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A Genève, Michelle Bachelet dénonce de graves reculs des droits humains dans le monde

La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet.
Photo : ONU/Laura Jarriel
La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet.

A Genève, Michelle Bachelet dénonce de graves reculs des droits humains dans le monde

Droits de l'homme

La cheffe des droits de l’homme de l’ONU a dénoncé, lundi 21 juin, de graves reculs en matière de droits humains dans le monde, à l’ouverture de la 47e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève.

« C’est un honneur de m’adresser à ce Conseil à l’occasion de son 15e anniversaire - malheureusement, cela coïncide avec une période de graves reculs en matière de droits de l’homme », a déclaré la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Michelle Bachelet. « L’extrême pauvreté, les inégalités et l’injustice augmentent ».

Face à un « espace démocratique et civique, qui s’érode », Mme Bachelet estime que la génération actuelle de dirigeants mondiaux devra trouver une solution claire pour sortir de la crise complexe de la pandémie de Covid-19. Il s’agit ainsi de « s’orienter vers un avenir inclusif, écologique, durable et résilient, ou bien s’effondrer ».

Des personnes déplacées dans la ville d'Adigrat, dans la région du Tigré, en Ethiopie.
© UNICEF/Zerihun Sewunet
Des personnes déplacées dans la ville d'Adigrat, dans la région du Tigré, en Ethiopie.

Poursuite des violations des droits humains au Tigré

Plus largement, la communauté internationale doit « avoir une vision qui change la vie ». « Pour nous remettre des graves reculs des droits de l’homme que nous n’ayons jamais vus, nous devons avoir une vision qui change la vie et une action concertée » pour la mettre en œuvre, a insisté l’ancienne Présidente chilienne dans un discours prononcé au Palais des Nations.

Dans cette enceinte genevoise, la Haut-Commissaire s’est dite très inquiète de la situation dans la région éthiopienne du Tigré, avec « des informations persistantes faisant état de violations graves du droit humanitaire international et de violations flagrantes des droits de l’homme et d’abus à l’encontre de civils par toutes les parties au conflit ». Elle s’est ainsi alarmée des exécutions extrajudiciaires, des arrestations et détentions arbitraires ainsi que des violences sexuelles à l’encontre d’enfants et d’adultes.

Cette sortie de Mme Bachelet intervient alors que des législatives ont lieu ce lundi en Ethiopie. Par ailleurs, des « indications crédibles » montrent que les soldats érythréens sont toujours présents au Tigré. Les forces d’Asmara continuent de perpétrer des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire, a-t-elle dit.

L’ONU a récemment estimé que 350.000 personnes sont menacées de famine. Pour Mme Bachelet, la situation humanitaire est « désastreuse, avec des rapports faisant état d’un refus d’accès à l’aide humanitaire dans certaines localités et du pillage des fournitures d’aide par les soldats ».

Autre inquiétude, les tensions augmentent dans le reste du pays. Dans de nombreuses autres régions d’Éthiopie, des incidents alarmants de violences ethniques et intercommunautaires meurtrières et de déplacements sont liés à une polarisation croissante sur des griefs de longue date. « Le déploiement actuel des forces militaires n’est pas une solution durable », a fait valoir Mme Bachelet, appelant à « un dialogue global et multidimensionnel dans tout le pays pour répondre aux véritables griefs exprimés ».

En attendant, les services de la Haut-Commissaire Bachelet et la Commission éthiopienne des droits de l’homme termineront leur investigation sur les violations des droits humains, dans le nord de l’Ethiopie.

Pour la tenue d’élections libres au Tchad et au Mali

Toujours sur le continent africain, la cheffe des droits de l’homme de l’ONU s’est dite « profondément préoccupée par les récents changements non démocratiques et anticonstitutionnels de gouvernement au Tchad et au Mali ». Des mutations qui représentent inévitablement « un défi important pour les droits de l’homme et qui ont affaibli la protection institutionnelle des libertés démocratiques».

Toutefois, Mme Bachelet note que les gouvernements de transition des deux pays ont affirmé leur détermination « à respecter les obligations juridiques internationales, notamment en matière de droits de l’homme ».

« Je me joins aux autres acteurs internationaux pour appeler à un renforcement de la lutte contre l’impunité, à des processus de transition démocratique pleinement participatifs et inclusifs, y compris la tenue d’élections libres et équitables, et à un retour rapide et complet à l’ordre constitutionnel tant au Tchad qu’au Mali », a-t-elle fait remarquer.

Des familles déplacées dans le nord du Mozambique ont trouvé un abri temporaire.
© UNHCR/Martim Gray Pereira
Des familles déplacées dans le nord du Mozambique ont trouvé un abri temporaire.

Meurtres, violences sexuelles, trafics et enlèvements au Mozambique

En Afrique australe, l’inquiétude demeure au Mozambique, en raison notamment de « l’aggravation du conflit dans le Nord, avec de graves violations des droits de l’homme par les groupes armés ». Dans cette partie septentrionale du pays lusophone, les services de Mme Bachelet font état « de meurtres brutaux de civils, de violences sexuelles et sexistes, de trafics, d’enlèvements et d’exploitation d’enfants ». « Les femmes et les filles seraient particulièrement visées », a affirmé la Haut-Commissaire.

Près de 800.000 personnes, dont 364.000 enfants, ont été contraintes de fuir leur domicile en raison des violences et sont confrontées à une insécurité alimentaire croissante.

De plus, des rapports font état également « de graves violations des droits humains commises par les forces de sécurité de l’État, soutenues par des sociétés de sécurité privées « Je suis préoccupée par l’absence de mécanismes efficaces de contrôle et de reddition de compte », a dit Mme Bachelet, relevant l’importance de la reddition des comptes.

« Il est important que toutes les violations présumées, qu’elles soient le fait d’acteurs privés ou publics, fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites, et que des mesures soient adoptées pour mettre un terme à ces actes », a-t-elle insisté.

Des niveaux élevés d’insécurité et des troubles politiques à Haïti

S’agissant de la situation à Haïti, la Haut-Commissaire s’est dite préoccupée de la poursuite « des troubles politiques liés en partie à un désaccord sur l’organisation d’un référendum sur une nouvelle Constitution, et l’organisation d’élections en septembre ». Pour Mme Bachelet, les autorités haïtiennes doivent garantir le droit de vote dans des conditions de sécurité.

En attendant, les populations font face à « des niveaux élevés d’insécurité et des difficultés apparentes du gouvernement à lutter contre cette tendance ». De plus, la police ne serait pas intervenue lors d’un certain nombre d’affrontements récents entre groupes criminels dans la capitale Port-au-Prince.

Ces incidents ont fait au moins 50 morts, entraîné le déplacement de plus de 10.000 personnes et aggravé un accès déjà très limité aux services de base. 

Mme Bachelet condamne fermement les attaques violentes contre la Police Nationale d’Haïti, avec la mort de 25 policiers depuis janvier. Elle demande aux autorités de prendre toutes les mesures possibles pour assurer la protection de tous les Haïtiens et s’attaquer aux causes profondes de la violence.

Des manifestants lors de la Marche pour la paix et l'indépendance à Minsk, au Bélarus (photo d'archives).
Unsplash/Andrew Keymaster
Des manifestants lors de la Marche pour la paix et l'indépendance à Minsk, au Bélarus (photo d'archives).

De nombreuses allégations d’arrestations et de détentions arbitraires au Bélarus

Sur le volet européen de son discours, Mme Bachelet s’est dite « consternée par les mesures récentes qui portent encore plus atteinte au droit des gens d’exprimer des opinions critiques et à leur capacité de participer aux élections parlementaires prévues en septembre en Russie ».

Au début du mois, un tribunal de Moscou a jugé que la Fondation anticorruption dirigée par l’opposant Aleksei Navalny était une « organisation extrémiste ». « Il a également jugé que la Fondation pour la protection des droits des citoyens, qui lui est associée, et le réseau national de bureaux politiques de Navalny étaient extrémistes », a détaillé Mme Bachelet.

Dans ces conditions, elle demande instamment aux autorités « de mettre fin à la pratique arbitraire consistant à qualifier des individus ordinaires, des journalistes et des organisations non gouvernementales d’extrémistes, d’agents étrangers ou d’"organisations indésirables ».

Au Bélarus voisin, la situation continue également de se détériorer, avec de sévères restrictions de l’espace civique, notamment des droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. Mme Bachelet fustige ainsi « des raids contre la société civile et les médias indépendants ». D’une manière générale, ses services continuent de recevoir « de nombreuses allégations d’arrestations et de détentions arbitraires, de torture et de mauvais traitements ».

Michelle Bachelet souhaite pouvoir se rendre au Xinjiang

En ce qui concerne la Chine, en un an depuis l’approbation d’une loi sécuritaire à Hong Kong, 107 personnes ont été arrêtées en raison de ce dispositif depuis le 1er juillet 2020. Environ 57 personnes ont été poursuivies. Alors que le premier procès est attendu cette semaine, la Haut-Commissaire mentionne un « test » pour les autorités de la région pour leur volonté d’honorer leurs obligations internationales.

Par ailleurs, Mme Bachelet continue de discuter avec la Chine des modalités d’une visite, y compris d’un accès significatif, dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang. Elle espère que cette visite pourra se faire cette année, d’autant plus que « des rapports faisant état de graves violations des droits de l’homme continuent d’être publiés ».

Harcèlement des Tamouls et mesures gouvernementales visant les musulmans au Sri Lanka

Au Sri Lanka, Mme Bachelet s’est dite préoccupée « des nouvelles mesures gouvernementales perçues comme visant les musulmans, et par le harcèlement des Tamouls, notamment dans le cadre des événements de commémoration des personnes décédées à la fin de la guerre ».

En Afghanistan, elle s’est dite alarmée par la forte augmentation de la violence et des dommages causés aux civils. L’attaque récente d’une école dans un quartier hazara de Kaboul - qui a tué 85 enfants, pour la plupart des filles - a été particulièrement « choquante, même après tant de décennies d’attaques horribles contre des familles afghanes ».

« Au cours des six mois qui ont suivi le début des pourparlers entre le gouvernement et les Talibans, le nombre de victimes civiles a augmenté de 41% par rapport à la même période un an auparavant », a conclu la Haut-Commissaire aux droits de l’homme.