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Nazhat Shameem Khan, Ambassadrice des Fidji auprès de l’Office des Nations Unies à Genève dans la salle des pas perdus du Palais des Nations. Mme Khan a été élue Présidente du Conseil des droits de l’homme pour 2021.

Vaccins Covid-19, climat : pour sa Présidente, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a montré sa pertinence

Photo : ONU/Violaine Martin
Nazhat Shameem Khan, Ambassadrice des Fidji auprès de l’Office des Nations Unies à Genève dans la salle des pas perdus du Palais des Nations. Mme Khan a été élue Présidente du Conseil des droits de l’homme pour 2021.

Vaccins Covid-19, climat : pour sa Présidente, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a montré sa pertinence

Droits de l'homme

Au terme d’une des années les plus chargées de l'histoire du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, sa Présidente sortante, Nazhat Shameem Khan, a insisté sur le fait que cet organe intergouvernemental onusien demeure plus pertinent que jamais, citant ses actions sur l'iniquité vaccinale face à la Covid-19, le changement climatique et pas moins de cinq sessions extraordinaires tenus à Genève.

Dans un entretien accordé à ONU Info, alors qu'elle se prépare à quitter son mandat d'un an au Conseil à la fin du mois, Mme Khan qui est Ambassadrice des Fidji auprès des Nations Unies à Genève depuis 2014, a également évoqué son nouveau rôle à la Cour pénale internationale (CPI), où sa nomination en tant que Procureure adjointe a été annoncé le 10 décembre.

Créé par l'Assemblée générale des Nations Unies en 2006, le Conseil des droits de l’homme a pour mission de lutter contre les violations immédiates et importantes des droits humains dans le monde. Et cela concerne notamment la pandémie de coronavirus et les inégalités en matière de vaccination, a expliqué Mme Khan.
Accès inégal aux vaccins contre la Covid-19

« L’un des problèmes de fond liés à la pandémie de Covid19 est l’accès aux vaccins », a-t-elle déclaré. « L’accès égal de toutes les communautés, en particulier celles qui sont les plus vulnérables, aux vaccins est une conversation qui a lieu partout dans le monde, dans chaque pays ».

« La principale interrogation qui revenait régulièrement était : ‘Avons-nous une distribution équitable des vaccins entre les pays ?’ », se souvient Mme Khan, rappelant que la conversation autour de cette question a été largement amplifiée en 2021.

Et au cours d'une année qui a réuni les Etats lors de la conférence des Nations Unies sur le climat (COP26) à Glasgow, le Conseil des droits de l'homme a amplifié les appels à l'action pour réduire les émissions dans une perspective reposant sur les droits, malgré la résistance historique de certains, a poursuivi sa Présidente.

Je pense que beaucoup plus de pays ont reconnu que le changement climatique est une discussion pertinente dans chaque agence des Nations Unies, dans chaque institution.

« Il y a beaucoup de personnes dans le monde qui pensent que la seule conversation que vous pouvez avoir sur le changement climatique est à Bonn (où siège la CCNUCC, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques) et qu'il n'appartient pas au Conseil des droits de l'homme de parler de problèmes liés à l'environnement. Mais de plus en plus, je pense que beaucoup plus de pays ont reconnu que le changement climatique est une discussion pertinente dans chaque agence des Nations Unies, dans chaque institution. C'est l'affaire de tous », a-t-elle souligné.

Une nouvelle attention portée sur les droits

Nazhat Shameem Khan, Représentante permanente de la République des Fidji auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a été élue présidente du Conseil des droits de l'homme pour 2021.
Photo : ONU/Jean-Marc Ferré
Nazhat Shameem Khan, Représentante permanente de la République des Fidji auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a été élue présidente du Conseil des droits de l'homme pour 2021.

A titre d'exemple de cette nouvelle prise de conscience des risques posés par le changement climatique, Mme Khan a souligné l'intensification de l'activité et des prises de position internationales sur cette question dans le domaine des humains.

Des experts des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme et des organes de traités de droits de l’homme de l’ONU ont formulé des commentaires, des recommandations et des rapports sur le changement climatique. Parmi ces organes impliqués figure le Comité des droits de l'enfant, qui a publié un rapport sur l'impact du changement climatique sur les enfants.

C'est ce type de travail fondamental mené « sur de très nombreuses années » sur le lien entre le changement climatique et les droits humains qui a abouti à deux résolutions historiques au Conseil cette année sur le climat et les droits environnementaux, a expliqué Mme Khan.

La première résolution a reconnu le droit à un environnement sain, sûr et durable et la seconde a créé un mandat de Rapporteur spécial des Nations Unies sur le changement climatique et les droits de l'homme. « Les deux résolutions sont incroyablement importants pour le monde. Bien sûr, elles sont très importantes pour les petits États insulaires, en particulier dans le Pacifique, mais elles sont importantes pour le monde entier. Et je pense que le fait qu'il y ait eu un soutien aussi écrasant pour ces deux résolutions indique vraiment un consensus croissant », a déclaré la Présidente du Conseil.

Leadership des femmes et diversité de point de vue

Concernant la réalisation de l'égalité des sexes à l'ONU, Mme Khan a souligné le soutien du Conseil des droits de l’homme à cet égard, et à l'inclusivité de manière générale, en particulier pour les petits États insulaires.

Bien qu'elle soit fière d’être la troisième femme à avoir été élu à la présidence du Conseil, Mme Khan estime que « nous devons faire beaucoup d'introspection » pour comprendre pourquoi si peu de femmes l'ont précédée à la tête de l’organe onusien dans ses 15 années d’existence.

« Souvent, lorsque les personnes prennent la parole au Conseil, la question devrait être de savoir si elles parlent à un niveau important de responsabilité parce que souvent dans les organisations et les institutions, vous trouverez une représentation des femmes de l’ordre de 50 % et plus, mais elles sont souvent à un niveau où elles ne prennent pas vraiment les décisions. Alors, la question est : ‘où est le leadership des femmes ?’ Je pense que c'est une question très importante pour le Conseil. Combien d'ambassadeurs à Genève sont ambassadrices ? ».

Sur une note positive, Mme Khan a ajouté qu'« après beaucoup d'efforts et d'engagement », plus de la moitié des experts indépendants nommés par le Conseil des droits de l’homme sont des femmes. « Donc, je pense que nous avons réalisé quelque chose d’important », a-t-elle déclaré. « Mais cela pourrait retomber à tout moment », a-t-elle prévenu, estimant « que nous ne devrions pas être complaisants à ce sujet ».

Répondant aux préoccupations selon lesquelles toute politisation du Conseil risquait de paralyser ses travaux - une critique de longue date de l’organe onusien et un problème soulevé par son prochain président, l’Argentin Federico Villegas lors de son élection le 6 décembre dernier - Mme Khan a déclaré que la diversité des points de vue au sein de l’organe intergouvernemental n'était pas surprenant, compte tenu des 47 États qui en sont membres.

Selon elle, il est important de noter qu'il n'y avait pas de division du Conseil « en deux groupes opposant pays développés et pays en développement ». La dynamique actuelle est plus « nuancée », a-t-elle expliqué, avec des pays plus petits qui sont « moins susceptibles d'être connectés à un groupe de grandes puissances » et participent à la promotion d’échanges « utiles et productifs » entre les membres de l’instance onusienne.

Après avoir présidé pas moins de cinq sessions extraordinaires au Conseil des droits de l'homme en 2021 (Myanmar en février, Territoire palestinien occupé en mai, Afghanistan en août, Soudan en novembre, et Ethiopie en décembre), en plus des trois sessions ordinaires organisées en février, juin et septembre, Mme Khan disposera de peu de repos avant de relever son prochain défi professionnel : Procureure adjointe de la Cour pénale internationale (CPI).

La CPI n'est pas seulement un tribunal, c'est aussi une institution internationale et c'est également un organe multilatéral

De son expérience comme diplomate et Présidente du Conseil des droits de l’homme à Genève, celle qui fut par le passé procureure pénale et juge de la Haute cour aux Fidji compte amener avec elle à la CPI une meilleure compréhension du monde, de la coopération internationale « et de l'importance de la diplomatie ».

« La CPI n'est pas seulement un tribunal, c'est aussi une institution internationale et c'est également un organe multilatéral », a rappelé Mme Khan estimant que son prochaine poste est « une conclusion logique » de sa carrière construite sur la justice pénale et la diplomatie multilatérale.

« Ce sera une expérience extrêmement difficile, mais c'est une expérience à laquelle je pense ma carrière m'a préparé », a déclaré la Présidente. La prochaine Procureure adjointe de la CPI prendra connaissance de ses dossiers dans les prochains mois, une fois à La Haye où elle travaillera aux côté de Karim Khan, le Procureur principal de la Cour qui dirigea par le passé l’équipe d’enquêteurs des Nations unies sur les crimes commis par l’organisation État islamique.