapport du Secrétaire général sur les activités d’UNOWAS pour la période du 18 juin au 21 décembre 2021.

Progrès sur le différend frontalier Cameroun-Nigéria

Sur le plan politique, il a noté que la région a enregistré des avancées démocratiques, notamment les élections réussies au Cabo Verde et en Gambie.

« Malgré toutes les inquiétudes justifiées suscitées par les turbulences actuelles en matière de gouvernance démocratique, ces exemples confirment l'attrait de la démocratie, comme le plus sûr vecteur pour façonner l'avenir des communautés, » a-t-il souligné.

Le Représentant spécial a également salué les progrès accomplis par la Commission mixte Cameroun-Nigéria en charge de la mise en œuvre de l’arrêt de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur le conflit frontalier entre les deux pays, depuis sa création en 2002. 

« Ces réalisations sont autant d’exemples positifs de résolution des conflits, démontrant concrètement la manière dont le règlement pacifique des différends frontaliers peut renforcer la confiance et la coopération bilatérale entre des pays voisins », a-t-il souligné.

Une situation sécuritaire complexe

Malgré les efforts nationaux, régionaux et internationaux, la situation sécuritaire dans la région demeure complexe et difficile. Les groupes extrémistes violents continuent d'étendre leur champ d'opérations au Sahel, notamment dans la zone des trois frontières du Liptako-Gourma entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, ciblant à la fois les civils et les forces de sécurité.

« Au Nigéria, le regain de criminalité et de conflits entre agriculteurs et éleveurs a détourné l'attention de la violence extrémiste dans le nord-est, qui reste néanmoins omniprésente. D’autres incidents, bien que de faible ampleur, dans le nord de la Côte d'Ivoire, du Bénin et du Togo démontrent que la menace tant évoquée des actes de terrorisme se déplaçant du Sahel en direction des pays côtiers du Golfe de Guinée est une réalité, » a souligné le Représentant spécial.

M. Annadif a, en outre, énuméré les conséquences des développements sécuritaires dont l’effet majeur est la crise humanitaire multiforme que vit la région, « caractérisée par la hausse des prix des produits alimentaires, l’augmentation de la pauvreté du fait de la Covid-19 et la perte des récoltes du fait de la sécheresse ».

Sur la question du changement climatique, l’envoyé de l’ONU a mentionné la nécessité d'une approche à long terme et a informé du soutien d’UNOWAS pour le développement de stratégies d’adaptation à la dégradation climatique dans la région Afrique de l’Ouest et Sahel. « Ceci dans le but de protéger les plus vulnérables qui sont victimes des urgences humanitaires et de la détérioration sécuritaire qui en résultent », a-t-il ajouté.

Il a appelé à un plus grand engagement dans la mise en œuvre de l'Agenda Femmes, paix et sécurité, et de l'Agenda des jeunes pour la paix et la sécurité. « Bien que plus de 50% d’électeurs de la sous-région sont des femmes, leur présence de façon significative au niveau des organes de décision tarde à se concrétiser, » a-t-il dit. « Une plus grande volonté politique, se traduisant entre autres par le financement sur les budgets nationaux de ces plans d’action est nécessaire ».

Le Représentant spécial a réitéré l’engagement d’UNOWAS à continuer d’accompagner les acteurs nationaux et régionaux pour renforcer la paix et la stabilité en Afrique de l’Ouest et au Sahel.

Le fléau de la piraterie dans le golfe de Guinée

La Directrice générale de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Ghada Fathi Waly, a également fait un exposé devant les membres du Conseil.

Elle a déclaré que le golfe de Guinée continue d'être une source de préoccupation majeure, les incidents le long de la côte ouest-africaine représentant la majorité des enlèvements en mer contre rançon se produisant dans le monde.

Une nouvelle étude du groupe de recherche sur la sécurité maritime, Stable Seas, menée en partenariat avec l'ONUDC, estime que la piraterie et les vols à main armée en mer coûtent chaque année 1,94 milliard de dollars aux États du golfe de Guinée. Les redevances portuaires et les tarifs d'importation perdus en raison de la diminution des activités de transport maritime sont estimés à 1,4 milliard de dollars par an.

« Ces milliards représentent un potentiel perdu et des fonds qui pourraient autrement être investis dans des économies licites et dans des communautés côtières en développement, des fonds qui sont plus que jamais nécessaires pendant la crise de la Covid-19 », a déclaré Mme Waly.

Dans toute la région, le crime organisé, facilité par la corruption, perpétue également l'instabilité, la violence et la pauvreté. « Le manque d'opportunités et la frustration poussent plus de jeunes vers la piraterie et le crime, et les laissent plus réceptifs aux récits de radicalisation », a averti la cheffe de l'ONUDC.

Des experts examinent un chargement de cocaïne en Guinée-Bissau
Photo : ONU Info/Alexandre Soares

 

Traite des êtres humains et trafic de drogues

Ces conditions désespérées rendent également plus de personnes vulnérables à la traite des êtres humains. Selon le rapport mondial 2020 de l'ONUDC sur la traite des personnes, 59% des victimes de la traite enregistrées en Afrique de l'Ouest et du Centre sont des enfants et 27% sont des femmes.

Par ailleurs, l'utilisation non médicale croissante d'opioïdes pharmaceutiques et les troubles liés à l'usage de drogues nuisent à la santé et à la sécurité publique, car la région continue d'être fortement touchée par les importations illégales de tramadol.

Dans le même temps, a expliqué Mme Waly, l'Afrique de l'Ouest est devenue un fabricant de méthamphétamine, principalement destinée aux marchés d'Asie de l'Est et du Sud-Est.

Le trafic de cocaïne fait peser une plus grande menace sur la sécurité, l'Afrique de l'Ouest servant de zone de transit majeure pour les expéditions vers l'Europe occidentale et centrale, ainsi que le trafic de résine de cannabis. « La valeur de ces flux illicites dépasse les budgets nationaux de certains pays de transit, ce qui est fortement déstabilisant dans cette situation sécuritaire complexe », a déclaré Mme Waly.