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Gaza : après l’entrée en vigueur d’une trêve, d’importants besoins médicaux et traumatiques

Un enfant regarde un bébé dormir dans une salle de classe de l'UNRWA à Gaza.
© 2021 UNRWA/Mohamed Hinnawi
Un enfant regarde un bébé dormir dans une salle de classe de l'UNRWA à Gaza.

Gaza : après l’entrée en vigueur d’une trêve, d’importants besoins médicaux et traumatiques

Aide humanitaire

Alors que le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas est entré en vigueur ce vendredi 21 mai dans la bande de Gaza et met fin à plus de 10 jours d’affrontements, les organismes humanitaires cherchent à fournir une aide d’urgence et la manière dont ils peuvent aider à reconstruire l’enclave palestinienne.

« Maintenant il y a un besoin d’amener de l’assistance médicale au plus vite », ont déclaré lors d’une conférence de presse hybride depuis Genève, les différents représentants des agences humanitaires onusiennes et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

« En tant qu’humanitaire, l’action se concentrerait sur les coûts insupportables et inacceptables de cette situation pour toute la population civile, y compris en Israël », a ainsi dit Matthias Schmale, Directeur pour Gaza de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).

« L’une de nos priorités est d’acheminer des fournitures médicales supplémentaires pour soutenir un système de santé déjà fragile et soumis à d’immenses pressions, qui doit également faire face à la propagation de la Covid-19 », a renchéri  Fabrizio Carboni, Directeur régional pour le Moyen-Orient au CICR.

Pour l’UNRWA, il y a maintenant trois priorités. S’exprimant par vidéo depuis la ville de Gaza, M. Schmale a jugé important de trouver des moyens de soutenir les sans-abri. Il s’agit aussi de « commencer une évaluation sérieuse de la destruction infligée aux infrastructures physiques, avant de reconstruire ». « Et, enfin, reconnaître que la population était terrifiée et traumatisée, ayant été soumise auparavant à trois autres guerres, à la pandémie de COVID-19 et maintenant à ce conflit ».

« La pandémie de Covid-19 ne disparaît pas avec le cessez-le-feu » - CICR

« Il n’était pas possible de considérer la situation comme une simple reconstruction physique : il s’agit de reconstruire des vies », a insisté ce responsable de l’UNRWA, tout en faisant état d’une « fenêtre » de plusieurs heures vendredi au cours de laquelle de l’aide et des fournitures ont pu être acheminées par le point de passage de Kerem Shalom vers Gaza.

De plus, M. Schmale a indiqué qu’un laboratoire central, qui effectue des tests pour le coronavirus avait été « rendu dysfonctionnel par l’explosion d’une bombe massive ».

De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recensé des « besoins importants en matière de traumatismes » dans les zones palestiniennes, où au moins 275 personnes ont été tuées au cours des 11 jours de combats entre Palestiniens et Israéliens.

La porte-parole de l’OMS, Margaret Harris, a déclaré qu’au moins 17 centres de soins de santé primaires ont été endommagés ; le laboratoire central pour les tests COVID a été gravement touché et doit être réparé. Et 46% des médicaments essentiels manquaient et l’entrée de fournitures médicales était « cruciale ».

Dans ces conditions, le CICR note l’urgence d’apporter au plus vite une aide médicale dans une zone où « le système de santé est déjà sous une grosse pression parce qu’on n’a jamais réussi à totalement le réhabiliter depuis la crise de 2014 ».  « Il y a des problèmes financiers importants et puis en plus, il y a cette crise de la Covid-19 qui ne disparaît pas avec le cessez-le-feu, et qui est toujours bien présente », a fait valoir M. Carboni.

« Et puis aussi, il y a là l’aspect psychologique qui est notre avis totalement sous-estimé, qui a un impact mais dévastateur sur les gens et qui est probablement même plus débilitant qu’une blessure visible et tangible », a-t-il ajouté, relevant qu’il y a toujours « un stigma et malheureusement autour de la détresse psychologique qui est massive ».

Plus de 107.000 personnes déplacées par les raids aériens

Sur le terrain, c’est également l’heure du bilan pour les humanitaires. Le Directeur régional pour le Moyen-Orient au CICR a ainsi estimé à « plusieurs centaines », le nombre de munitions non explosées éparpillées dans la bande de Gaza.

De son côté, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) note que près de 107.000 personnes ont été contraintes de fuir leur foyer pour se mettre à l’abri, dans un délai très court. « Certaines n’avaient que les vêtements qu’elles portaient sur elles », a déclaré Lucia Elmi, Représentante spéciale de l’UNICEF dans les territoires occupés de Palestine. Parmi ces déplacés, plus de 9.000 familles ont trouvé refuge dans 58 écoles de l’UNRWA dans la bande de Gaza, les autres étant hébergées par des familles ou des amis.

50 établissements scolaires endommagés

Plus largement, l’agence onusienne estime que les dégâts sont « énormes ». Au moins 50 établissements scolaires ont été endommagés. Environ la moitié du réseau d’eau est altérée. Près de 800.000 personnes n’ont pas accès à l’eau courante, car les puits et réservoirs d’eau souterraine, les usines de dessalement et d’épuration, les réseaux de distribution d’eau et les stations de pompage ont tous subi des dommages importants. « Ce qui expose les enfants au risque de contracter des maladies d’origine hydrique », a averti Mme Elmi.

Face à ces « dégâts importants », l’accent doit maintenant être mis sur l’aide à la reconstruction et au redressement. « Les dommages infligés en moins de deux semaines mettront des années, voire des décennies, à se reconstruire », a rappelé Fabrizio Carboni, ajoutant qu’après « chaque cycle de violence, les habitants de Gaza n’ont jamais la possibilité de se rétablir complètement, ce qui provoque une énorme frustration et une véritable crise d’espoir ».

Depuis le début des combats le 10 mai, l’OMS estime quelque 275 personnes étaient mortes et que plus de 8.000 blessés devaient être soignés dans le territoire palestinien occupé et à Gaza.  Selon les autorités israéliennes, 12 personnes ont été tuées en Israël, tandis que des centaines de personnes ont été soignées après avoir été blessées par des tirs de roquettes.

Certains enfants sont restés sous les décombres pendant des heures avant d’en être extraits

Mais ce sont les enfants qui ont dû payer un lourd tribut. « Dès le premier jour de l’escalade dans la bande de Gaza, l’impact sur les enfants a été très clair, lorsque quatre enfants, frères et sœurs d’une même famille, ont été tués », a affirmé la Représentante spéciale de l’UNICEF.

Au cours des 11 derniers jours, au moins 65 enfants palestiniens ont été tués et 540 autres ont été blessés. En Israël, deux enfants ont été tués et 60 ont été blessés.

« N’oublions pas que ce ne sont pas que des chiffres. Ce sont des enfants : des filles et des garçons, comme tous les autres enfants du monde, ils avaient des rêves et des aspirations », a fait remarquer Mme Elmi. « Les enfants tués se trouvaient pour la plupart dans leur propre maison, où ils devraient être en sécurité. Ils ne le sont plus », a-t-elle ajouté, soulignant que « leurs vies ont été écourtées, tout comme leur avenir.

Plus généralement, les bombardements ont été « si violents que certains enfants sont restés sous les décombres pendant des heures avant d’en être extraits ». « Comme l’a déclaré le Secrétaire général des Nations unies dans son discours d’hier jeudi devant l’Assemblée générale, [s’il existe un enfer sur terre, c’est bien la vie des enfants de Gaza aujourd’hui] ». 

Offrir « une perspective digne pour une vie digne » aux jeunes

Lors de ce point de presse, la responsable de l’UNICEF a relayé le témoignage de Tala, une jeune femme de 29 ans, mère d’une petite fille de neuf mois, qui vit à Gaza : « Les guerres précédentes ne sont rien en comparaison de celle que nous vivons. Je n’ai jamais eu aussi peur, tout ce qui nous entoure est si terrifiant ».

D’une manière générale, après la fin des activités militaires, l’UNRWA est d’avis que le « retour à la normale » à Gaza comportait encore des éléments qui n’étaient pas « normaux ». Premièrement, ces jours de guerre ont pu déclencher « une troisième vague de COVID-19 », les mesures de précaution n’étant pas respectées. 
Deuxièmement, le retour à la vie normale impliquait de s’occuper des engins non explosés ; l’UNRWA ne pouvait pas simplement se précipiter de nouveau dans ses bâtiments et ses écoles.

Troisièmement, l’agence onusienne est convaincue que « la guerre reviendrait si les causes sous-jacentes n’étaient pas traitées, du point de vue de Gaza. « Il s’agit de donner aux gens, en particulier aux jeunes, une perspective digne pour une vie digne », a conclu Matthias Schmale.